Après un 10e recours à l’article 49-3, le Parlement (sic) a définitivement adopté le Projet de loi de Finances pour 2023. Pour ce budget intervenant dans une période géopolitique et économique exceptionnelle, et dans une période politique exceptionnelle, le Gouvernement et sa majorité relative n’ont jamais cherché le compromis avec les autres forces politiques et sont passés en force. La quasi-totalité des apports du Sénat ont été balayés, notamment l’augmentation de la DGF, la réduction à 5,5 % du taux de TVA pour les transports collectifs, l’augmentation du Fonds vert les collectivités locales…

Cela n’a pas empêché les parlementaires écologistes de faire de nombreuses propositions pour une fiscalité plus juste qui fasse contribuer les haut revenus, pour une fiscalité plus verte qui taxe davantage les pollueurs, pour accompagner nos compatriotes face à l’inflation et l’explosion des prix de l’énergie et pour maintenir et renforcer les moyens des collectivités locales via le maintien de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), l’augmentation de la DGF et son indexation sur l’inflation, le découplage des taux entre la taxe sur les résidences secondaires et les autres taxes locales, etc

Parmi les 329 amendements défendus par les écologistes, j’ai notamment défendu :

  • Et je me suis énervé car il n’a même pas pu être mis au vote à cause des invraisemblables contraintes de temps qui encadre le débat budgétaire au Parlement

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En tant que membre de la délégation aux outre-mers je suis aussi intervenu au nom de mon groupe sur les crédits de la mission outre-mer que nous avons voté avec des réserves :

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre

Mes chers collègues,

 Les crédits de la mission Outre-mer n’ont augmenté que de 1,71 % en Autorisation d’engagement et 1,29 % de Crédits de Paiement par rapport à la loi de Finances 2022. C’est peu pour une mission, qui a pour principal objectif le rattrapage des écarts persistants entre l’outre-mer et la métropole, a fortiori dans un contexte de crise économique et sociale et alors que les inégalités entre les territoires ultra-marins et la métropole ne cessent de se creuser.

 Ainsi l’effondrement du tourisme entraine une situation catastrophique en Polynésie.  Plus de 20 % des Antillais et des Guyanais vivent sous le seuil de pauvreté. Davantage encore à Mayotte.  

13 % des logements indigne de France sont en Outre-mer pour 4 % de la population. Comme l’a montré le rapport que nous avons commis avec mes collègues Victorin Lurel et Micheline Jacques que je salue, l’objectif de 10 000 logements, crées ou réhabilités chaque année, n’est pas atteint. Pourtant 80 % des habitants des outre-mer sont éligibles au logement social, mais seuls 15 % en bénéficient.

A ce titre, nous regrettons que les crédits de la Ligne budgétaire unique relative au logement social diminuent de 10,57 % : insuffisant pour résorber l’habitat insalubre. Plutôt que de lutter contre les causes de la sous-consommation des crédits outre-mer, on réduit les lignes budgétaires… Cherchez l’erreur ! Si les collectivités ultra-marines ont leur part de responsabilité, le manque d’ingénierie de l’État et la faiblesse du pilotage du ministère sont aussi en cause comme le soulignait notre rapport. Nous demandions l’organisation d’Assises du logement outre-mer. Monsieur le Ministre, nous n’attendons que votre signal.

Rappelons aussi que la Cour des Comptes estimait en septembre 2020 que les coûts des matériaux étaient 20 à 30 % supérieurs outre-mer et encore ça n’a fait que s’aggraver depuis. Raison de plus, comme nous suggérions aussi, pour renforcer les filières locales, promouvoir les matériaux biosourcés locaux et une architecture bioclimatique s’appuyant sur les savoir traditionnels et l’habitat vernaculaire.

Voilà une impulsion à donner pour utiliser les nombreux crédits non consommés d’un plan de relance !

Ce programme budgétaire existe pour opérer un rattrapage de niveau de vie et pourtant il ne comprend toujours pas de Plan Marshall des infrastructures.

Dans tous les domaines – transports, réseau électrique, de communication – les infrastructures pêchent.

