J’ai présenté le 26 septembre 2019 le rapport de la mission d’information sur la gratuité des transports en commun que nous avons demandée avec le groupe communiste et écologiste et que j’ai eu le plaisir de conduire pendant 4 mois.

Ce rapport dresse un état des lieux sur la mise en œuvre de la gratuité des transports en France et dans le Monde et dresse des perspectives pour repenser la mobilité collective au XXIe siècle.

Je peux néanmoins vous dire que le premier constat est que le recul sur le sujet est faible, que les expériences françaises et internationales sont assez rares et que les études scientifiques le sont encore plus. Les données que nous avons collectées sont parcellaires et ne permettent pas de tirer des conclusions irréfutables. Nous proposons donc de mettre en place un observatoire de la tarification de transports.

Néanmoins, les données montrent assez nettement que la gratuité des transports est une mesure sociale très efficace. Là où elle a été mise en place, la fréquentation des bus a grimpé de 50 à 65 % et concerne en premier lieu des personnes qui ne se déplaçaient pas ou peu. La gratuité remplit donc son objectif d’égalité face à la mobilité.

Mais du coup, comme la gratuité est une mesure qui marche, elle pose nécessairement la question de l’offre de transports. Ainsi dans les réseaux déjà extrêmement fréquentés, on pense naturellement à la région capitale, une mise en œuvre de la gratuité risquerait d’entraîner une saturation totale du réseau. Du coup dans les grandes agglomérations, il nous a semblé que la question de l’offre de transport doit précéder celle de la gratuité.

Cela nous invite aussi à considérer que la gratuité n’est pas une fin en soi, pas un but absolu, mais un outil de politique publique parmi d’autres, qui doit s’inscrire dans un projet de mobilités, un projet urbain plus vaste.

Ainsi, pour toutes villes moyennes où les réseaux sont neufs et sous-utilisés et où les centres-villes sont de moins en moins fréquentés, la gratuité des transports associée à une politique de revitalisation du centre-ville, est un outil extrêmement efficace comme le montrent les exemples de Châteauroux, Dunkerque ou Niort.

La gratuité ne peut pas être déployée partout au même rythme et avec la même ampleur et des solutions progressives sont à imaginer. La gratuité des transports relève d’abord d’un choix politique, plus ou moins ambitieux en fonction des territoires et des réalités locales. Pour ne donner qu’un seul chiffre : le coût de tous les réseaux de transports en commun du pays coûte environ 16 milliards d’euros financé par les usagers, par les contribuables locaux et par les entreprises. Le coût d’entretien de toutes les routes départementales et nationales à la charge des collectivités locales coûte environ 16 milliards d’euros, uniquement à la charge des collectivités locales, ce qui permet leur gratuité pour les usagers. Personne ne se pose la question de faire payer la route aux usagers en revanche tout le monde se pose la question de l’opportunité la gratuité des transports en commun. Ceci est paradoxal considérant les urgences sociales et écologiques auxquelles nous devons faire face.

A titre personnel, je pense que c’est un horizon vers lequel toutes les collectivités peuvent et doivent tendre à un rythme adapté à leurs particularités.

Enfin, nos travaux nous conduisent à deux réflexions plus larges : celle de la mobilité entre zone rurale et zone urbaine et également celle de la démobilité. Il nous apparaît que la gratuité des transports collectifs pourrait prendre sa pleine mesure dans un projet urbain radicalement différent. Il est certain que dans un monde où les grandes métropoles grossissent indéfiniment, aucune solution miracle ne viendra régler les défis de la mobilité.

Se pose donc la question de notre projet urbain, de la taille de nos villes, de l’étalement urbain, de la dissociation entre les zones d’activité économique et les zones d’habitat. Alors que les centres-villes de nos communes moyennes sont en déshérence, alors que la transition agricole nécessite une multiplication des emplois et donc une forme d’« exode urbain », nous sommes invités à penser que c’est dans un rapport au territoire différent que la gratuité pourrait trouver toute sa place comme l’exemple de Dunkerque le souligne bien.

Pour rebâtir un modèle économique résilient, capable de résister aux aléas financiers et respectueux de l’environnement, c’est sur des projets locaux qu’il faut s’appuyer en rebâtissant des économies de circuits courts autour de nos villes, ce qui permettrait d’alléger la pression démographique qui pèse sur nos métropoles. C’est également la manière la plus efficace de résorber la fracture territoriale et de pouvoir envisager, dans une perspective tant sociale qu’écologique, tout autant qu’un droit à la mobilité, un droit à la dé-mobilité.

Pour accéder au rapport :
http://www.senat.fr/rap/r18-744/r18-7441.pdf

Le dossier de presse : http://www.senat.fr/…/affaires_eco/MIGTC/4_pages_MIGT_v4.pdf

Pour retrouver l’ensemble de nos travaux : http://www.senat.fr/…/mission_dinformation_sur_la_gratuite_…