Je suis intervenu au nom du groupe Ecologiste – Solidarité et Territoires lors de la mascarade de débat proposé au Sénat cet après-midi par le Gouvernement pour nous inviter à commenter les décisions déjà prises par le seul président de la République…

Je ne suis pas épidémiologiste, sur le fond je comprends la nécessité des décisions et je ne les conteste pas. Il faut soulager nos hôpitaux pour préserver des vies. Sur la forme par contre, je déplore qu’un an après on en soit encore à une gouvernance solitaire et erratique du président de la République.

Bien d’autres pays et je pense en particulier à l’Afrique du Sud, ont élaboré des modes de gouvernance beaucoup plus démocratiques et transparents.Sur le plan sanitaire, j’ai demandé au ministre de plaider à l’international pour libérer les brevets des vaccins et en faire un bien public mondial et de prioriser le personnel scolaire dans le plan de vaccination afin de garder les écoles fermées le moins longtemps possible.

Pour faire face aux conséquences sociales dramatiques de ce nouveau tour de vis, j’ai aussi demandé au Premier ministre, sans grand espoir :

– un plan Marshall pour l’hôpital public exsangue,
– une véritable politique de lutte contre la pauvreté alors que notre pays compte désormais plus de 10 millions de personnes en situation de précarité,
– des moyens renforcés pour l’école à la rentrée prochaine afin de recruter des profs, dédoubler les classes et tenter de rattraper le retard d’apprentissage accumulé par nos enfants depuis plus d’un an.

Pour financer tout cela, j’ai proposé une contribution de solidarité exceptionnelle versée par les hauts revenus et les entreprises bénéficiaires de la crise (tout particulièrement les géants de la vente en ligne).

J’ai enfin rappelé au Premier ministre la disponibilité des écologistes pour être force de proposition dans la crise actuelle, à condition qu’on veuille bien nous consulter. Comme ce n’était pas le cas aujourd’hui nous avons refusé de prendre part au vote…

* * *

Monsieur le Premier ministre,

Un an de pandémie et bientôt 100 000 morts en France, près de trois millions dans le monde.

Un an de pandémie et 4,6 millions de malades.

Un an de pandémie et un personnel soignant à bout de souffle.

Un an de pandémie et des inégalités sociales qui explosent.

Un an de pandémie et plus de 10 millions de pauvres dans notre pays.

Un an de pandémie et une entreprise sur 3 menacée de faillite, malgré les aides gouvernementales.

Un an de pandémie et de détresses psychologiques.

Un an de pandémie et une jeunesse aux abois.

Un an de pandémie et de vie sociale et culturelle sous cloche.

Un an de pandémie et des perspectives toujours aussi incertaines.

Le bilan sanitaire, social et économique du Covid 19 est dramatique et ses conséquences se feront ressentir pendant des années. Ce bilan n’est pas celui du Gouvernement, vous avez agi, le plus souvent du mieux que vous pouviez, et il est prétentieux et malvenu d’expliquer que nous aurions fait beaucoup mieux. Mais il n’est pas non plus possible de vous exonérer de votre responsabilité, ni, surtout de celle du président de la République.

Monsieur le Premier ministre, je relisais mon propos lors du débat organisé dans de pareilles circonstances le 29 octobre dernier et cette lecture m’a désespéré.
Rien n’a changé depuis un an, rien n’a changé depuis cinq mois.
Jupiter l’épidémiologiste,
Jupiter le roi thaumaturge,
Jupiter le maître des horloges décide de tout, tout seul, et vous venez ensuite faire le service après-vente devant nous. La pertinence de l’exercice interroge…

Du coup, puisque nous sommes là, vous ne m’en voudrez pas de reprendre quelques propos de mon intervention du 29 octobre, ils sont, et je le déplore, toujours voire davantage, d’une vibrante actualité.

Vous n’avez pas su construire l’union nationale, indispensable à la période.
Rien n’a changé et le président continue vainement de l’invoquer comme on crie dans le vent.

Il aurait été opportun et intelligent d’associer la représentation nationale aux décisions permettant de faire face à la situation sanitaire, économique et sociale tout en protégeant les libertés individuelles. C’est comme cela que fonctionne une démocratie normale. Mais, si on avait encore un doute sur le fait que la Ve République n’était pas une démocratie normale, le voilà levé depuis un an…

Le Parlement aurait dû retrouver toute sa place et c’était votre intérêt, notre intérêt collectif d’associer réellement l’opposition aux prises de décisions. Encore moins que d’habitude, l’exécutif ne peut avoir raison tout seul.

La complexité du défi auquel nous faisons face aurait nécessité et nécessite toujours de s’appuyer sur l’intelligence et la responsabilité collective des élus du peuple plutôt que sur l’intelligence d’un seul homme – si supérieure soit-elle – responsable devant personne selon notre bancale Constitution.

En la matière, vous auriez également dû associer beaucoup plus étroitement les élus locaux.

