Depuis le 10 janvier 2023, date à laquelle le Gouvernement a annoncé sa réforme des retraites, la lutte contre cette réforme se fait partout, dans la rue, comme à l’Assemblée Nationale, et depuis le 2 mars, au Sénat. Alors que le peuple Français a montré son rejet de la réforme, en manifestant par millions dans toutes les villes de France, le Gouvernement a choisi de faire passer son projet de loi en force, en usant de toutes les manœuvres possibles pour corseter le débat. Le Gouvernement a tout d’abord choisi de raccourcir les débats et de limiter la capacité des parlementaires à enrichir le texte en utilisant un véhicule budgétaire de la sécurité sociale via le désormais célèbre article 47 – 1 de la Constitution, limitant la durée des débats à 50 jours. Cette réforme centrale, qui touche chacune et chacun d’entre nous,  méritait d’être débattue dans de bonnes conditions.

Après son examen raté à l’Assemblée nationale, puisqu’il n’a pas été voté, le texte de loi a commencé à être examiné par le Sénat le 2 mars. Là encore, nous l’expliquerons plus en détail par la suite, le Gouvernement, allié à la droite sénatoriale a décidé par tous les moyens règlementaires et constitutionnels possibles de contraindre et de corseter le débat parlementaire, notamment en faisant tomber plusieurs de nos amendements, et en dégainant l’article 44.3, le vote bloqué, nous empêchant de nous exprimer. Le samedi 11 mars, le Sénat a adopté le projet de loi par 195 voix pour et 112 voix contre.

Motion référendaire

Dès le début de l’examen du texte, accompagné de mes collègues Patrick Kanner (SER) et Eliane Assassi (CRCE), j’ai demandé au Gouvernement de soumettre sa réforme à référendum. Tenant compte des modalités d’examen choisies par le Gouvernement, l’article 47.1, ainsi que de la mobilisation historique des Français contre cette réforme, nous pensons que la consultation du peuple français par le biais d’un référendum permettrait d’associer les citoyens à un choix de société qui les concerne tous. Je ne crois pas que référendum soit une solution en toute circonstance, mais quand un texte dispose d’une majorité au Parlement alors qu’il est rejeté avec une force historique par les trois quarts des Françaises et des Français, c’est la légitimité même du Parlement qui interroge. J’ai donc défendu cette motion référendaire au nom du groupe écologiste. Elle n’a malheureusement pas été adoptée par le Sénat.

Le Gouvernement doit assumer ses choix

Au cours de l’examen de l’article liminaire du projet de loi, j’ai souhaité rappeler au Gouvernement que ceux qui ont creusé le déficit des caisses de retraite c’est eux ! Alors qu’ils répètent partout que ce déficit est dû à un déséquilibre démographique, la vérité est un plus complexe. Le déficit des caisses de retraites est la cause d’une situation démographique certes, mais cette « bosse démographique » qui résulte de l’arrivée à la retraite de toutes les générations du baby-boom est temporaire et se résorbera après 2030. Le Gouvernement Jospin avait anticipé la chose en instaurant le Fond de réserve pour les retraites qui devait permettre de financer les surcoûts de la période 2020 – 2030 mais dont les recettes ont été sabordées par la réforme Fillon de 2010. La situation de nos caisses sociales et de nos caisses de retraites a ensuite été aggravés par les centaines de milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux entreprises effectués depuis 2013 et massivement depuis 2017. Ce sont leurs choix budgétaires qui nous ont mené dans cette situation.

Les régimes spéciaux

En difficulté sur cette réforme, le Gouvernement cherche par tous les moyens à détruire le front uni des Françaises et des Français qui se dresse contre cette réforme injuste. Pour cela, comme à chaque réforme des retraites, le Gouvernement remet sur la table le sujet des régimes spéciaux. Lors de mon intervention sur le sujet, j’ai rappelé que ces régimes spéciaux étaient très importants, puisqu’ils prennent en compte la pénibilité de certains métiers. La stigmatisation de ces régimes spéciaux est injuste, car ce que le Gouvernement ne dit pas, c’est que ce sont pas tous les salariés de ces professions qui sont concernés, mais seulement ceux qui travaillent dans des conditions difficiles. Ces régimes protègent les salariés, nous devons nous battre pour les sauvegarder et les étendre a bien d’autres métiers via une prise en compte accrue de la pénibilité. 

L’index senior

L’article 2 concerne la création d’un index senior. Cet indicateur a pour seul but d’obliger les entreprises à publier chaque année des indicateurs de suivi relatifs à l’emploi des seniors. Ce n’est qu’une mesure incitative inutile, qui n’améliorera en rien l’emploi des seniors. De plus, l’examen de cet article est une illustration claire du mépris de la démocratie dont fait preuve le Gouvernement. L’index senior a été rejeté par l’Assemblée Nationale mais le Gouvernement renvoie cet article au Sénat, pour le faire adopter coûte que coûte. Puisqu’ils ne peuvent plus cacher l’effet négatif que va avoir leur réforme sur le taux d’emploi des seniors, le Gouvernement use de toutes les manœuvres pour cacher les conséquences néfastes de leur réforme. Selon l’UNEDIC, la réforme des retraites de 2010 avaient conduit plus de 100 000 personnes vers le chômage. Le manque d’emploi des seniors est un problème sérieux qu’il faut traiter en mettant en place des mesures ambitieuses et à la hauteur, après une concertation avec les partenaires sociaux.