Mais le plus grave est la vétusté considérable du réseau d’eau et assainissement.

Comment imaginer, dans la septième puissance économique mondiale, des robinets à sec ou déversant une eau blanche saumâtre, une eau contaminée au chlordécone, des coupures d’eau hebdomadaires comme en Guadeloupe, des écoles fermées plus d’un mois par an faute d’eau ?

En cause, des canalisations vétustes et mal entretenues, qui entraînent une invraisemblable déperdition de 60 % à 80 % de l’eau captée ; 70 % des stations d’épuration sont mal entretenues, mal surveillées, et les réseaux d’assainissement privés ne sont pas aux normes.

Cette catastrophe sociale se double naturellement d’une catastrophe écologique : le débit des rivières diminue dangereusement, ce qui menace la continuité écologique et des pans entiers de la biodiversité. Les nappes phréatiques, souvent contaminées au chlordécone, risquent en outre la salinisation.

La pêche est interdite en Martinique dans de nombreux cours d’eau à cause du chlordécone, et les récifs coralliens souffrent grandement.

L’ARS donne l’alerte : à ce rythme, d’ici dix ans, il n’y aura plus de coins de baignade de grande qualité en Guadeloupe. Un désastre écologique, touristique, donc économique, est en germe.

Le cas des Antilles est symptomatique ; mais j’aurais pu les eaux contaminées au nickel en Nouvelle-Calédonie ou au mercure, en Guyane.

Votre prédécesseur a promis 170 millions d’euros pour le réseau guadeloupéen, là où il en faudrait 600 voire 700. Il ambitionnait  de régler le problème en cinq ans… Monsieur le Ministre, il faut accélérer !

Financement, ingénierie, main-d’œuvre, l’État doit suppléer les collectivités locales partout où c’est nécessaire. Il faut mettre en place une gestion publique de l’eau et cesser de confier ce commun précieux à la prédation de Veolia et consorts.

Un mot, pour finir, de la protection de la biodiversité ultra-marine, qui concentre plus de 90 % des espèces présentes sur le territoire national. Selon les estimations de l’OFB ce sont 500 000 à 1 million d’espèces qui sont menacées de disparition. Monsieur le Ministre, nous manquons grandement de visibilité dans le PLF sur les crédits destinés spécifiquement à la protection de la biodiversité ultra-marine. Ceci est d’autant plus problématique que la France vient d’annoncer un renforce de ses aires marines protégées. D’une manière générale, ne serait-il pas préférable que la protection de la biodiversité ultra-marine fasse l’objet d’un programme spécifique de la mission budgétaire « outre-mer » ?

Pour toute ces raisons, non sans réserve le groupe écologiste votera en faveur des crédits de la mission.

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En tant que vice-président de la commission des Affaires étrangères et des forces armées, je suis également intervenu sur les crédits budgétaires du ministère de la Défense que nous avons adopté tout en nous interrogeant sur la future loi de programmation militaire qui doit être votée l’an prochain :

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

Dans le contexte géopolitique instable de la guerre en Ukraine, nous examinons les crédits de la mission Défense, dans ce qui semble être le dernier exercice budgétaire de la LPM 2019, puisque la programmation suivante devrait être anticipée d’une année pour adapter l’effort aux troubles du monde et à l’effort fourni par notre appareil militaire en soutien aux forces ukrainiennes.

L’actuel LPM poursuit son cours et tient ses engagements financiers avec une augmentation de 3 milliards des crédits de paiement portant le budget de la Défense à 44 milliards d’euros en 2023. Pour éviter que cette augmentation de crédits ne soit massivement absorbée par l’inflation, le Gouvernement à fait le choix d’un report de charge sur le prochain exercice qui semble judicieux en espérant que l’inflation soit jugulée, car ces reports représenteront 15 % des crédits de la mission (hors dépenses de personnel) l’an prochain.

