Le 17 novembre dernier, j’ai eu l’honneur de présenter la résolution pour le développement de la filière chanvre au Sénat, cosignée par plus de cinquante sénatrices et sénateurs de tous les bords politiques. Celle-ci a été adoptée à une très large majorité : 179 pour sur 208 votants !

Cette proposition, invite le Gouvernement à soutenir avec force une filière agricole et industrielle d’avenir. Tout est bon dans le chanvre. Les fleurs et les feuilles servent à produire le CBD ou à extraire des arômes pour la parfumerie. Ses graines, très riches en protéines, nourrissent l’humain comme les animaux. La paille permet avec ses fibres de faire de la fibre textile, de l’isolant thermique, du bioplastique et des papiers spéciaux, et avec son corps solide, la chènevotte, de faire du béton végétal et de la litière.

Mieux encore, la culture du chanvre ne nécessite pas de produits phytosanitaires, ni d’irrigation, elle restructure et dépollue les sols et s’inscrit donc opportunément dans les rotations de culture. Ses propriétés de stockage carbone sont phénoménales puisque le chanvre capte plus de carbone à l’hectare que la forêt.

Grâce à ses propriétés isolantes, le chanvre représente l’avenir de la filière du bâtiment tant pour la construction que pour la rénovation thermique. Ses propriétés agricoles en font une perspective majeure pour bâtir une filière textile beaucoup moins polluante et gourmande en eau.

La France est l’un des leaders mondiaux de la production de chanvre, il s’agit donc d’encourager une filière nationale, indispensable à la transition écologique, créatrice d’activité et d’emplois dans tous nos territoires.
Le Gouvernement s’est engagé à accompagner la filière et à valoriser le stockage du carbone en rémunérant les productrices et producteurs. Il est toutefois resté évasif sur un renforcement des soutiens financiers aux industriels, notamment via les crédits du plan « France 2030 ».

Je déplore toutefois la lenteur et l’absence de précisions du Gouvernement quant à l’indispensable évolution de la réglementation, actuellement suspendue par le Conseil d’Etat, sur la vente des fleurs et des feuilles de chanvre contenant du CBD. Cette incertitude juridique, qui dure depuis plus de 4 ans et a déjà valu à la France une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne, doit prendre fin sans délai. C’est le deuxième message envoyé ce matin par le Sénat au Gouvernement. La France doit préserver et consolider sa position de leader européen.

Vous pouvez lire l’intégralité du texte de la résolution adoptée sur le site du Sénat.

Voici le texte de mon intervention à la tribune du Sénat :

Merci Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes chers collègues,

C’est mon honneur et ma fierté de défendre devant le Sénat cette proposition de résolution, initiée par le groupe écologiste et co-signée par plus de cinquante collègues de tous les groupes de la haute assemblée que je remercie une nouvelle fois vivement, qui vise à encourager de développement de la filière chanvre et à clarifier la réglementation des produits issus du chanvre.

Cela aura été l’un des fils rouges de mon mandat, à Paris comme en Isère, depuis ma participation à la mission sur l’Herboristerie notre estimé collègue Joël Labbé en 2018, jusqu’à l’accueil dans nos murs de la 2e rencontre de l’interprofession du chanvre au mois de mai dernier.

Entre-temps, l’Assemblée nationale s’est saisie du sujet pour produire une mission d’information hors norme, la réglementation environnementale 2020 a été adoptée faisant la part belle aux matériaux biosourcés, la réglementation incompréhensible sur le CBD a défrayé la chronique judiciaire.

Je suis heureux de la place que prend la filière chanvre dans le débat public et des progrès accomplis, même si beaucoup reste à faire et c’est tout l’objet de cette résolution, qui invite le Gouvernement à accompagner cette filière indispensable pour la transition écologique et à clarifier une bonne fois pour toute la réglementation sur le CBD.

Mes chers collègues me pardonneront, si je répète ce matin certains éléments de mon propos sur 3 février dernier. C’est d’ailleurs ce débat en séance demandé par notre groupe, où était apparue une large majorité de vue sur cette problématique, qui a initié la présente proposition de résolution. Mais nous avons choisi, en lien avec les acteurs de la filière, de ne pas évoquer uniquement l’imbroglio juridique autour du CBD, mais d’évoquer toute la filière, qui même si elle se porte bien, mérite tout l’attention du Gouvernement.

