Je suis intervenu hier soir au Sénat au nom de Ecologiste – Solidarité et Territoires pour répondre à la Déclaration de Politique générale de la Première ministre Elisabeth Borne.

J’ai insisté sur le besoin impérieux de rebâtir les digues avec le Front national.
J’ai appelé à une refonte de nos institutions notamment pour instaurer la proportionnelle.
J’ai demandé la constitutionnalisation du droit l’avortement.
J’ai regretté la teneur des propos du président de la Première ministre, qui malgré leur absence de majorité, restent très peu ouverts à la négociation.
Je me suis fait l’écho des aspirations et des angoisses d’une partie de la jeunesse de France.
J’ai dénoncé l’illusion écologique de ce Gouvernement qui nie les limites planétaires.
J’ai rappelé les grandes propositions de la NUPES pour renforcer le pouvoir de vivre de nos compatriotes dans cette période d’inflation galopante !

Madame la Première ministre,

Votre déclaration de politique générale vient apporter quelques précisions bienvenues, à un projet présidentiel dont, comme tout un chacun, nous n’avions pas saisi grand-chose. L’exercice est réussi, on n’en oublierait presque que vous gouvernez depuis cinq ans. On comprend donc bien, même si on le déplore, que vous vous dérobiez à la confiance de l’Assemblée nationale de peur d’être sanctionnée par ce passif.  

Après le revers historique de la majorité présidentielle aux élections législatives, où votre projet est arrivé derrière celui de la Nouvelle union populaire au 1er tour, il était de votre responsabilité de tendre la main aux oppositions. Contrairement au président de la République encore en proie au deuil de sa toute-puissance, vous avez semblé vous ouvrir au compromis parlementaire. Cette perspective a malheureusement été rapidement douchée par la suite de votre déclaration, où à aucun moment la négociation n’a semblé envisageable. C’est une bien curieuse conception du régime parlementaire dont il va vous falloir, en urgence, réapprendre la pratique.

Après avoir diabolisé la gauche écologiste avec une violence inouïe, après avoir voulu l’exclure du champ républicain, il est effectivement difficile de lui tendre la main. Hier encore le ministre de l’Intérieur, curieusement promu, malgré son incapacité à organiser correctement une élection régionale ou une finale de la Ligue des champions, nous qualifiait « d’ennemis ». Renvoyer dos-à-dos, comme le fait également le président du Sénat, les partisans du progrès social et écologique et les héritiers de la collaboration, semeurs de haine et de division est proprement scandaleux ! 

Madame la Première ministre, Monsieur le Président du Sénat nous ne sommes pas un « danger » pour la République. L’affirmer tout comme banaliser le Rassemblement national est une faute devant l’Histoire. Permettez-moi solennellement à cette tribune, d’appeler toutes celles et ceux qui se considèrent « républicains », qui endossent cet héritage de progrès et de justice dont la gauche a toujours été le moteur de s’écarter du chemin crépusculaire qui nous mène droit au retour du fascisme au pouvoir. Madame la Première ministre, votre responsabilité en la matière est considérable. Vos hésitations du mois de juin ont permis l’arrivée de 89 députés RN à l’Assemblée. Les digues doivent être rebâties. C’est le dernier arrêt avant la nuit noire. 

Une chambre sans majorité absolue n’est pas un drame, c’est même une bonne nouvelle. A condition d’être clair sur les valeurs et de se débarrasser du scrutin majoritaire, dont l’utilité n’est plus, et qui porte en lui une violence politique dangereuse pour la démocratie. Instaurons la proportionnelle et cessons de faire campagne à coup d’anathèmes. Comme aux grandes heures du parlementarisme, délibérons, composons, prenons le temps de faire moins de lois et de meilleures lois.

Madame la Première Ministre, engagez en collaboration avec le Parlement la refonte de nos institutions. Rééquilibrons les pouvoirs entre l’exécutif et le législatif, mais également entre Paris et le reste de la France. Vous avez clamé votre amour des territoires. Il nous en faut surtout des preuves :

  • un nouvel acte de décentralisation,
  • une autonomie renforcée pour les territoires qui le désirent au premier rang desquels la Corse
  • et surtout, surtout des moyens financiers.

Sur la défense des droits humains et notamment des droits des femmes vous nous trouverez également à vos côtés. Alors que les Etats-Unis sombrent dans une régression moyenâgeuse, la France doit envoyer au monde un signal d’espoir et de progrès. Pour ce faire, nous vous proposons de rédiger ensemble, avec les Françaises et les Français une charte des droits des femmes qui viendrait se rattacher au préambule de notre Constitution. Madame la Première ministre, vous engagez-vous à porter une révision constitutionnelle pour consacrer le droit à l’avortement ?

