L’avenir du parc nucléaire français, dont beaucoup de réacteurs arrivent au terme de leur autorisation d’exploitation, est au coeur du débat présidentiel. Nous sommes effectivement au moment ou se pose le choix, pour chacun d’entre eux de le prolonger, de le remplacer ou de l’arrêter.

Dans ce contexte, la question de la sûreté de nos installations s’est invité dans la campagne. Notre parc est vieillissant, les problèmes de maintenance se multiplient, voire les problèmes plus graves comme les fuites et inondations évoquées à la centrale de Tricastin, révélés par un lanceur d’alerte. A un moment du mois de décembre, 17 réacteurs sur 56 étaient ainsi à l’arrêt simultanément. RTE le confirme, le parc français n’a jamais aussi mal fonctionné, obligeant la Ministre à demander un audit des centrales au PDG d’EDF.

Dans ce contexte grave, notre groupe a demandé au président du Sénat la création d’une commission d’enquête sur la sureté des installations nucléaires qui a été refusée. Nous avons par contre obtenu la tenue d’un débat en séance publique qui a été intéressant sans lever toutes les zones d’ombres et les inquiétudes.

Je suis intervenu en conclusion de ce débat :

Merci Monsieur le Président,Madame la Ministre,

Mes chers collègues,Je me félicite de la tenue de ce débat à la demande de notre groupe, qui a permis quelques éclaircissements, même si de nombreuses zones d’ombres subsistent.Je ne reviens pas sur l’ensemble des problématiques évoquées ce matin, elles sont nombreuses et interrogent, quelles que soient les opinions des uns et des autres, sur le devenir de l’atome dans notre mix-énergétique.Notre parc est vieillissant, les problèmes de maintenance se multiplient, voire les problèmes plus graves comme les fuites et inondations évoquées tout à l’heure à la centrale de Tricastin. A un moment du mois de décembre, 17 réacteurs sur 56 étaient ainsi à l’arrêt simultanément. RTE le confirme, le parc français n’a jamais aussi mal fonctionné, obligeant la Ministre à demander un audit des centrales au PDG d’EDF.

Au-delà, les travaux de mise aux normes post-Fukushima vont durer encore 15 ans. La résistance des réacteurs actuels à un attentat type 11 septembre (ou à la chute accidentelle d’un avion de ligne) n’est pas garantie et EDF entretient le mystère sur cette question.Et c’est bien l’une des problématiques majeures de la sûreté et de la sécurité de nos installations : le manque total de transparence. II peut se justifier naturellement pour protéger les installations de la malveillance, mais il est hautement problématique à bien des égards.

Les éléments mis en lumière par le lanceur d’alerte de Tricastin soulignent ce dont on se doutait : même l’Autorité de sûreté du nucléaire est tributaire, pour ses activités de contrôle, des informations transmises par l’exploitant EDF. Ce dispositif ne peut pas inspirer la confiance et il est indispensable de trouver des mécanismes pour renforcer les moyens de contrôle du gendarme du nucléaire. L’excellent rapport parlementaire de Barbara Pompili proposait quelques pistes de renforcement des moyens d’actions de l’ASN et de diversification de l’expertise, rapport auquel vous aviez alors participé Madame la Ministre.

Plus largement la trentaine de préconisations de ce rapport illustre l’ampleur du chantier à conduire pour renforcer la sécurité des installations nucléaires comme du transport et encore il n’aborde pas l’ensemble des problématiques relevées par le lanceur d’alerte. On voit ici toute l’importance de la protection de ces derniers, comme nous en discuterons ici même dans 15 jours.Que l’on plaide pour la sortie du nucléaire et c’est le cas des écologistes ou pour sa relance, nous vivrons avec l’atome encore un moment et ses enjeux de sécurité devraient nous concerner tous au-delà des clivages.
Nous parlons de l’activité industrielle la plus dangereuse qui soit et que nous concentrons sur notre sol dans des proportions uniques au monde. Sans polémiquer, je m’étonne néanmoins que les partisans de la relance du nucléaire ne plaident pas davantage pour le renforcement drastique de la sûreté afin de rassurer nos millions de compatriotes inquiets à juste titre.
Il est certain que les questions de sûreté et de sécurité posent immanquablement la question du coût de production de l’énergie nucléaire qui n’intègre pas aujourd’hui pas ou peu les nouvelles exigences de sécurité du XXIe siècle. Il va de soi qu’un nucléaire plus sûr, c’est un nucléaire plus cher, au moins le temps d’amortir les investissements. La mise en œuvre des objectifs de la PPE, notamment l’horizon de réduction à 50 % en 2035 de la part du nucléaire, permet d’entrer dans le vif du sujet. La fermeture de 12 réacteurs supplémentaires permettra de régler la question des réacteurs les plus vieux et les plus problématiques. Mais le choix des réacteurs à démanteler ne peut pas relever de la décision solitaire d’EDF. Un grand débat public est impératif sur la mise en œuvre de la PPE 2023 – 2028 et il convient de le conduire devant l’ensemble du pays. Il permettra en outre une indispensable visibilité sur le planning de fermeture des réacteurs.
Plus largement, l’avenir de notre mix-énergétique et la construction de nouvelles installations nucléaires doivent également être décidées démocratiquement. La campagne présidentielle est un moment pour ce faire mais il est insuffisant. Comme le préconise Chantal Jouanno et la Commission nationale du débat public, il faut un débat démocratique transparent sur notre avenir énergétique. Cette transparence est indispensable et permettra également de renforcer la sûreté de nos centrales. L’atome ne peut demeurer une chasse gardée d’initiés comme c’est le cas depuis le lancement du programme français il y a un demi-siècle. Cette endogamie de l’expertise nucléaire entraîne une certaine omerta dans toutes les instances de l’Etat et constitue un facteur de risque considérable. Nous appelons d’ailleurs de nos vœux la création d’une délégation parlementaire à la sûreté nucléaire comme proposé dans le rapport Pompili.
Pour conclure, permettez moi quand même de rappeler que les solutions pour faire face aux questions de sûreté de notre parc, que cela soit le renouvellement des centrales actuelles ou la construction de nouvelles, ne trouvent d’horizon qu’à 10, 15 ou 20 ans et ne permettent en aucune façon de faire l’économie d’un montée en puissance drastique des énergies renouvelables d’ici 2030. Montée en puissance des ENR qui nécessite une véritable planification et un encadrement comme nous le proposions dans notre PPL pour la création d’un service public des énergies renouvelables.Ni verte, ni propre, ni bon marché, ni sans danger l’énergie nucléaire questionne et nécessite certainement plus que d’autres une expertise et une transparence renforcée.

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Loin de nous satisfaire de ce seul échange, nous travaillons depuis plus de deux mois à la rédaction d’une proposition de loi sur la sûreté des installations nucléaires. Nous avons auditionné plusieurs experts, et notamment l’ingénieur qui a lancé l’alerte à Tricastin et nous déposerons prochainement sur le bureau du président du Sénat cette proposition (cet article sera mis à jour à ce moment là).

PS : Sur un sujet proche, nous avons aussi demandé une commission d’enquête sur dérapages financiers et temporels du projet de l’EPR de Flamanville. Ces chances d’aboutir demeure minces…