Je suis intervenu au nom du groupe écologiste lors du débat sur le Livre Blanc de la Défense européenne.
J’y ai salué les évolutions positives comme la possibilité de réaliser un emprunt collectif européen et des achats regroupés. J’ai regretté que l’effort proposé par la commission repose les efforts individuels des Etats membres.
J’ai enfin rappelé que pour réaliser l’effort considérable qu’exige notre sécurité collective, nos compatriotes les aisés devront nécessairement être mis à contribution
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Après le plan « réarmer l’Europe » présenté début mars, la Commission européenne a présenté le 19 mars dernier sa déclinaison plus opérationnelle : le Livre blanc de la Défense européenne. Alors que le recours à l’article 122 du Traité de l’Union exclut le Parlement européen de tout droit de regard – ce que nous déplorons -, il est important et bienvenu de pouvoir tenir ici un débat démocratique.
Dans les grandes lignes, nous approuvons l’effort engagé par l’Union européenne et ses membres pour démultiplier notre soutien à l’Ukraine et construire les conditions d’une réelle autonomie stratégique continentale.
Dans le détail, nous formulerons commentaires, réserves et propositions.
Avec 650 milliards d’euros de dépenses à la seule charge des Etats membres, le plan « réarmer Europe » laissait à penser nous allions vers davantage de défense de l’Europe certes, mais pas vers davantage d’Europe de la défense.
Si le Livre blanc ne bouscule pas ces équilibres, la faute notamment à une trajectoire budgétaire européenne trop rigide jusqu’en 2027, il apporte néanmoins quelques éléments intéressants.
Ainsi, le programme SAFE prévoit 150 milliards d’euros levés par l’Union européenne sous forme d’emprunt mutualisé et ne pourront être décaissés que pour effectuer des achats groupés entre plusieurs pays e auprès de notre industrie européenne de Défense puisque que 65 % des crédits devront être consommés sur des produits ou des composants européens.
Monsieur le Ministre, nous voyons toute l’influence de la France dans la fixation de cette ambition. Me référant à notre débat lors de l’examen du budget, je me satisfais de cette jauge ambitieuse sans être trop rigide vu l’urgence du contexte et l’ampleur du progrès à accomplir.
Nous saluons également l’ouverture de ce mécanisme à l’Ukraine, qu’il s’agisse pour l’Ukraine de faire des achats mutualisés avec des pays de l’Union comme de la possibilité de comptabiliser la BITD ukrainienne avec celle de l’union. Compte tenu de la montée en puissance de cette dernière depuis une décennie, c’est tout à fait bienvenu.
Nous croyons cette disposition à même de faire évoluer dans le bon sens des habitudes nationales très ancrées et d’avancer collectivement vers un réflexe essentiel : acheter européen quand une solution européenne existe.
Nous notons la tentative de définir des besoins capacitaires et des priorités d’investissements européens. C’est un premier pas qu’il faudra articuler avec la définition, trop souvent autocentrée, des besoins nationaux. En ce sens, je n’ai pas le sentiment que le travail de réactualisation de notre Revue nationale stratégique intègre suffisamment cette dimension des besoins collectifs de l’Union. J’espère une inflexion en ce sens dans la mouture finale que le Gouvernement présentera avant l’été.
Un mot également de l’intelligence artificielle et des drones autonomes mentionnés par le Livre blanc. Certaines tournures de phrase nous inquiètent. Nous tenons à rappeler ici notre opposition totale à toute évolution de la législation européenne en matière de drone, qui interdit l’utilisation de toute arme autonome capable de tuer un être humain sans décision explicite d’un autre être humain. Dans la même logique, nous appelons l’Union à se doter d’une législation relative à l’utilisation de l’IA, incluant particulièrement ses utilisations militaires.
S’agissant des mécanismes de financement de cet effort considérable, nous restons sur notre faim quand nous ne sommes pas inquiets. En attendant des financements directs à partir de 2027 dans le prochain cadre budgétaire pluriannuel, nous sommes pour le moment contraints de recourir à l’emprunt et donc à la dette.
Dette collective et dette de chaque Etat permise grâce à un assouplissement temporaire du Pacte de stabilité. Cet assouplissement pour les seules dépenses de défense est insuffisant. Il faut réformer intégralement le Pacte de stabilité et y inclure les dépenses essentielles des Etats : la Défense, la transition écologique, la justice sociale, les investissements d’avenir. Nous demandons également des investissements européens dans tous ces domaines stratégiques.
Nous le répèterons à chaque fois, les dépenses militaires ne doivent pas entrer en concurrence avec nos autres dépenses essentielles. L’autonomie stratégique européenne n’existera pas sans transition et sobriété énergétique pour stopper notre dépendance aux fossiles et à l’uranium russe. Elle n’existera pas non plus si des populations paupérisées par l’affaiblissement de nos filets de protection sociale mettent l’extrême droite alliée de Poutine au pouvoir.
A l’échelle européenne comme à l’échelle nationale, pour financer notre effort militaire, il faut des ressources complémentaires et de la justice. Ainsi, il est inenvisageable que ces milliards d’argent public enrichissent éhontément les actionnaires des industries de défense, il faut encadrer leurs futurs dividendes. Enfin, et nous vous le proposerons lors de notre espace réservé en juin, il faut mettre nos compatriotes les plus aisés à contribution, par exemple en instaurant la taxe sur les hauts patrimoines proposée par Gabriel Zucman.
Je vous remercie