J’ai été invité pour intervenir lors de la 6e rencontre annuelle des lanceurs d’alerte les 12, 13 et 14 novembre derniers.

Cette rencontre se tenait cette année dans un contexte particulier car la France doit traduire avant la fin de l’année dans sa législation la directive européenne de protection des lanceurs d’alerte. Un texte de loi est en cours d’examen au Parlement, il a été adopté par l’Assemblée nationale la semaine dernière. Il sera examiné au Sénat début 2021 avec un peu de retard. Les écologistes, dont les combats politiques sont intimement liés avec l’alerte, seront en première ligne pour examiner ce texte.

J’ai donc participé à deux tables ronde :

La table ronde inaugurale où les parlementaires ont écouté différents lanceurs d’alerte et leur vision de la protection des lanceurs d’alerte et leurs propositions législatives.

Lors de mon intervention ( à 1H51), j’ai salué le courages lanceurs d’alerte qui n’hésite pas à prendre des risques, à bouleverser leur propre vie pour en sauver d’autres, pour préserver l’environnement ou dénoncer des injustices.

J’ai rappelé les travaux des écologistes au Sénat et notamment le vote de la loi portée par l’ancienne sénatrice écologiste du nord Marie-Christine Blandin, la première loi de protection des lanceurs d’alerte.

J’ai salué le texte actuel en cours de navette, mais j’ai aussi précisé que nous souhaitions aller plus loin lors de l’examen au Sénat. Les écologistes proposeront :

  • Une définition juridique de l’alerte
  • La possibilité pour les personnes morales (ONG, syndicats, assos…) de porter l’alerte.
  • Un accompagnement financier pour les lanceurs d’alerte notamment ceux qui perdent leur emploi
  • Des facilités d’accès aux emplois publics pour les lanceur d’alerte

Plus largement, je me suis intérrogé sur la nature même e l’alerte. C’est un droit mais est-ce que cela doit devenir un devoir ? Faut il élargir la portée de l’article 40 du code de la procédure pénale (qui oblige les fonctionnaires qui ont connaissance de faits délictueux de saisir la justice) ? Faut-il l’assortir de sanctions ?

Et en élargissant encore on peut s’interroger sur le besoin même d’alerte citoyenne ? On déplore l’affaiblissement continu des moyens de contrôle de l’Etat.

Quid de l’affaiblissement de la presse, du journalisme d’investigation. La, presse aux mains de quelques magnats la presse dans une logique de rentabilité économique qui ampute ses moyens d’enquête…

Dans une société où les intérêts privés prennent le pas sur l’intérêt général, c’est toutes les structures de contrôle et d’alerte qu’il faut renforcer.

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Le samedi matin je participais à un table ronde sur la déficience des services de l’Etat.

https://www.youtube.com/watch?v=q4_08qC5TMk

Dans mon propos j’ai expliqué que cette déficience était assumée par les services de d’Etat voire même organisée.

Comme nous l’avions déjà largement évoqué lors de notre colloque au Sénat sur la démocratie environnementale, cela passe par les innombrables mesures de simplification prise par ce Gouvernement qui ne font qu’affaiblir l’Autorité environnementale et l’enquêtes publiques au profit des préfets :

  • La loi ESSOC au 1er semestre 2018 : retire à l’Autorité environnementale l’évaluation systématique des modifications de site au sein d’un même établissement pour les confier au préfet.
  • Un décret juin 2018 : modifie la nomenclature des sites Installation classées protection de l’environnement (ICPE) réduisant encore le périmètre de l’évaluation environnementale
  • La loi énergie climat de juillet 2019 : étend l’évaluation au cas par cas confiant toujours d’avantage de compétences au préfet au détriment de l’AE.
  • La loi ASAP de l’automne 2020 qui est venu parachever cette entreprise de démolition de l’AE. (Notamment son article 34 qui l’article 34 qui étend aux projets d’ICPE en cours d’instruction « les facilités aujourd’hui accordées aux installations existantes ».

Certaines de ces mesures sont en cause dans le drame de l’explosion de l’usine Lubrizol à Rouen.

Cela passe ensuite par la baisse des moyens financiers :

Entre 2013 et 2020 le ministère de l’écologie a connu une saignée phénoménale : près de 15 000 postes supprimés.

L’INERIS qui nous intéresse particulièrement ce matin n’échappe pas à cette politique malthusienne. Les effectifs baissent de 2% chaque année depuis 2013 pour atteindre en 2020 un plafond de 498 ETPT) ont été importantes.

Parallèlement, la subvention pour charges de service public reste au même niveau en euros courants, tandis que les autres subventions et les ressources propres sont en diminution. 

Il ressort de ces données que l’INERIS se trouve dans une situation de plus en plus difficile. Son directeur général, auditionné par le Sénat en 2019, redoute des déperditions de compétences irréversibles en cas de poursuite de cette trajectoire de financement et d’effectifs.

J’ai enfin dit un mot des conclusions de la commission d’enquête sénatoriales sur Lubrizol :

Un constat sans appel :

  • « Des failles béantes dans la politique de lutte contre les risques »
  • « Des trous dans la raquette »
  • « Un défaut d’information du public »
  • « Un système d’alerte dépassé »
  •  « des manquements graves qui nuisent à l’efficacité des mécanismes de prévention des accidents industriels ».

Face à ce constat implacable on est un peu déçu par les recommandations qui restent assez générale et qui cherchent encore à se traduire en une proposition de loi du Sénat.

Voilà pour ce week-end chargé en attendant l’examen du texte au Sénat.