Entre fin mars et début avril, le Sénat a examiné trois propositions de loi consacrées ou traitant de la rénovation énergétique des bâtiments. A chaque occasion j’ai tenté de proposer des amendements inspirés de mon rapport « Rénovation énergétique des logements : relever le défi de l’accélération », à chaque fois avec un succès très mitigé.

  1. Une timide avancée sur la rénovation du bâti ancien

La première de ces propositions, issue de mon collègue socialiste Mickaël Weber, avait pour objet d’adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien. Elle a été adoptée par le Sénat après avoir largement été vidée de son ambition. Cette proposition prévoit tout de même une définition juridique du terme « bâti ancien » plus précise que celle communément utilisée (bâti d’avant 1948) et prévoit d’adapter les paramètres du diagnostic de performance énergétique (DPE) aux spécificités du bâti ancien.

En revanche, elle a été amputée de sa définition des matériaux biosourcés et géosourcés que nous avons tenté de rétablir avec mon collègue Yannick Jadot, sans succès.

Plus dommageable, le texte prévoyait initialement un mécanisme d’accompagnement pour les ménages modestes que le Sénat a supprimé. Cette mesure, que nous avons également tenté de réinstaurer, est essentielle. Le bâti ancien est en effet sujet à de nombreuses problématiques coûteuses pour les propriétaires et les travaux de rénovation y sont généralement plus onéreux qu’ailleurs.

Ces deux dispositions faisaient partie de la proposition n°20 de mon rapport.

J’ai également interpellé la ministre sur une autre des propositions de ce rapport, que je n’ai pas pu traduire en amendement dans ce texte (ni dans les suivants en raison des règles de recevabilité des amendements) : la nécessité de professionnaliser davantage la filière des diagnostiqueurs énergétiques, en confiant aux Chambres de commerce et d’industrie la nécessité de valider leur formation et leur savoir-faire via la délivrance d’une carte professionnelle

Nous avons néanmoins voté en faveur de cette proposition tout en regrettant sa timidité.

  • 2. Le Sénat recule sur l’interdiction de location des passoires thermiques

Le Sénat a ensuite examiné la proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété. Cette PPL est avant tout un texte technique venant préciser certaines situations spécifiques dans le cadre de la relation locataire et propriétaire et apporter de la sécurité juridique. Il comportait également quelques exemptions déguisées à l’obligation de travaux, permettant ainsi de contourner l’interdiction de location progressive des passoires thermiques prévue depuis 2021 par la Loi Climat et résilience. Nous nous sommes donc opposés à ce texte.

Nous avons défendu sans succès plusieurs amendements pour empêcher ce texte d’assouplir l’interdiction des passoires énergétiques.

Mon collègue Yannick Jadot a néanmoins fait adopter un amendement important visant à créer un septième poste de travaux pour permettre une rénovation énergétique intégrant le confort ou l’habitabilité d’été pour lutter contre les bouilloires thermiques. Aujourd’hui, 9 logements sur 10 ne sont pas adaptés au sens de l’indicateur « confort d’été » du DPE. Cet amendement est une traduction de la proposition n°6 de mon rapport.

J’ai également porté un amendement me semblant essentiel visant à instaurer un DPE collectif pour chaque bâtiment d’une copropriété et à rendre ce DPE opposable s’agissant de l’interdiction des passoires thermiques. Ainsi, nul ne pourrait faire obstacle aux travaux de rénovation énergétique qui pour la plupart (mode de chauffage, isolation des murs, isolation des combles ou du toit) concerne l’ensemble de la copropriété et pas un seul propriétaire.  Ainsi tous les copropriétaires seraient solidaires en empêchant qu’un bien proposant un DPE suffisant puisse être loué dans un immeuble faisant état d’un DPE insuffisant.

Le texte introduit dans le droit cette notion de DPE collectif mais dans un sens opposé, pour dédouaner un propriétaire de passoire thermique de réaliser les travaux si le DPE du bâtiment est suffisant… Nous avons donc voté contre ce texte.

  • 3. Mieux lutter contre la fraude à la rénovation

Le Sénat examinait enfin le 3 avril dernier la proposition de loi renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques, dont la plupart des mesures concernait la fraude aux dispositifs de soutien financier aux travaux de rénovation thermique.

Malgré des mesures bienvenues, nous nous sommes également opposés à cette proposition, qui, dans sa version finale, contenait des mesures liberticides pour lutter contre la fraude sociale et conférait des pouvoirs de contrôle invraisemblables à l’administration pour contrôler et sanctionner les associations subventionnées en contournant la justice et le principe du contradictoire.

Lors de l’examen de ce texte, j’ai néanmoins fait adopter deux amendements reprenant des propositions de mon rapport.

Le premier, reprenant la proposition n°10 du rapport rendant obligatoire pour les sites internet et les publicités proposant des travaux de rénovation d’inclure un lien de redirection vers la plateforme France Renov’. Il est en effet primordial que les particuliers se lançant dans des travaux de rénovation puisse bénéficier d’informations neutres et, s’ils le désirent, d’un accompagnement désintéressé. Précisons que cet amendement a été adopté suite à son amélioration par le Gouvernement.

Le second vise à rétablir un délai de carence minimum d’un an après la suspension du label ou signe de qualité (notamment le label RGE) délivré à une entreprise et auquel est conditionné l’octroi d’aides financières pour les travaux afin de renforcer la lutte contre la fraude aux aides publiques.

Nous avons enfin et surtout imaginé en lien avec les représentants des organisations professionnelles (notamment la CAPEB 38 et la CAPEB nationale) un dispositif que nous jugeons pertinent, qui conditionne le versement de toute aide publique ou avantage fiscal à la réalisation d’un contrôle sur site obligatoire de type CONSUEL (responsable de la certification des installations électriques) pour attester de la bonne exécution des travaux.

Toutes les entreprises seraient ainsi éligibles aux travaux subventionnés et se verraient délivrer un certificat de conformité à l’issue du contrôle en cas de bonne exécution des travaux. L’obtention de trois certificats de conformité par une entreprise permettrait en outre la délivrance automatique du label RGE. Nous pensons cette mesure tout à la fois capable de lutter contre la fraude, d’accompagner de la filière de la rénovation et de simplifier la vie des entreprises. 

Cet amendement est directement inspiré de la proposition n°9 du rapport et se veut donc tout à la fois une mesure de lutte contre la fraude, une mesure d’accompagnement de la filière de la rénovation et une mesure de simplification administrative pour les entreprises de cette filière.

Il n’a malheureusement pas été adopté mais je continuerai à le défendre avec force comme toutes les propositions législatives du rapport qui n’ont pas encore pu être inscrites dans la loi.

Crédit photo en une : Milivoj Kuhar