Dès mon arrivée au Sénat , j’ai défendu la position de mon groupe lors de l’examen d’ordonnances prises par le Gouvernement précédent, visant à renforcer le dialogue environnemental afin d’éviter de nouvelles tensions sur des grands projets (Sievens, Notre-Dame-des-Landes…).

Si l’ambition de ce texte était louable, force est de constater que son contenu est quelque peu décevant.

Retrouvez l’intégralité de mon intervention du 10 octobre 2017 :

(seul le prononcé fait foi)

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais commencer par quelques mots de méthode.

On ne peut pas se satisfaire des conditions d’examen de ce projet de loi. Les délais laissés aux parlementaires sont très resserrés.

La commission s’est réunie pour sa constitution jeudi dernier et a examiné dans la foulée ce projet de loi. Quelques jours plus tard seulement, nous sommes réunis dans l’hémicycle pour son examen.

Comment, dans ces conditions, pouvons-nous réellement appréhender ces ordonnances importantes, puisque ce sont soixante articles du code de l’environnement qui sont impactés ?

Cette procédure, cumulée à l’utilisation de la procédure accélérée, ne permet pas aux parlementaires d’effectuer correctement leur travail de législateur.

Au final, nous ne pouvons corriger les dispositions de ces ordonnances qu’à la marge, sans revenir sur l’économie générale de ces textes.

Pour cette raison, les sénateurs du groupe CRCE se prononcent régulièrement contre le recours aux ordonnances qui réduit le Parlement à une simple chambre d’enregistrement a posteriori, puisque ces ordonnances sont déjà en vigueur.

Notre opposition est d’autant plus grande que cette habilitation a été votée lors de la loi Macron, loi à laquelle le groupe CRCE s’est opposé.

Il existe, enfin, une contradiction évidente entre le fait de promouvoir la démocratie environnementale et la volonté de court-circuiter le Parlement.

J’en viens au contenu.

Sur la première ordonnance concernant la participation du public, si nous pouvons nous satisfaire de la volonté affichée d’améliorer le dialogue environnemental en amont de la prise de décision, les dispositifs préconisés paraissent particulièrement limités, voire lacunaires, et ce pour deux raisons principales.

La première tient aux seuils de l’initiative citoyenne, manifestement trop élevés dans tous les cas de figure. Je ne prendrai qu’un exemple : recueillir l’approbation de 500 000 de nos concitoyens pour demander un débat public sur une réforme nationale semble bien inaccessible, encore plus dans des délais courts, fixés à quatre mois. Nous regrettons d’ailleurs, à ce titre, que notre amendement visant à diminuer de moitié ce seuil ait été déclaré irrecevable.

La seconde raison tient dans l’absence d’obligation concrète du maître d’ouvrage de tenir compte des avis émis. On peut légitimement se demander s’il ne s’agit pas simplement de renforcer l’acceptabilité de projets contestés, voire contestables, et non de permettre, par l’implication citoyenne, d’améliorer et même de transformer le projet soumis à consultation. Vous avez d’ailleurs reconnu, monsieur le secrétaire d’État, que ces dispositions visaient simplement à « faciliter l’aboutissement de projets »…

Par ailleurs, les critères d’éligibilité des installations devant entrer dans le champ de saisine restent très restrictifs, notamment en ce qui concerne les seuils financiers.

Pourtant, ni la convention d’Aarhus ni les directives européennes la déclinant n’autorisent à conditionner le niveau de participation citoyenne uniquement à des critères financiers. Il s’agit d’une vraie problématique sur laquelle les associations environnementales ont alerté les pouvoirs publics. Il existe des projets de faible ampleur financière aux conséquences très importantes sur l’environnement. La question reste donc posée d’une définition plus fine des critères pour permettre la participation des citoyens, laquelle est un droit constitutionnellement reconnu.

Si l’Assemblée nationale avait amélioré le texte, le Sénat a fait le choix de revenir sur plusieurs avancées.

Ainsi, des amendements avaient été adoptés afin d’abaisser la possibilité de saisine citoyenne pour les projets, programmes et plans à 5 millions d’euros comme seuil de dépenses publiques. Le délai concernant l’illégalité pour vice de forme ou de procédure avait été allongé à six mois. Le travail en commission au Sénat est revenu sur toutes ces améliorations. Nous le regrettons.

Reste la question de fond. Dans un cadre exigeant et évident de préservation de l’environnement, quels seront l’impact et la portée réels de ce droit d’initiative pour nos concitoyens et pour la qualité de la décision publique ? Il faudra y revenir et évaluer ces dispositifs. Nous aurions pu aller plus loin, notamment concernant la question du référendum en matière environnementale – cette thématique est abordée dans le rapport présenté par Alain Richard.

Les dispositions prévues paraissent donc timides et ne répondront pas à l’exigence souhaitée d’un meilleur partage des savoirs et des pouvoirs. La participation citoyenne semble si peu engageante pour les pouvoirs publics qu’elle risque même de s’avérer contre-performante en créant plus de frustration que d’enthousiasme.

S’agissant de la seconde ordonnance concernant l’évaluation environnementale, certaines de ses dispositions apparaissent clairement dangereuses. Il en va notamment de celles qui visent non pas à protéger l’environnement, mais à libérer les porteurs de projet, privés comme publics, de contraintes jugées excessives. Le Gouvernement se situe ici clairement dans la déréglementation, engagée et poursuivie par ses prédécesseurs au nom de la compétitivité coûte que coûte.

Pour exemple, le passage d’une étude d’impact au cas par cas plutôt qu’automatique nous semble particulièrement problématique.

La réduction des moyens dans l’administration risque, en effet, de laisser sans évaluation environnementale un grand nombre de projets, faute de temps et de moyens. Cela signifie que le respect du principe de non-régression du droit de l’environnement dépendra demain de la vigilance des services de l’État sur le terrain. C’est un risque que nous ne souhaitons pas prendre.

Nous sommes donc, en l’état, défavorables à ces évolutions législatives.

Pour autant, nous proposerons des amendements pour améliorer certains points de ces ordonnances. Nous espérons alors que le Gouvernement et la majorité sénatoriale sauront nous entendre.