Le chanvre est une plante extraordinaire aux usages multiples. Elle peut aussi bien servir de fibres vestimentaires, dans le bâtiment, dans l’alimentation, dans les cosmétiques ou encore en produit thérapeutique.

Mais, coincé dans un aveuglement idéologique, le Gouvernement restreint fortement la production et l’utilisation des produits à haute valeur ajoutée du chanvre : la fleur. La conséquence est la mise en péril des acteurs économiques actuels de la filière du CBD et l’impossibilité pour de nouveaux de se lancer en raison des incertitudes. Le 24 janvier dernier, le Conseil d’État a en effet suspendu l’arrêté du Gouvernement qui interdisait la commercialisation des fleurs de CBD.

Lors du débat demandé du débat demandé par le Ecologiste – Solidarité et Territoires, j’ai donc demandé au Gouvernement de fixer un cadre réglementaire clair et sécurisé pour permettre le développement de la culture du chanvre.

Merci Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Je suis heureux de vous parler ce matin d’une plante extraordinaire.

Une plante cultivée et utilisée depuis l’Antiquité sur tous les continents.

Une plante qui permet de nourrir l’homme et le bétail.

Une plante qui permet de s’habiller.

Une plante qui permet de se loger grâce à un béton aux propriétés isolantes remarquables.

Une plante qui permet de faire du papier sans abattre d’arbre.

Une plante qui permet de produire des bioplastiques solides et compostables.

Une plante qui permet de faire des cosmétiques limitant les intrants chimiques.

Une plante aux vertus thérapeutiques qui soulagent des douleurs que rien d’autre ne soulage.

Une plante qui apaise, qui aident certain à trouver la quiétude ou le sommeil.

Une plante qui pousse vite, toute seule, sans intrant chimique, sans arrosage et souvent sans désherbage.

Une plante qui restructure les sols et favorise la rotation des cultures sur un même terrain.  

Une plante qui stocke le carbone plus que tout autre culture, plus même que la forêt.

Une plante qui a inspiré les poètes. Baudelaire et Rimbaud pour ne citer qu’eux.

Cette plante extraordinaire devrait être un outil majeur de la transition écologique et bien plus et pourtant on en cultive que quelques centaines de milliers d’hectares dans le monde. 20 000 en France leader européen, pour le moment…

Depuis l’antiquité le chanvre a pourtant continuellement habillé, nourri, soigné les hommes et recueilli leurs écrits. Il a également permis de confectionner les voiles et les cordes des bateaux qui ont relié tous les continents du XVIe au XVIIIe siècle. Ma commune du Percy conserve dans ses archives une requête de Louis XVI réquisitionnant le chanvre des agriculteurs pour les besoins de la marine royale.

Mais depuis le XIXe siècle cette plante extraordinaire a été vouée aux gémonies car certaines de ses variétés produisent une fleur aux effets psychotropes bien connus : le cannabis. La guerre disproportionnée menée contre le cannabis a entrainé l’interdiction presque totale du chanvre.    

Il faut attendre le développement de variétés de chanvre avec un taux extrêmement faible de 0,2 % de THC (le principe actif psychotrope du cannabis) pour voir la culture de chanvre se redévelopper timidement à partir des années 1990. Sa culture, ses débouchés, sa filière professionnelle sont aujourd’hui largement anonymes et je le déplore.

Au-delà des effets psychotropes de la plante on commence à découvrir ses autres principes actifs notamment le cannabidiol ou CBD molécule non psychotrope aux propriétés apaisantes.

N’étant pas un produit stupéfiant, le CBD issu des fleurs du chanvre industriel ne tombe pas sous le coup de la législation européenne. Il commence alors à être utilisé sous sa forme brute ou dans des préparations d’huile essentielles, d’aliments, de liquide de e-cigarette, de cosmétiques… Un marché se développe partout en Europe. En France les premiers détaillants ouvrent en 2018 et certains sont fermés manu militari par la police. L’affaire fait grand bruit. Il apparait que la législation française – un arrêté de 1990 – est difficilement compréhensible et pour le moins inadaptée. La MILDECA tente de la préciser avec une circulaire de juin 2018 dont il ressort que le CBD est une molécule autorisée, mais ce qui permet de le produire – les fleurs et les feuilles – est interdit…

Cette législation ne respecte pas le droit communautaire comme l’a confirmé la Cour de Justice de l’Union européenne en novembre 2020. Le Gouvernement est alors dans l’obligation de prendre un nouvel arrêté qui légalise une bonne fois pour toute le CBD mais interdit la commercialisation de la fleur de chanvre à l’état brut. Pour illustrer votre règlementation, c’est comme si on autorisait la culture de tomates mais qu’on interdisait la vente de tomates fraiches et qu’on limitait leur utilisation aux industriels pour faire du concentré.