Pour le reste, je crains que le dogmatisme et l’idéologie présidentielles nous empêchent de trouver tout terrain d’entente. Les défis de notre temps nécessitent plus de puissance publique. Or votre double logique : exonérer d’impôts les milliardaires et les grandes entreprises qui s’enrichissent indument pendant les crises, et désendetter le pays à marche forcée va produire exactement l’inverse.

Madame la Première ministre, j’ai préparé la suite de mon propos avec Eléonore 18 ans, Louis 16 ans et Nathan 19 ans, en observation dans mon équipe. Ils vous écoutent ce soir. A travers eux, je veux me faire l’écho d’une partie de notre jeunesse qui angoisse dans un monde rendu de plus en plus incertain, par le retour de la guerre et le péril climatique.

L’écho de notre jeunesse qui s’inquiète de sa capacité à vivre sur la terre dans les prochaines décennies ; inquiétude à laquelle, enfermée dans votre déni des limites planétaires et dans votre illusion techniciste « d’une écologie du progrès », vous ne répondez pas.

L’écho de notre jeunesse qui cherche du sens à son activité professionnelle et qui refuse de contribuer à la destruction de la planète opérée par le capitalisme qui n’a plus d’autres fins que l’accumulation infinie de richesses. On ne retrouve dans votre propos que peu de traductions concrètes de la planification écologique brandie pour les besoins de la campagne.

Il y’a pourtant tellement à faire

  • pour repenser nos modes de vies,
  • pour protéger le vivant,
  • pour recouvrer notre souveraineté,
  • pour lutter contre l’explosion des prix de l’énergie grâce aux renouvelables,
  • pour transformer notre agriculture vers la bio,
  • pour rénover réellement les logements,
  • pour relocaliser des activités économiques et industrielles vertueuses et créer des emplois par centaine de milliers dans la bifurcation écologique.
  • Pour créer des perspectives pleines de sens pour cette jeunesse qui désespère des pouvoirs publics. 

Je me fais l’écho d’une partie de notre jeunesse, qui souffre de plus en plus de la précarité et qui est la première victime de l’inflation galopante, pendant que les “profiteurs de guerre”, s’enrichissent honteusement. 

L’écho, de ces étudiants, qui se heurtent au mur de ParcoursSup, voient l’université française dépérir et qui désespèrent de voir que le seul projet que vous portez à leur endroit est le Service national universel, symbolisé par le rattachement funeste du Secrétariat d’Etat à la Jeunesse aux ministères des Armées…

L’écho, de ces jeunes et de ces moins jeunes

  • qui souffrent de la dégradation continue des services publics, des fermetures de classe, de la pénurie d’enseignants,
  • qui s’inquiètent, alors que ressurgit le COVID, de la désertification médicale, des fermetures de lits voire de services d’urgence entiers,
  • qui sont horrifiés de constater l’état déplorable de nos crèches et de nos EPHAD. 

L’écho de notre jeunesse et de nos compatriotes ultramarins qui souffrent des mêmes maux décuplés, qui expriment leur souffrance et leur désarroi depuis plusieurs années et pour qui votre seule réponse est de les rattacher au ministère de l’Intérieur en pleine dérive sécuritaire. De grâce épargnez-leur le préfet Lallement !

Madame la Première ministre, quelles réponses apportez-vous à notre jeunesse ? Votre projet sur le pouvoir d’achat et votre budget rectificatif sont presque vides.  Lors des débats parlementaires, nous vous invitons à accepter les propositions de la NUPES pour les enrichir :

  •  le SMIC à 1500 euros,
  • la garantie d’autonomie à 1000 euros,
  • le relèvement à 10 % du point d’indice de la fonction publique,
  • le blocage des prix des loyers et des produits de première nécessité, etc…

Renoncez également à votre inutile réforme des retraites et à votre honteuse réforme du RSA, elles n’ont pas de majorité, ni dans le pays, ni au Parlement.

Madame la Première ministre, nous serons une opposition constructive pour produire le choc d’égalité dont notre pays a besoin, pour protéger de toute urgence notre environnement et pour rénover notre démocratie. Si majorité il n’y a pas, c’est que nous n’en aurez pas voulu et vous porterez la responsabilité du blocage de nos institutions et de l’immobilisme du pays. J’espère que votre sens de l’intérêt général et vos talents de négociatrice nous éviterons d’en arriver là.

Je vous remercie.