Le Sénat a adopté mardi à la quasi-unanimité (338 voix pour, 2 contre) le projet de loi « Engagement et proximité » proposé par le Gouvernement, après l’avoir examiné pendant plus de 50 heures et après l’avoir abondamment amendé.

Ce projet de loi est un texte de circonstance qui répondait à deux objectifs : réconcilier le Gouvernement avec les élus locaux après deux années de mépris souverain de l’exécutif à l’endroit des corps intermédiaires et des territoires et lutter contre la crise des vocations municipales illustrée à grand bruit il y’a tout juste un an, par une vaste enquête du CEVIPOF qui mettait en exergue la volonté d’un maire sur deux de rendre son écharpe à l’occasion du prochain scrutin municipal.

Il est certain que la fonction de maire, même si c’est une tache exaltante, est devenue de plus en complexe, particulièrement en zone rurale, pour de nombreuses raisons : diminution de financements, accroissement des compétences, articulation des compétences de la commune et de celle de l’intercommunalité, fatigue démocratique du pays qui touche naturellement les élus les plus proches du terrain…

La commune est pourtant une porte d’entrée vers la citoyenneté. C’est là où l’on peut directement et concrètement intervenir sur la vie de la cité. C’est le cœur de notre démocratie. Il est donc nécessaire de réfléchir à son fonctionnement, à son évolution, au statut de l’élu, à la manière de permettre à tout citoyen de pouvoir un jour s’investir dans la gestion de nos communs.

Disons-le d’emblée, ce projet de loi est loin de répondre à toutes les inquiétudes et à tous les maux. Le statut de l’élu est toujours une arlésienne, même si quelques progrès ont été effectués. La participation des citoyennes et des citoyens à la démocratie locale est également la grande absente de ce texte, or il me semblait que la meilleure manière d’épauler efficacement les maires est encore d’inclure le plus grand nombre d’habitantes et d’habitants dans la vie de la commune.

Le gouvernement nous propose un toilettage et aborde les sujets en surface. Nous ne ferons pas l’économie d’une réflexion approfondie pour redéfinir notamment le rôle de la commune dans l’intercommunalité, le lien démocratique des citoyens avec cette intercommunalité et son projet politique. La réponse démocratique reste à trouver.

Pour exister pleinement le couple commune/intercommunalité doit avoir les moyens d’agir et jouir d’une certaine autonomie. A ce sujet le texte n’apporte pas de réponse. On ne sait toujours pas comment sera compensée la taxe d’habitation et plus largement on s’interroge toujours sur les financements des collectivités locales.

Mais s’il ne rencontre pas son ambition, ce projet de loi, et particulièrement sa mouture sénatoriale, n’en demeure pas moins une somme de mesures pertinentes, pragmatiques et bienvenues pour les faciliter la vie des élus locaux.

Premièrement d’un point de vue matériel : les indemnités des maires des petites communes ont été sensiblement revalorisées pour correspondre un peu mieux à leur charge de travail et leur apporter un peu de sérénité. On regrettera néanmoins que la question du financement de cette augmentation n’ait pas été réglée, les petites communes ne pouvant pas l’assumer sur leur propre budget. Le Sénat a également mis fin à l’aberrante dégressivité de l’Allocation adulte handicapée (AAH) pour les élus bénéficiaires de cette prestation, elle est désormais pleinement cumulable avec une indemnité élective. Sont également améliorés la prise en charge des frais de garde et d’assistance des élus ainsi que leurs moyens de formation.

Ensuite, le Sénat a renforcé les pouvoir de police du maire lui permettant d’émettre des amendes administratives, des astreintes ou encore de faire fermer des débits de boisson qui enfreindraient la règlementation. Pour lutter contre les violences inacceptables dont sont victimes chaque année des centaines d’élus locaux, le projet de loi garantit également une protection juridique aux maires victimes d’incivilité et de violence.

Je reste cependant réservé sur cette dérive qui donne toujours plus de responsabilités aux maires sans apporter les moyens matériels et financiers correspondants pour accomplir ces tâches.

En troisième lieu, le projet renforce quelque peu la place de la commune dans les intercommunalités en systématisant « la Conférence des maires » dans toutes les intercommunalités où l’ensemble des maires n’est pas membre du bureau exécutif. Le Sénat est également revenu sur certains transferts de compétences obligatoires vers l’intercommunalité, notamment la compétence « eau et assainissement ». Nous savons cependant que le gouvernement réintégrera ce transfert de compétence à l’assemblée avec quelques ajustements. Cette arlésienne sur la compétence eau/assainissement ne facilite pas la tâche des élus qui ont besoin de visibilité. Notons également que la parité dans les bureaux des intercommunalités est renforcée et devra demain être au moins équivalente à celle de l’assemblée délibérante de l’interco.

Je regrette cependant l’adoption, contre l’avis du gouvernement, du scrutin de liste fermé pour l’élection de l’exécutif dans les intercommunalités. Sous couvert de simplification, cela risque de créer un clivage et le sentiment d’exclusion de certaines communes. Ce message envoyé par la majorité sénatoriales aux petites communes est regrettable tout comme le refus de revoir la répartition des délégués communautaires pour une meilleure représentation des collectivités les plus modestes.

Le Sénat a aussi prévu la généralisation de la loi Brottes permettant la mise en œuvre d’une tarification sociale de l’eau, la possibilité pour les maires de limiter à 60 jours le plafond annuel des locations courtes durée, la possibilité de présenter des listes « sans étiquette » dans les communes de moins de 3500 habitants…

Au chapitre des déception, le Sénat est revenu sur le caractère obligatoire des « Conseils locaux de développement » dans les intercommunalités de plus de 20 000 habitants. Il n’y avait déjà rien dans la loi pour renforcer la démocratie participative, mais le Sénat a même introduit une régression, prouvant s’il en était encore besoin, la vision extrêmement paternaliste de la politique qui anime la droite sénatoriale. Par ailleurs, la possibilité pour les maires de prononcer une astreinte journalière de 500 euros à ceux qui occupent illégalement des terrains privés avec des habitats légers me semble tout à fait démesurée et absolument pas la bonne manière d’aborder cette problématique.

Malgré ces déceptions et malgré un résultat quelque peu en deçà des attentes des élus locaux, j’ai cependant voté avec mon groupe en faveur de ce texte qui apporte des réponses concrètes et rapides à de nombreuses problématiques rencontrées chaque jour sur le terrain. Une manière d’envoyer un signal positif au gouvernement pour que l’Assemblée nationale conserve ces avancées et l’esprit du texte en l’enrichissant encore.