Le 30 mai prochain, le groupe écologiste du Sénat, que j’ai l’honneur de présider, organise sa niche parlementaire. Cette procédure prévue par la Constitution permet à notre groupe d’opposition de déterminer l’agenda législatif de la chambre haute deux fois par an. Bien que le temps dont nous disposons soit limité, cela nous permet de soumettre au débat des propositions que nous estimons urgentes à mettre en œuvre pour notre pays. A la fin du mois, nous étudierons donc deux textes déjà votés par l’Assemblée nationale, que je souhaite vous présenter.

Le premier vise à remédier à un grave problème de santé publique et d’atteinte à l’environnement : celui des polluants éternels. Depuis plusieurs années, les études documentant l’accumulation de substances perfluoroalkylées ou polyfluoralkylées (PFAS) dans les eaux, les sols et l’alimentation humaine se multiplient. Si ces molécules possèdent certes des propriétés chimiques intéressantes (imperméabilité, effet antitache et anti adhésif), elles posent de graves problèmes de santé : lésions hépatiques, maladies thyroïdiennes, obésité, infertilité ou encore cancers. Les régions industrielles, comme le sud du bassin grenoblois (Champagnier, Pont-de-Claix…) et la plateforme chimique de Chasse-sur-Rhône, sont particulièrement touchées par cette pollution.

Face à cette prolifération des polluants éternels, nos collègues écologistes de l’Assemblée nationale ont déposé une proposition de loi ambitieuse, qui a été adoptée à l’unanimité le 4 avril dernier. Ce texte prévoit d’interdire la production de produits contenant des PFAS d’ici 2026 pour de nombreux produits (cosmétiques, vêtements…) et d’ici 2030 pour les autres. Quelques dérogations sont toutefois prévues dans les domaines de la santé et de la transition énergétique, ainsi que pour les ustensiles de cuisine, suite à un amendement adopté par les députés. 

Loin d’être une menace pour nos entreprises, cette interdiction permettra d’accélérer l’évolution de leur processus de production et de mieux faire face à la concurrence étrangère. Ainsi, la Chine a par exemple interdit la production de produits contenant des PFAS dès 2023.

Par ailleurs, cette proposition de loi prévoit aussi de rendre obligatoire la détection des PFAS dans l’eau potable d’ici 2025, en cohérence avec l’obligation européenne pour 2026. Enfin, elle crée également une taxe sur les industries productrices de PFAS qui permettra de financer la dépollution des nappes phréatiques et sols contaminés, selon le principe du “pollueur-payeur”. Étant donné les coûts que représente cette dépollution et les dispositifs de contrôle de l’eau, cette mesure est particulièrement attendue par les collectivités concernées.

Le second texte que nous présenterons répond lui aussi à une problématique urgente : celle des retraits-gonflements des sols argileux. Avec la multiplication des épisodes de sécheresse et de fortes pluies, ces sols sont moins stables et les bâtiments se fissurent. Le problème est massif : selon le CEREMA, la moitié des sols français et 10 millions de maisons individuelles sont concernés. Sur la période 1995-2013, ces retraits et gonflements d’argiles sont devenus la deuxième cause d’indemnisation. Dans le département de l’Isère, 72% des sols sont potentiellement concernés, d’après une étude des services de l’Etat de 2010. L’an dernier, 22 communes ont ainsi été reconnues comme étant victimes de la sécheresse de 2022 et leurs habitants ont pu demander des aides.

Pourtant, moins d’une victime sur deux est indemnisée au titre de la garantie de catastrophe naturelle, qui est trop restrictive. Pour les ménages concernés, c’est la double peine : alors que leur habitation se fissure, ils doivent se lancer dans une bataille de plusieurs années avec les assureurs, souvent en vain. Alors que ce phénomène va continuer de s’accroître avec le changement climatique, il était donc urgent de réagir.

A travers différents mécanismes techniques, dont une présomption de causalité venant inverser la charge de la preuve, la proposition de loi que nous présenterons, déjà adoptée par l’Assemblée nationale, répond à l’attente de très nombreuses victimes de pouvoir bénéficier d’une indemnisation. Si le gouvernement préfère évoquer une réforme plus globale du régime de catastrophe naturelle, il s’agirait là d’une première étape majeure en ce sens. Surtout, face à la détresse des victimes et à la complexité pour les maires de faire reconnaître l’état de catastrophe naturelle sur leur commune, nous ne pouvons attendre davantage.

Ainsi, nous espérons que le Sénat votera ces deux propositions de loi d’intérêt général. Au-delà des clivages politiques, ces mesures sont en effet attendues par nombre de nos concitoyens et de collectivités.

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