Notre soutien à la résistance Ukrainienne honore la France. Il impacte logiquement les crédits de la mission, qu’il s’agisse de la projection de nos soldats sur le flan oriental de l’OTAN ou de la reconstitution de nos stocks d’équipement, notamment de canons césars. Les écologistes appellent de leur vœu à la poursuite de ce soutien, qu’il s’agisse de la fourniture des systèmes anti-missile promis par le président de la République ou, à l’instar de nos voisins allemands, de la fourniture de chars d’assaut au pays d’Europe de l’Est pour que ceux-ci puissent céder leurs chars soviétiques à l’Ukraine.

Ce soutien à la République ukrainienne, à son combat pour la démocratie et la liberté, justifie à lui seul tout l’effort financier considérable réalisé par la France depuis près d’une décennie et deux lois de programmation militaire. 

Cela étant dit, alors que le président de la République a présenté il y’a quelques semaines la revue nationale stratégique, je ne suis pas convaincu que la prochaine loi de programmation militaire doive se fixer comme objectif absolu de relever le défi de la haute intensité, avec les coûts que cela implique. La guerre en Ukraine a illustré la force de la solidarité européenne et atlantique et, à moins d’envisager une improbable guerre avec nos voisins directs, c’est dans ce cadre européen et atlantique, que la France doit déterminer son ambition militaire et envisager l’effort financier afférent. 

Les sujets ne manqueront, pas. Au-delà de l’effort d’équipement considérable réalisé et à réaliser, je pense à l’attractivité de nos armées, au statut de nos militaires, à leur rémunération, à leurs conditions de vie et au défi important que représente la fidélisation de nos soldates et nos soldats. D’autant que notre armée est de plus en plus sollicitée, qu’il s’agisse du contexte géopolitique incertain, ou de tâches plus « domestiques » pour épauler la sécurité civile face à la multiplication des catastrophes naturelles sur notre sol.

Monsieur le Ministre, votre prédécesseure évoquait sans totalement convaincre des budgets à « hauteur d’hommes ». Force est de constater, que cela n’a pas toujours été le cas ces cinq dernières années. Je salue néanmoins le nouveau Plan ambition logement, qui trouve une concrétisation dans les crédits de ce PLF et qui représente un saut qualitatif important qu’il faudra poursuivre. La qualité de vie de nos soldates et soldats doit impérativement profiter des efforts financiers considérables auxquelles la Nation consent pour nos armées. Gageons, que nos concitoyennes et nos concitoyens ne l’envisagent pas autrement.

Ce confort passera notamment par la rénovation énergétique des logements militaires qui doit impérativement être accélérée. L’objectif d’éradication des chaudières fioul en 2031 est trop lointain et trop restrictif, c’est vers une rénovation globale des bâtiments militaires que nous devons aller. C’est un enjeu écologique comme un enjeu financier puisque la Défense est le premier poste énergétique de l’Etat en puissance consommée, comme en argent public dépensé.

On ne va pas faire porter l’effort sur nos soldats en OPEX, en revanche la sobriété du bâti comme de la logistique en période de paix, doit être au cœur des axes de la prochaine loi de programmation. Cela implique également de concevoir des équipements, notamment des véhicules de combat, plus économe en énergie, ce qui aurait le mérite de combiner la sobriété avec une meilleure autonomie en opération. 

Un mot pour conclure sur la dissuasion nucléaire, qui cette année encore représente un investissement lourd. Alors que la menace d’un conflit nucléaire pèse sur le monde, la France doit d’interroger sur la nécessité d’étoffer encore ses capacités propres. Il nous semble au contraire, qu’à l’issue du conflit ukrainien, c’est vers la réduction des arsenaux qu’il faudra collectivement nous tourner. A ce titre, nous reformulons notre demande d’adhésion de la France, en qualité de membre observateur, au Traité d’interdiction des armes nucléaires.

Voilà Monsieur le Ministre, contrairement aux crédits de la Diplomatie, qui font pâle figure à côté des vôtres et ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux géostratégiques de notre temps, les écologistes voteront les crédits du ministère de la Défense en attendant, avec exigence, le futur cadre pluriannuel.

Je vous remercie

Et je suis également intervenu sur les crédits de la mission Aide Publique au développement qui connaissent également une forte hausse, sans atteindre cependant les promesses de la France prises dans le cadre de la loi de 2021 :

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes chers collègues,

Nous concluons ce marathon budgétaire sur une note positive. La mission Aide publique au développement enregistre une des plus fortes hausses de ce budget avec près de 17% crédits supplémentaires.

