Membre de la délégation aux entreprises du Sénat depuis ma réelection en 2023, je suis de près l’activité économique et tente de faire mieux connaître les entreprises innovantes et stratégiques iséroises, notamment celles tournées vers la transition écologique et l’économie sociale et solidaire. Je pense ainsi aux industries de pointe de la région grenobloises, à des structures comme AtticorA, une SCIC qui réalise des logements en matériaux bio-sourcés, à la filière chanvre que nous essayons de développer en Isère et à tant d’autres exemples d’entreprises engagées pour l’environnement, leurs salariés et le territoire. J’ai ainsi eu l’occasion de faire venir certaines d’entre elles lors de la journée des entreprises au Sénat pour mieux les faire connaître.

Plus récemment, j’ai demandé au Président de la délégation de pouvoir conduire un rapport sur l’impact de la crise énergétique sur les entreprises. Depuis la guerre en Ukraine, l’explosion des prix des hydrocarbures et de l’électricité a en effet placé bon nombre d’entre elles en difficulté. 

L’organisation du marché de l’électricité est largement en cause, puisque ce système a encouragé la spéculation et que les prix ne reflètent plus les coûts de production français, mais plutôt le coût marginal de production d’électricité, lié au gaz naturel. Une réforme du marché de l’électricité, qui sera effective au 1er janvier 2026, est en train de se mettre en place, avec notamment la fin de l’ARENH, système très imparfait, mais qui garantissait un prix fixe de 42€/MWh à nos grands industriels. Or, les négociations patinent pour les nouveaux contrats, ce qui a conduit l’Etat à remplacer le PDG d’EDF. Il me paraissait donc important de comprendre comment les entreprises réagissent à ces fluctuations de prix qui mettent en jeu leur modèle économique et parfois leur survie même.

Pour ce rapport, j’ai travaillé avec mon collègue Michel Canévet (sénateur du Finistère, membre du groupe de l’union centriste), qui était lui en charge d’un autre volet qui touche aussi fortement nos entreprises : l’envolée de leurs factures d’assurance, voire leur incapacité à s’assurer. Ces deux aspects étant complémentaires, nous avons travaillé de concert, en auditionnant de nombreux chefs d’entreprises, assureurs, membres du monde énergétique, spécialistes de ces deux questions et des agences spécialisées, comme la Commission de régulation de l’énergie (CRE). J’ai notamment invité des entreprises iséroises dites électro-intensives, comme Ferropem (raffinage de silicium), Arkema (chimie) ou encore Constellium (aluminium).

Nous avons présenté notre rapport à la presse le 25 juin 2025. Vous trouverez le rapport complet et sa synthèse sur le site du Sénat. Nous y rappelons tout d’abord l’ampleur de la problématique des coûts croissants d’assurance et d’énergie pour les entreprises, quelle que soit leur taille. 

En matière d’assurance, entre 24 et 32% des entreprises sondées disent avoir subi des résiliations de contrats. Les transports publics, la défense, le bois et l’ameublement ou encore le photovoltaïque sont les secteurs rencontrant le plus de difficultés assurantielles. Ajoutons aussi qu’il faut se protéger des risques croissants, comme les cyberattaques, les violences urbaines et surtout le changement climatique, dont les dégâts sont de plus en plus importants. Pour y répondre, nous formulons 6 préconisations, comme une meilleure évaluation des risques lors de la passation de contrat, l’établissement d’un délai minimum avant la résiliation (par exemple 6 mois) pour donner le temps de trouver un nouvel assureur, élargir le périmètre de mutualisation des risques ou encore privilégier la passation de contrats pluri-annuels.

En matière énergétique, j’ai pu constater au cours des auditions l’extrême difficulté dans laquelle la volatilité des prix entraînée par le marché de l’électricité et la spéculation place les entreprises. A partir de 2021, les prix de gros ont explosé et même s’ils ont baissé depuis, de nouvelles crises sont malheureusement probables, notamment au vu des tensions géopolitiques et de la raréfaction des ressources fossiles. Certaines industries, comme la chimie, le travail du bois et du papier, la métallurgie ou encore le travail du caoutchouc sont particulièrement touchées, avec des capacités à répercuter ces coûts sur leur prix de vente souvent limités par la forte concurrence étrangère. Enfin, la disparition prochaine de l’ARENH suscite d’énormes inquiétudes, car elle induit plus de fluctuations pour des industriels qui ont au contraire besoin de visibilité.

Pour y répondre, j’ai d’abord rappelé qu’il nous faut poser la question de la pertinence du marché de l’énergie et de l’électricité, qui promettait de faire baisser les factures grâce à la concurrence, mais a abouti au résultat opposé. Une sortie du marché, pour revenir à un monopole public et à des prix réglementés devra nécessairement être discutée. Néanmoins, ce débat dépasse le cadre du rapport et j’ai donc dû me limiter à des préconisations de meilleur encadrement du marché. Nous proposons donc de :

-réviser les contrats conclus lorsque les prix étaient très hauts, pour tenir compte de leur baisse.

-Assurer un suivi d’ici la fin de l’année 2025 des négociations engagées entre EDF et ses clients gros consommateurs d’énergie.

-garder une maîtrise publique de nos barrages étant donné le lien historique entre l’hydroélectricité et l’industrie. Cela implique de sortir cette activité du cadre concurrentiel, soit par une dérogation européenne (comme le demande une résolution votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale), soit en privilégiant un système de quasi-régie.

-Établir un « contrat type » pour les Power Purchase Agreement (PPA) qui puisse servir de référence et de base de négociation aux entreprises dépourvues d’expertise en matière de passation de contrat complexe.

-Garantir un certain degré de prévisibilité des tarifs de l’électricité en privilégiant les « contrats pour différence » (CfD) avec un tarif plancher et un tarif plafond.

-encourager les efforts d’adaptation et de sobriété énergétique des entreprises à travers divers leviers, notamment les aides à la décarbonation et le soutien au fonds chaleur de l’ADEME.

Enfin, de manière globale, j’ai insisté sur la nécessité pour nos entreprises d’être à la hauteur du défi climatique et d’agir pour la sobriété énergétique. Loin d’être un luxe coûteux,  la transition écologique est pour elles un levier de compétitivité, en faisant baisser leurs factures énergétiques, en rendant leurs produits plus attractifs pour la commande publique et des consommateurs engagés et tout simplement car cela les prépare mieux aux chocs environnementaux à venir, qui auront aussi des conséquences économiques.

Heureux d’avoir pu travailler sur ces enjeux de fond durant ces derniers mois, je continuerai à suivre de près ces sujets durant le reste de mon mandat.