Je le disais en février, depuis l’antiquité le chanvre a pourtant continuellement habillé, nourri, soigné les hommes et recueilli leurs écrits. Aujourd’hui il fait toujours cela, mais pas que : il nous loge et peut représenter un substitut au plastique.

Les débouchés industriels sont considérables, mais largement sous-exploités. La France est le 3e producteur mondial de chanvre, le premier européen avec seulement 22 000 hectares. Les surfaces cultivées ont triplé depuis 10 ans et devraient doubler ces cinq prochaines années. Rappelons que la culture du chanvre ne nécessite pas de produits phytosanitaires, ni d’irrigation, qu’elle restructure et dépollue les sols et s’inscrit donc opportunément dans les rotations de culture.

Mieux, elle capte plus de carbone à l’hectare que la forêt : 15 tonnes par an.

Le chanvre est une formidable opportunité pour nos agriculteurs en bio, comme en conventionnel à condition de multiplier ses débouchés. Ça tombe bien, ils sont nombreux et toute la plante est valorisable.

Les fleurs et les feuilles servent à produire le CBD ou à extraire des arômes pour la parfumerie.

Ses graines, très riches en protéines, nourrissent l’humain comme les animaux.

La paille permet avec ses fibres de faire de la fibre textile, de l’isolant thermique, du bioplastique et des papiers spéciaux, et avec son corps solide, la chènevotte, de faire du béton végétal et de la litière.

S’agissant du CBD, je laisserai mon collègue Thomas Dossus préciser les choses, nous demandons au Gouvernement de ne pas attendre le jugement du Conseil d’Etat pour autoriser la vente au détail des fleurs des feuilles du catalogue autorisée, que nous proposons d’élargir à toutes les variétés contenant moins de 1% de THC. Des milliers d’acteurs économiques attendent la fin de cette mauvaise comédie judiciaire.

Ce flou juridique n’est souhaitable pour personne. Nous avons besoin de règles claires facilement contrôlables et d’un encadrement adapté à la fois dans la production du chanvre, sa transformation et son utilisation.

Pour favoriser les contrôles, nous demandons la cartographie de toutes les cultures de chanvre, même celles ne faisant pas l’objet d’une déclaration dans le cadre de la PAC. Les agriculteurs et la filière le demandent. Nous proposons également, comme en Suisse, d’équiper nos forces de l’ordre de test portatifs permettant de mesurer très rapidement le taux de THC de la fleur et de déterminer sa légalité.

S’agissant du volet alimentaire, l’arrêté de décembre 2021 ne règle pas toutes les questions posées par la consommation de CBD. Nous invitons le Gouvernement à définir des doses journalières recommandées de CBD, à exclure de la réglementation Novel food les produits qui ne sont pas enrichis en CBD et à définir clairement les produits issus du chanvre qui relève d’une consommation de bien-être et pas du régime de la pharmacopée.

S’agissant de la filière textile, qui a, rappelons-le, un impact carbone 5 à 8 fois inférieur et consomme à minima 2 fois moins d’eau que le coton (parfois beaucoup plus, variable selon les climats), nous sommes en train de passer un cap avec une réglementation européenne plus exigeante sur l’origine des textiles et avec l’engagement de grands industriels du vêtement pour utiliser la fibre de chanvre. Mais les lignes de production et les outils industriels qui travaillent la fibre de coton et ne sont pas adaptés à la fibre de chanvre.

Il faut donc procéder à de lourds investissements pour lesquels nous demandons à la puissance publique d’accompagner les efforts engagés par les industriels. Nous pensons notamment aux crédits France 2030 qui n’ont pas été intégralement consommés et qui au-delà des « technologies de rupture » chères au président de la République, doivent aussi financer le retour des à des savoir-faire ancestraux, quand ils sont aussi bien adaptés au défi écologique.

En s’appuyant sur la nouvelle réglementation européenne, sorte de « Nutriscore » des textiles, nous invitons également le Gouvernement à mettre en place un label textile biosourcé et ensuite à l’utiliser dans les critères environnementaux de la commande publique.

S’agissant des bioplastiques, qui équipent principalement les tableaux de bords des voitures, je rappelle qu’il est 30 % plus léger, recyclable 7 fois et que sur le parc de 13 millions de véhicules équipés il représente une économie de 100 000 tonnes équivalents CO2, le Gouvernement devrait aussi les considérer davantage dans son soutien aux filières industrielles vertueuses. Les fibres de chanvre peuvent aisément remplacer les fibres de verre dans de nombreux composites et faciliter le recyclage. Des études sont en cours notamment pour la réalisation des pales d’éoliennes.