Certes, l’effort ne permet pas d’atteindre l’objectif de consacrer 0,61 % du RNB à l’aide au développement tel que le prévoyait la trajectoire de la loi de programmation de 2021. Certes, l’objectif d’atteindre ENFIN le 0,7 % du RNB en 2025 semble largement compromis.  Néanmoins, je ne suis pas d’avis, comme nos rapporteurs de la commission des Finances, de réviser dès-à-présent cette trajectoire. Même si la marche est haute, la France doit tout faire pour tenir cet objectif – qui rappelons-le, est une promesse non tenue depuis plus d’un demi-siècle – ou, tout du moins, s’en approcher au plus près.

Considérant le contexte géopolitique et économique qui succède à la pandémie, nous ne nous tenons pas rigueur au Gouvernement de ne pas avoir pas respecté cette trajectoire. En effet, l’augmentation brute de 1,4 milliards d’euros en Autorisation d’engagement et de 819 millions d’euros en crédit de paiement constitue un signal positif.

Dans le détail le programme 110 augmente de 390 millions, l’Etat ayant fait le choix de bonifier les prêts de l’AFD pour faire face à la remontée des taux d’intérêts. C’était nécessaire mais cela interroge encore et toujours sur le recours trop important aux prêts de notre APD plutôt que de favoriser les dons.

Le programme 209 relatif à la solidarité avec les pays en développement augmente de 433 millions, dont 270 pour la création d’un fonds d’urgence pour faire face aux crises, qui semble particulièrement opportun dans le climat actuel. Contrairement à nos rapporteurs, si d’aventure ces crédits n’étaient pas consommés, je ne vois pas de difficulté à ce qu’il constitue une réserve budgétaire pour d’autres actions du programme. Et je m’oppose d’ailleurs avec force, à leurs amendements visant à réduire de 200 millions les crédits du programme 209. Nous sommes déjà en retard par rapport à la trajectoire budgétaire que nous avons adoptée à la quasi-unanimité de cette assemblée, il serait totalement incohérent de réduire l’enveloppe aujourd’hui.

Je salue en revanche, la priorité mise dans les actions de la mission vers les besoins prioritaires que sont l’éducation et la santé, avec des augmentations de crédits de 122 et 336,4 millions pour respecter les engagements de la France pour le Partenariat mondial pour l’Education et pour reconstituer le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMTP). Seule 18 % de notre APD est aujourd’hui tournée vers les services sociaux de base, cet effort doit être massivement amplifié.

Le présent projet prévoit près d’un milliard d’euros pour le Fonds Vert pour le Climat afin de permettre à la France de tenir, à la dernière minute, la promesse formulée par Emmanuel Macron en 2019 au G7 de Biarritz d’abonder ce fonds de 1,5 milliards d’euros sur la période 2019-2023. C’est un pas en avant et il faudra poursuivre sur cet élan. COP après COP, les discussions achoppent sur la solidarité des pays industrialisés avec les pays en développement. Nous nous apprêtons enfin, en 2023, à tenir la promesse de 100 milliards par an, faite à Copenhague en 2009. Alors que la COP 27 a accouché dans la douleur d’un petit dernier, un judicieux fonds « pertes et préjudices » à destination les pays vulnérables, mais qui demeure intégralement et rapidement à construire, nous espérons que la France sera moteur, dès le prochain PLF, pour lui donner une consistance sonnante et trébuchante.

Madame la Ministre, le groupe écologiste votera les crédits de la mission,

  • tout en appelant le Quai à la plus grande vigilance sur les projets financés par l’AFD et PROPARCO, pour éviter, comme nous avons failli le faire à Kahuzi-Biega en RDC, de nous rendre complices d’atrocités,
  • et en continuant à plaider pour que notre aide publique prenne davantage la forme de dons, priorise les pays cibles, les services sociaux de base, la lutte contre le réchauffement climatique et respecte les populations locales, notamment les peuples autochtones.

Je vous remercie