Le 19 mars 2024, j’ai présenté la position du groupe écologiste sur la proposition de loi dite « test PME », qui vise à créer un Haut Conseil à la simplification pour les entreprises, qui aurait un pouvoir quasi-constitutionnel. Si la simplification administrative est une nécessité que nous partageons, la composition de ce Haut Conseil et les pouvoirs exorbitants qui lui seraient accordés ne nous rassurent pas. Comme souvent, nous craignons que la simplification ne soit qu’un prétexte pour affaiblir les protections des salariés et de l’environnement. Nous avons donc voté contre ce texte.

Vous pouvez mon intervention en vidéo et sous format texte ci-dessous :

Merci Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
“Surcharge administrative”, “océan de paperasse”, “tsunami réglementaire”… Nous avons tous entendu des chefs d’entreprise se plaindre du nombre de démarches à remplir.

Ayant été responsable d’une petite entreprise, je peux témoigner de cette lourdeur administrative. Elle pose d’ailleurs un problème d’équité entre les entreprises de différentes tailles : les petits patrons ne peuvent souvent pas payer des experts juridiques, comme le font les grands groupes. Enfin, cette surcharge nous coûte cher : 3 à 4% de PIB de dépenses inutiles selon l’OCDE.

Alors, oui, une simplification est nécessaire ! Mais laquelle ? Depuis des années, les dispositifs et annonces de simplification se succèdent, sans grand résultat.

Pire : la “simplification” est souvent un prétexte pour affaiblir les règles régulant l’insatiable appétit de profit du capitalisme. Ainsi, c’est au nom de la simplification qu’ont été menées les deux lois travail qui suppriment de nombreuses protections pour les salariés. Plus récemment, c’est aussi au nom de la simplification de la vie des agriculteurs que le gouvernement a suspendu le plan Ecophyto et attaqué l’action de l’OFB. Soyons donc prudents : simplifier, oui, mais pas à n’importe quel prix !

Venons-en à la proposition de loi que vous nous présentez. Son objectif est bien évidemment louable. Mais il nous semble que vos propositions sont une mauvaise réponse à un vrai problème.

Ainsi, vous proposez de créer un Haut Conseil à la simplification pour les entreprises, chargé d’analyser toutes les règles applicables aux entreprises, tant en amont qu’en aval de la procédure législative. Celui-ci serait doté d’un pouvoir politique considérable : obligatoirement consulté par le gouvernement pour tout texte législatif, réglementaire ou européen ayant un impact technique, administratif ou financier sur les entreprises, il pourrait émettre un avis défavorable obligeant le gouvernement à revoir sa copie.

Certes, le travail en commission a permis de modifier utilement le statut de ce Haut Conseil pour en faire une commission administrative consultative rattachée directement au premier ministre plutôt qu’une autorité administrative indépendante. Mais conférer un tel pouvoir à ce Haut Conseil revient à lui offrir, de fait, une tutelle sur le pouvoir législatif. Or, celui-ci appartient au Gouvernement et au Parlement et seul le Conseil Constitutionnel est compétent pour trancher des litiges.

Oui, il est important d’associer les entreprises lorsque nous travaillons sur des textes qui les concernent. Mais qui parmi nous ne le fait pas déjà ? Les entreprises ne disposent-elles pas de puissants lobbys pour les représenter ? Pourquoi leur donner encore plus de pouvoir et leur permettre de bloquer les normes qui les gênent ?

La création de ce Haut Conseil aboutirait à une nouvelle réduction du pouvoir du politique sur l’économie. Or, le rôle du politique est d’arbitrer entre des intérêts divergents ! A côté du développement économique, nous devons aussi tenir compte de l’intérêt des travailleurs, des conséquences sur la nature, l’environnement, sur notre culture et bien d’autres critères.

La composition de ce Haut Conseil pose également question : s’il est censé aider les PME et TPE, pourquoi avoir ajouté un siège pour les représentants des grandes entreprises ? Le MEDEF n’a-t-il pas déjà assez de pouvoir ? A l’inverse, pourquoi avoir refusé notre proposition d’ajouter des sièges pour les représentants du personnel, pourtant les plus à même de faire remonter les contraintes juridiques que vivent les salariés au quotidien ?

Ainsi, nous craignons que ce Haut Conseil ne soit un nouvel outil pour attaquer les droits des salariés et les protections environnementales. Je veux d’ailleurs vous rappeler, mes chers collègues, que ces dernières peuvent être de vrais atouts pour nos entreprises.

Prenez l’interdiction des gaz chlorés par le protocole de Montréal à partir de 1987, pour préserver la couche d’ozone : les industriels nous annonçaient la mort de la chaîne du froid, l’explosion des maladies et du gaspillage alimentaire. Finalement, quelques années après, ils avaient trouvé d’autres solutions et le groupe français Elf-Atochem, leader mondial du secteur, applaudissait cette interdiction !

De même avec l’encadrement des emballages durant la loi AGEC : ce sont bien des normes et des interdictions qui nous ont permis d’avancer. En réalité, nos entrepreneurs sont prêts et même volontaires à changer leurs pratiques. Ce qu’ils nous demandent, c’est de l’accompagnement et de la visibilité.

Ainsi, et si nous saluons le travail de la commission pour améliorer ce texte et en corriger plusieurs aspects inconstitutionnels, nous craignons qu’il aboutisse à un détricotage des règles environnementales et salariales qui nous protègent. Oui, nous sommes prêts à travailler à des simplifications qui aideront nos entrepreneurs et notre administration, mais pas de cette façon. Dans de telles conditions, le groupe écologiste votera contre ce texte.