A mon grand regret, le Sénat a rejeté ce jeudi 14 octobre la proposition de loi que je défendais avec mon groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, visant à maintenir les grands barrages hydroélectriques dans le domaine public et à édifier un service public de l’énergie renouvelable.

Mon intervention à la tribune pour défendre notre texte.

Cette proposition de loi entendait conserver nos 420 barrages hydroélectriques de plus de 4,5 MW dans le giron public. Or, alors que 150 d’entre eux ont vu – ou verront d’ici 2022 – leur contrat de concession arriver à terme, nous sommes dans l’incertitude la plus totale. L’absence de visibilité pénalise tant les acteurs économiques que les salariés, les usagers, les populations en aval des barrages et la réussite de la transition énergétique. Elle se traduit par une gestion dégradée de l’ensemble des barrages, avec les risques de sûreté et les retards d’investissement que cela induit. Le statu quo n’est donc pas tenable, comme le rappelait la ministre de la Transition écologique en février.

Ainsi, notre PPL proposait la mise en place d’une exploitation en quasi-régie. C’était le modèle choisi par le Gouvernement dans son projet EDF Azur pour une bonne et simple raison : c’est le seul qui garantisse une gestion publique tout en respectant le droit européen. Cela a d’ailleurs été confirmé par la Direction générale au marché intérieur de la Commission européenne, sollicitée notamment par l’eurodéputé Yannick Jadot et le syndicat Sud – Energie. Nous nous étonnons donc de l’absence de consensus sur ce dispositif, alors que nous sommes tous contre la mise en concurrence de nos barrages et qu’aucune proposition alternative n’a été formulée !

La quasi-régie : une solution pour garder nos barrages dans le giron public.

D’autre part, cette proposition de loi s’inscrit dans une vision plus large du pilotage de la transition énergétique dans notre pays. Alors que l’incertitude continue de peser sur l’avenir d’EDF, alors que la question de nos centrales nucléaires en fin de vie se pose avec toujours plus de forces, la question énergétique sera en effet au cœur du débat de l’élection présidentielle. Pour les écologistes, il est impératif de mettre sur pied un service public de l’énergie renouvelable, qui permettra de planifier et d’anticiper leur nécessaire développement, qui repose aujourd’hui principalement sur des acteurs privés. 

Garantir un contrôle public sur ces ressources fondamentales est crucial à plusieurs titres. D’abord, il s’agit d’accélérer la transition énergétique vers le renouvelable, alors que la France accuse déjà un important retard sur ses voisins européens. Par exemple, avec 11,6 TW/h par an, la France ne produit que 2,2 % de son électricité grâce à l’énergie solaire, contre 4 % pour la Grande-Bretagne, 7 % pour l’Allemagne et 8 % pour l’Italie.

Ensuite, ce contrôle public est indispensable pour bâtir une vraie filière industrielle souveraine dans ce domaine : la majorité des composants des panneaux solaires et des éoliennes sont aujourd’hui importés. Pourtant, la France dispose des ressources financières, techniques et humaines pour bâtir une vraie filière et créer ainsi de nombreux emplois. Je pense ici notamment à Photowatt, fabricant de panneaux photovoltaïques bas-carbone installé à Bourgoin-Jallieu (Isère), propriété d’EDF qui ne lui passe malheureusement pas de commandes, d’où une incertitude sur l’avenir du site.

Outre la protection de notre souveraineté industrielle et énergétique, la création d’un pôle public du renouvelable permettrait de véritablement planifier l’expansion du renouvelable sur notre territoire, au contraire du manque de contrôle et de régulation qui caractérise le développement parfois anarchique conduit par le secteur privé. Un développement organisé et discuté avec les populations est essentiel pour assurer l’acceptabilité de ces projets, comme nous le rappellent les vifs débats autour de l’éolien ou de la méthanisation.

Pour un service public des énergies renouvelables.

Ce service public des énergies renouvelables sera également bénéfique au consommateur, puisqu’il permettra de maintenir les tarifs de l’électricité à des niveaux abordables et égaux sur tout le territoire. Au contraire, la poursuite de notre forte dépendance à un parc nucléaire vieillissant, et donc de plus en plus coûteux, ainsi que le démantèlement en cours d’EDF ont toutes les chances de faire gonfler les factures dans les années à venir.

Il ne s’agit pas ici de se substituer totalement au privé, mais d’assurer un pilotage public, une fonction motrice, un encadrement. Nous ne réussirons jamais la transition énergétique si la puissance publique ne remplit pas son rôle fondamental de locomotive. Force est de constater que, tout à sa stratégie nucléaire et à sa logique libérale, elle ne l’assume pas aujourd’hui. De nombreux acteurs privés sont d’ailleurs demandeurs de ce pilotage. Ils ont en besoin de subsides des plans de relance, de garanties sur leurs investissements de la part de l’Etat et de visibilité sur leurs débouchés via la commande publique.

Etant donné l’importance de ces enjeux, et alors que le Sénat était en mesure de poser un principe politique transpartisan extrêmement fort pour la souveraineté de la France et la réussite de la transition énergétique, je ne peux que déplorer ce choix difficilement compréhensible et regrette vivement cette occasion manquée.

Les écologistes défendront durant toute la campagne présidentielle la préservation de nos barrages dans le giron public et la création d’un véritable service public des énergies renouvelables à même de conduire efficacement la transition énergétique.