Notre débat s’inscrit dans l’actualité récente de la suspension partielle par le Conseil d’Etat de l’arrêté du 30 décembre. Ce feuilleton juridique qui n’a que trop duré, insécurise les acteurs de la filière (agriculteurs, industriels, laboratoires, détaillants) et nous fait prendre un retard considérable sur nos voisins européens et sur les pays d’Amérique du Nord.

Les prévisions de retombées en termes d’économie et d’emploi associés au développement d’une filière de valorisation des produits à haute valeur ajoutée du chanvre sont considérables. En France, on estime un essor rapide du marché à 1,5 à 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, pouvant représenter 18 à 20 000 emplois directs et indirects supplémentaires d’ici 5 ans. Les recettes sociales et fiscales supplémentaires sont quant à elles estimées entre 0,7 et 1,1 milliards d’euros par an.

Il faut dire que la demande explose. On compte aujourd’hui près de 7 millions de consommateurs et près de 2000 détaillants, qui vendent des produits qui ne sont pas français… Un comble pour le premier producteur européen de chanvre. Alors oui le CBD peut se fumer et c’est notamment un substitut très utilisé pour nombre de personne qui souhaite se sevrer du cannabis voire du tabac. Le Gouvernement justifie ainsi l’interdiction de la fleur sous toutes ses formes brutes et le ministre nous a expliqué qu’il craignait que les gens fument de la tisane…  Au risque de plonger M. Véran dans l’angoisse, beaucoup d’herbes se fument : la marjolaine, la sauge, les feuilles de framboisiers et je doute qu’on les interdise toutes pour ce motif…

Alors Madame la ministre le Gouvernement compte-il revoir sa copie après ce nouveau camouflet juridique ou s’obstinera-t-il pour faire plaisir aux syndicats de police ? Rassurons ces derniers, des tests existent pour mesurer le taux de THC dans les fleurs de cannabis et déterminer leur légalité. Ils font la taille d’une pièce de monnaie et livrent leur verdict en moins d’une minute. La police suisse les utilise avec succès.

Au-delà de l’imbroglio autour de la fleur votre arrêté laisse en suspens de nombreuses demandes de clarifications demandées par les acteurs de la filière. C’est d’autant plus dommageable que l’excellent rapport de nos collègues députés de la majorité présidentielle avait préconisé toutes les solutions nécessaires.

Reprenons-les :

S’agissant du volet agricole, allez-vous permettre l’usage de techniques agricoles de base : la sélection variétale, le bouturage ou la capacité à replanter ses graines ?

Allez-vous permettre d’élargir le catalogue des cultivars aux variétés contenant moins de 1% de THC comme en Suisse, au Canada et bientôt aux Etats-Unis et en République Tchèque ? Allez-vous permettre l’obtention du label bio pour les produits du chanvre, qui devrait couler de source ?

Allez-vous cartographier la production française, comme vous les demandent tous les acteurs de la filière, afin de faciliter les contrôles ? L’Etat, notamment FranceAgriMer doit pouvoir connaitre l’ensemble des plantations de France pour fluidifier le travail avec les forces de l’ordre mais également planifier le développement de la filière en évitant les effets d’aubaine.

S’agissant de la sécurisation des produits : allez-vous déterminer un seuil maximum de CBD au-delà duquel un produit basculerait sous le régime de la pharmacopée ? Seuil qui doit naturellement être distinct entre les produits alimentaires et les autres. Allez-vous permettre l’inscription des produits alimentaires à base de CBD au catalogue des produits régis par le règlement européen Novel food ?

Allez-vous fixer des normes d’étiquetages et fixer un seuil de résidus de THC dans les produits finis ?

S’agissant de l’extraction, véritable angle-mort de l’arrêté, allez-vous préciser les choses ? Tout laboratoire peut-il se lancer ? Avec quel contrôle de l’élimination des résidus du THC ? Ou maintient-on le régime en vigueur des produits stupéfiants avec demande d’habilitation par l’ANSM, ce qui serait un frein majeur au développement de la filière.

Le marché français du CBD a besoin d’un cadre règlementaire clair et sécurisé pour se développer et rattraper son retard sur ses voisins européens. Il est encore temps de prendre un arrêté digne de ce nom avant le terme du quinquennat.

Et dernière question s’agissant du chanvre industriel : allez-vous enfin fixer un cadre règlementaire clair et stable pour la certification des bétons de chanvre ? Les exigences des cabinets de contrôle changent tous les ans et insécurisent grandement les producteurs.

Voilà Madame la Ministre, j’aimerais vous parler plus longuement de cette filière d’avenir qui peut révolutionner notre agriculture et notre industrie à condition que les pouvoir publics lui permette de se développer en assouplissant et en stabilisant le cadre légal et appuyant son développement économique.

Je vous remercie