Le 21 mars, à l’occasion de la niche du groupe communiste, j’ai présenté les raisons de notre opposition de longue date au CETA. Depuis plus de dix ans, les écologistes combattent ce traité de libre-échange qui détruit notre agriculture, saccage l’environnement et soumet la France au diktat des multinationales. Alors que ce traité s’applique depuis plus de six ans sans ratification, un vote était urgent. Mais la menace anti-démocratique continue : nous ne savons pas si le gouvernement présentera une nouvelle lecture du texte à l’Assemblée nationale, puis le dénoncera devant les instances européennes en cas de rejet. Nous resterons donc pleinement mobilisés pour faire tomber cet accord, aussi longtemps que nécessaire.
Vous pouvez retrouver mon intervention en vidéo et sous format texte ci-dessous :
Je tiens tout d’abord à remercier le groupe CRCE-K de soumettre enfin au Sénat la ratification du CETA. Enfin !
5 ans que nous demandons collectivement que cesse ce hold-up democratique ! Questions écrites, résolutions, interpellations, à croire que votre gouvernement a peur du Parlement, je n’ose y penser.
Négocié sous Nicolas Sarkozy, poursuivi sous François Hollande, adulé sous Emmanuel Macron, il en aura fallu du temps pour enfin percevoir les effets délétères de ce traité.
Pour nous, le cap a toujours été clair, 10 ans que les écologistes, dont mon collègue Yannick Jadot, se battent contre les aberrations de ce traité et pourtant, c’est la première fois que notre chambre en est réellement saisie. Quelle hérésie démocratique !
Depuis plus de six ans, ce traité de libre-échange impliquant près de 500 millions de personnes s’applique à 90% alors même que dix pays de l’UE, dont la France, ne l’ont pas ratifié !
Pire : nous ne savons même pas si un rejet de cet accord entraînera vraiment une dénonciation de celui-ci par le gouvernement ! Un tel mépris du Parlement sur un sujet aussi important est inacceptable.
Puisque cet accord s’applique, tirons-en un premier bilan. C’est ce qu’a fait l’Institut Veblen en janvier.
La conclusion est sans appel : le CETA est une catastrophe pour le climat, la santé humaine et la souveraineté des Etats. Comme tant d’autres accords de libre-échange, il soumet notre économie à une concurrence déloyale, particulièrement en matière agricole, et inféode la France à la loi des multinationales.
Le bilan économique d’abord. Alors que la Commission européenne nous promettait de vastes débouchés à l’exportation et 700.000 emplois soutenus par les exportations vers le Canada, les données disponibles montrent une tout autre réalité : selon Eurostat et la direction générale au commerce de l’UE, la part des emplois européens liés aux exportations est globalement stable, tant au niveau européen que français. Il en va de même pour la part touchant les PME, alors que les négociateurs leur avaient fait miroiter de vastes marchés. Seuls quelques secteurs tirent leur épingle du jeu à l’export, comme l’industrie automobile et pharmaceutique ou le nucléaire.
En matière d’importations, nous achetons deux fois plus d’engrais au Canada qu’avant l’entrée en vigueur de l’accord et les achats de minerais ont également fortement augmenté. Surtout, les importations de pétrole issus de schistes bitumineux, c’est-à-dire issus de sables visqueux, ont augmenté de 50%. Rappelons que ces hydrocarbures sont trois à quatre fois plus polluants que le pétrole conventionnel et que leur extraction consomme une quantité astronomique d’eau et de produits chimiques.
L’exploitation de cette ressource est une véritable barbarie environnementale, avec des forêts entières rasées et des lacs, des cours d’eau et des rivières pollués à jamais. En 2020, devant la Convention Citoyenne pour le Climat, le président de la République s’est dit prêt à abandonner le CETA si celui-ci ne respectait pas l’accord de Paris. Il faut maintenant passer de la parole aux actes.
Sur le volet agricole, cet accord est l’exemple parfait de la concurrence déloyale dénoncée par nos agriculteurs : comme l’indique le rapport Schubert remis en 2017 au Gouvernement, dont les conclusions restent valides, le Canada continue d’autoriser nombre de pratiques interdites ou plus limitées en Europe. Le bétail est ainsi couramment alimenté avec des farines animales, cause possible de la maladie de la vache folle, ou avec du maïs et du soja OGM. Les quantités de résidus de pesticides sont également bien plus fortes que les seuils autorisés sur notre continent. C’est le cas pour la filière légumineuse particulièrement touchée par la fin des droits de douane. L’usage des antibiotiques facteurs de croissance est généralisé, au mépris du bien-être animal et de la lutte contre l’antibiorésistance.
Alors que l’Union européenne et la France mettent en place des réglementations plus ambitieuses en matière agricole, comment pouvons-nous autoriser de telles importations ? Vous allez sans doute me parler des fameuses “clauses miroirs”, et bien parlons-en :
Pour l’instant, c’est surtout le Canada qui fait pression pour que nous baissions nos standards ! En 2019, il porte plainte devant l’OMC contre les nouvelles règles européennes sur les pesticides, en 2023 contre l’interdiction de produits contenant deux néonicotinoïdes interdits en Europe, puis, toujours en 2023 il demande un report de l’interdiction d’importation du bétail gavé aux hormones de croissance.
Enfin, une ratification du CETA entraînerait l’application de son dernier volet, peut-être le plus dangereux : celui de la “protection des investissements”, qui permet à des multinationales s’estimant lésées par une loi d’attaquer un Etat devant un tribunal d’arbitrage privé. Ces recours viennent notamment de groupes engagés dans les énergies fossiles contre des décisions de fermeture de centrales à charbon ou de fermeture de forages d’hydrocarbures. Pire, la menace des amendes peut conduire les Etats à renoncer à changer leurs lois jusqu’à vingt ans après la sortie de l’accord en vertu d’une “clause de survie” !
Si nous ne sommes donc pas opposés au commerce avec le Canada, nous avons toujours combattu les accords de libre-échange qui font régner la loi des multinationales. Ainsi, nous voterons OUI au Canada et résolument NON au CETA !