S’agissant du bâtiment, il nous faut concentrer notre effort tant le chanvre répond aux exigences de la transition et rénovation énergétique et limite notre dépendance aux hydrocarbures.

Au mois de septembre, j’ai visité une des premières entreprises proposant des modules préfabriqués en béton de chanvre. De la chènevotte, de la chaux, du bois et vous avez un mur qui stocke 35,5 kg de carbone au m2 quand un béton classique émet 126kg de CO2 au mètre carré. Vous avez une hygrométrie inégalée qui nécessite extrêmement peu de chauffage et de climatisation. Vous avez un mur biodégradable ou recyclable, pas un détail quand le bâtiment est responsable des 3/5 des déchets du pays.

Le béton de chanvre est plus qu’adapté aux exigences de la RE 2020, il faut massifier son développement et pour ce faire, former les architectes, tous les métiers de la construction, ainsi que les “Accompagnateurs Rénov” ou les conseillers de l’ANAH à l’utilisation des matériaux biosourcés.

Et grâce à la laine de chanvre, le secteur de la rénovation thermique n’est pas en reste. Actuellement 90% des matériaux du bâtiment sont issus de la filière pétrolière ou minière et leur transformation est considérablement énergivore. Selon une étude de l’ADEME, le polystyrène utilisé en isolation émet 2,8 T de CO2 par tonne produite alors que la laine de chanvre permet elle de stocker du carbone et est également recyclable et biodégradable.

Aussi, en cohérence avec la RE 2020 nous invitons le Gouvernement à fixer des critères ou des bonus pour les aides à la rénovation thermique (Ma Prime Renov, Eco – PTZ) en lien avec la performance environnementale des matériaux utilisés. Au passage, cela vaut pour le chanvre et tous les matériaux biosourcés et je vous annonce en exclusivité un amendement écologiste au PLF en ce sens tout juste déposé sur le prêt à taux 0.

Une fois que j’ai dit tout cela, vous l’aurez compris, il faut massifier la culture et l’utilisation du chanvre et cela peut passer notamment pas une grande campagne de communication publique à destination des collectivités, des professionnels et du grand public, promise en 2018 par le plan d’action “Une stratégie bioéconomie pour la France”, mais jamais mise en oeuvre.

Néanmoins, nous sommes inquiets sur les capacités de production agricole pour 2023. La guerre en Ukraine a tellement fait exploser les prix des grandes cultures, notamment des céréales, que nos agriculteurs n’ont pas d’incitation financière à planter du chanvre cette année. En 2023, à l’hectare, le chanvre rapportera 20 à 25 % de moins que le maïs, le blé ou le colza.

Aussi, la filière nous formule une demande supplémentaire, qui n’était pas saillante au moment de la rédaction de cette PPR, mais qui nous semble ô combien légitime : la reconnaissance sur le marché carbone réglementé du carbone stocké par l’ensemble de la filière.

J’ai, je le crois, suffisamment détaillé le bilan carbone phénoménal de la culture et de l’usage du chanvre pour vous convaincre du bien fondé d’une telle demande. Pour cela, la filière a demandé un accompagnement de la part des corps d’inspection de l’Etat (CGAAER, CGEDD) afin de créer un mécanisme de reconnaissance du stockage du carbone au bénéfice des producteurs car les spécificités de la filière chanvre (profondeur racinaire, poursuite du stockage de carbone dans les débouchés…) sont mal prises en compte par le modèle créé par le label bas carbone.

La stratégie nationale bas carbone pourrait également être renforcée par une prime au stockage de carbone dans la rénovation thermique des bâtiments pour inciter à l’utilisation d’isolants biosourcés.

Il conviendrait enfin de favoriser les matériaux biosourcés grâce à la réduction de la TVA et on compte sur le Gouvernement pour obtenir satisfaction à Bruxelles dans le cadre de la refonte de la directive TVA.

Voilà mes chers collègues une présentation succincte et que notre collègue Dossus complètera, de la résolution que nous soumettons à l’approbation du Sénat afin d’envoyer un message fort au Gouvernement et mettre davantage en lumière une filière pleine de promesses. Dans bien des territoires notre vote est attendu par des centaines d’acteurs économiques. Ne les décevons pas.

Je vous remercie.