Hélas, la consultation des territoires, au préalable de décisions d’ampleur nationale – comme celle que vous présentez aujourd’hui – est toujours inexistante. Quand les élus sont responsables et de bonne composition à votre endroit, je pense par exemple au maire de Lyon, vos ministres les récompensent avec des accusations fallacieuses et des polémiques médiocres, au lieu de garder leur temps et leur énergie à la résolution de la crise .

Alors, la gouvernance demeure solitaire et erratique. Ce manque total de visibilité affaiblit chaque jour davantage l’acceptabilité des mesures qui sont prises et leur efficacité. C’est un cercle vicieux qui nous dessert toutes et tous collectivement.

En un an, vous n’avez jamais été capables de donner de la visibilité aux Françaises et aux Français. Certes la situation est instable et difficilement prévisible, mais d’autres pays ont fait beaucoup mieux.

Je pense notamment à l’Afrique-du-Sud, pays pourtant très durement touché par le virus, qui a pris le temps d’élaborer un mode de gouvernance intéressant. En lien avec le Parlement, le Gouvernement a mis en place un barème avec 5 niveaux d’alerte à la manière de notre barème Vigipirate. A chaque niveau correspond progressivement un certain nombre de mesures de distanciation et de restriction de la liberté de mouvement et d’activité. Le changement de niveau est activé par le Gouvernement sur la base de critères objectifs : circulation du virus, nombre de décès, niveau d’occupation des hôpitaux.

Monsieur le Premier ministre, qu’est-ce qui empêche le Gouvernement de mettre en place un tel dispositif, 

qui permettrait de donner de la visibilité aux Françaises et aux Français, aux élus locaux et aux entreprises, 

qui permettrait de renforcer l’acceptabilité des mesures et de soulager notre démocratie ? 

La réponse tient en deux mots : monarchie présidentielle.

Ce constat longuement posé, c’est désabusé et sans grand espoir que vous entendiez mon message, que je vais néanmoins vous formuler quelques demandes pour accompagner les mesures que vous présentez ce matin dont je ne conteste pas, faute d’alternative, le bien fondé.

Il faut premièrement renforcer les moyens de l’hôpital.
Le Ségur de la Santé est insuffisant, les soignants sont exsangues, on peine à recruter des infirmières et des infirmiers.
Il faut les récompenser davantage pour les efforts de la période et les revaloriser de manière pérenne et significative.
Il faut aussi renforcer les moyens matériels et humains.
Le président promettait jusqu’à 12 000 lits de réanimation en octobre.
Nous en sommes, selon ses dires, à 7 000…
À Lyon, à Bordeaux, les hôpitaux militaires ferment alors qu’ils auraient pu accueillir des malades.

Monsieur le Ministre entendez enfin la lassitude et l’exaspération des soignants sans qui, le bilan de la pandémie, serait catastrophique. Comment cette crise n’a pas encore débouché sur un plan Marshall de l’hôpital public ?

D’autre part, il est plus que temps de prendre des mesures d’urgence sociale digne de ce nom. Nous avons déjà des mois de retard. 10 millions de pauvres, des étudiants qui vont à la soupe populaire, votre dogmatisme néo-libéral est incompréhensible. Il faut :

– abroger la réforme de l’assurance chômage,

– augmenter les minimas sociaux,

– automatiser leurs versements,

– élargir le RSA aux moins de 25 ans,

– rétablir les contrats aidés,

– aider les associations.

et tendre, demain, vers un revenu universel.

Nous vous demandons également une vigilance accrue sur tous les publics exposés par le confinement, les personnes seules, les personnes psychologiquement fragiles, les victimes de violence conjugales et tout particulièrement les femmes.

Vous fermez les écoles un mois, le temps des vacances de Pâques. Nous vous faisions cette proposition la semaine dernière lors des questions au Gouvernement, nous sommes aujourd’hui soulagés que l’évidence ait fini par s’imposer.

Le retard de la vaccination explique en partie cette situation et les personnels scolaires doivent devenir un public prioritaire, le manque de moyens notamment humains, les difficultés de trouver des remplacements l’expliquent aussi.

Hier le président évoquait le « combat du siècle » s’agissant du décrochage scolaire et des retards d’apprentissage de notre jeunesse. Espérons que pour une fois, il ne s’agisse pas de propos incantatoires dont il a tant l’habitude. Car pour notre école, il faut des moyens considérables pour dédoubler les classes, recruter et revaloriser les enseignants.

Pour financer cet effort national sans précédent, les hauts revenus doivent être mis à contribution. Enfermé dans votre idéologie, vous vous y refusez depuis le printemps dernier. Pourtant c’est indispensable d’un point de vue financier, comme d’un point de vue moral pour garantir l’unité du pays.

Il faut mettre en place une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus dont la richesse s’accroît encore malgré la crise.

Il en faut une autre de toutes les entreprises qui ont fait des bénéfices grâce à la crise, notamment les géants de la vente en ligne et les grandes surfaces.

Monsieur le Premier ministre, les écologistes n’ont cessé d’être constructifs durant cette crise qui nous engage toutes et tous. Nous continuerons à l’être quand vous voudrez bien nous consulter en amont. Ce n’est pas le cas aujourd’hui et vous comprendrez que nous ne prenions pas part, non plus, à cette mascarade démocratique.