Je suis intervenu au nom du groupe Écologiste Solidarités et Territoires lors du débat sur la régulation des plateformes numériques que nous avions demandé.
J’y ai rappelé que le rôle central que jouait les plateformes dans le débat public nécessitait un encadrement beaucoup plus fort car la propagation des fausses vérités, principalement par l’extrême droite menaçait la démocratie en son cœur.
J’ai invité la France et l’Europe a ne pas faiblir face au GAFAM et à renforcer leur arsenal de régulation en appliquant les sanctions prévus. J’ai appelé de mes vœux à la création de réseaux sociaux européen décentralisé et en open source que l’Europe pourrait favoriser.
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
Notre groupe et la plupart de ses membres ont choisi de quitter ou de mettre en sommeil leur activité sur X, considérant que ce réseau social ne permettait plus la tenue d’un débat public proposant le minimum d’exigence démocratique requis. Ce faisant, nous nous sommes privés d’un vecteur de communication important et patiemment construit au cours des années pour porter nos messages.
Mais le pouvions nous encore ? La récente campagne législative allemande a montré toute l’utilisation qu’Elon Musk, soutien affiché des néo-nazis allemands, pouvait faire de sa plateforme pour diffuser ses opinions d’extrême droite et ses préférences électorales. Que cela soit l’utilisation de son propre compte et de sa propre notoriété, la manipulation des algorithmes de la plateforme qu’a parfaitement expliqué mon collègue Thomas Dossus ou encore la multiplication des bots, les comptes robots qui inondent le réseau de contenus pro-AFD. Ceci en total violation de la régulation européenne DSA, qui si elle était appliquée strictement, aurait pu permettre de suspendre X en Allemagne le temps de la campagne.
Alors qu’aujourd’hui les réseaux sociaux jouent, dans le débat public et électoral, un rôle aussi central (si ce n’est plus) que les médias traditionnels cela pose un problème évident d’équité démocratique et de sincérité du débat.
Cela est déjà extrêmement grave en soi mais la situation est encore pire. Le tropisme d’extrême-droite de X est un danger pour la vérité même des faits, vérité des faits que Meta (Instagram et Facebook) ne veut plus contrôler. Une étude colossale de la presse néerlandaise portant sur 32 millions de tweets émanant de plus de 8000 parlementaires issus de 26 pays a débouché sur une conclusion sans appel : « le populisme de droite radicale est le principal facteur de diffusion de la désinformation ». L’équation est simple : extrême droite = Fake news. La France n’est pas épargnée puisque notre ministre de l’Intérieur, pris en flagrant délit de falsification de chiffres sur la fusillade de Poitiers en novembre et a refusé tout démenti assumant que « (son) combat n’est pas un combat statistique »
Comme l’explique si justement Maria Ressa, prix Nobel de Paix : « Si on laisse les mensonges se propager plus vite que les faits, notre réalité sera divisée, la réalité partagée sera brisée et le journalisme et la démocratie deviendront impossible. »
Madame la ministre, voilà ni plus ni moins le défi existentiel auquel font face la France et l’Union européenne. Le règlement européen DSA, cela a été dit, est une première pierre essentielle pour protéger notre sphère publique. Il empêche ainsi Meta de renoncer au contrôle des contenus en Europe comme il le fait aux États-Unis. Mais la dynamique actuelle, notamment la démission fracassante de Thierry Breton, son architecte, nous inquiète. Malgré le contexte économique et commercial dystopique que nous connaissons face aux États-Unis, il faut continuer à être intransigeant avec les géants de la tech et même renforcer la réglementation.
Mais c’est l’identité même de l’Union européenne que de casser l’oligopole de fait des GAFAM. Oligopole qui tue la concurrence, oligopole qui tue l’innovation de nos TPE/PME, oligopole qui phagocyte les revenus publicitaires au détriment des médias traditionnels, oligopole qui menace même la neutralité du net.
Que cela soit pour défendre la démocratie, pour défendre la libre concurrence ou pour défendre nos entreprises innovantes européennes, nous devrions pouvoir trouver un accord pour renforcer encore la régulation. Nous devons notamment exiger une modération humaine et journalistique des contenus, davantage de transparence sur les algorithmes et l’encadrement strict de l’utilisation des bots.
La régulation des plateformes existantes doit être la première jambe de notre action collective. La seconde doit être de favoriser la création de nouvelles plateformes numériques européennes.
Celles-ci devront êtres décentralisées, c’est-à-dire hébergées sur des serveurs différents et pouvant utiliser leur propres règles de fonctionnement et leur propres algorithmes, tout en pouvant communiquer avec les utilisateurs d’autres plateformes. C’est comme cela que fonctionne par exemple les hébergeurs de boites mails.
Elles devront être en open source, c’est-à-dire transparente sur leurs codes, leur langages de programmation permettant ainsi le contrôle de l’autorité de régulation comme le contrôle citoyen. Ce mode de fonctionnement est notamment celui de Wikipédia.
Et idéalement non lucrative pour éviter la collecte sauvage de nos données et la priorité donnée aux algorithmes pour pousser en premier lieu la publicité.
L’union européenne peut et doit être la colonne vertébrale, notamment financière, de telles plateformes pour accélérer leur développement.
En attendant, des plateformes répondant à certaines de ces exigences existent et je vous invite, Madame la Ministre, comme j’invite l’ensemble Gouvernement et des institutions publiques à investir ces plateformes comme celle du papillon bleu. A minima en plus de X et idéalement en lieu et place de X.
Je vous remercie