Les carrières hachées

Au cours de l’examen de cet article 2, j’ai souhaité défendre un amendement qui vise à alerter sur le problème de carrières hachées, qui touchent surtout les femmes, qui ont des carrières plus courtes ou des salaires plus faibles que ceux des hommes. Le but est de mettre en place des « indicateurs de continuité de carrières », et de pénaliser les entreprises qui ne respecteraient pas les obligations mises en place. Ces indicateurs rempliraient un triple objectif : 

– renforcer la prise conscience des entreprises sur le fléau que représentent les carrières hachées subies et les inciter à faire des efforts,

– assurer la transparence des pratiques de chaque entreprise auprès des partenaires sociaux, des administrations d’État et du public,

– octroyer aux pouvoirs publics des données précieuses lui permettant d’agir en conséquence.

Le Gouvernement, bien conscient de ce problème, préfère faire travailler les Françaises et les Français deux ans de plus plutôt que de s’attaquer sérieusement et efficacement au problème des carrières hachées.

De nombreuses pistes de financements alternatifs

Durant des heures et des heures de débat, nous avons proposé de nombreuses pistes de financement au projet injuste du Gouvernement.

Premièrement, j’ai défendu un amendement des groupes parlementaires NUPES, qui vise à mettre en place une cotisation exceptionnelle sur les super-profits des entreprises réalisant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pendant que les Français subissent une inflation historique, certaines entreprises continuent à enregistrer des profits records. Si cette cotisation avait été mise en place en 2022, elle aurait rapporté entre 5 et 10 milliards d’euros. Il est inadmissible de demander un effort aux Français et de ne rien demander aux multinationales qui paient déjà peu (voire pas) d’impôts.

Dans le même esprit, j’ai ensuite défendu un amendement qui avait pour but de mettre en place une cotisation exceptionnelle, cette fois sur les dividendes. Là encore, les chiffres montrent qu’il est absolument injuste de forcer les Français à travailler deux ans de plus : en effet, entre 2020 et 2022, les dividendes des actionnaires ont doublé et ont atteint un record de 56.5 milliards d’euros. Une contribution avec un taux de 5% aurait rapporté en 2022 au moins 3 milliards d’euros.

J’ai ensuite proposé une troisième option, via un amendement qui vise à mettre en place une taxe additionnelle de 10 % des bénéfices des entreprises qui proposent des fonds de pension à leurs salariés plutôt que des augmentations de salaire. Les fonds de pension sont des outils massifs de défiscalisation et de capitalisation qui font baisser les recettes de l’Etat et menacent notre système par répartition. Ils sont également des facteurs de délocalisation, d’accroissement du chômage et d’investissements polluants. En 2022, les encours des fonds de pension ont atteint près de 300 milliards d’euros. Cet amendement permettrait d’inciter les entreprises à privilégier les augmentations de salaires qui ne seront pas à la charge du contribuable et qui au contraire permettront un accroissement des cotisations sociales favorisant ainsi la pérennité du système par répartition.

Une autre option, qui a notamment été proposée par le député écologiste Benjamin Lucas, est de mettre en place une contribution de la richesse produite par les caisses automatiques. Le remplacement des personnels en caisse par des caisses automatiques permet aux magasins de faire des économies importantes, cependant cela détruit des emplois. Le recours aux caisses automatiques augmente d’année en année, c’est pourquoi il est temps de commencer à penser à l’élargissement de l’assiette du financement de la protection sociale. Faire contribuer les robots au financement de notre régime de retraite est une option tout à fait crédible qu’il convient d’étudier. J’ai donc défendu un amendement qui va dans ce sens.

D’autres options existent également : nous avons par ailleurs proposé de conditionner les exonérations de cotisations patronales au respect d’objectifs sociaux et environnementaux : pas de délocalisation, l’égalité salariale ou encore une stratégie bas carbone. 

Les entreprises qui ne respectent pas la parité et l’égalité salariale ne doivent plus bénéficier d’exonérations de cotisations sociales !  

L’article 7 le 7 mars

C’est le 7 mars qu’a commencé l’examen de l’article 7 de la réforme, l’article le plus impactant pour la vie des Françaises et des Français, puisque c’est celui qui reporte l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Mais le 7 mars a également été un jour de mobilisation historique. C’est environ 3.5 millions de Françaises et de Français qui ont défilé dans toute la France pour dire leur rejet de cette réforme des retraites. 55 000 personnes à Grenoble, 8 000 à Bourgoin-Jallieu, les chiffres sont historiques.

Dès le début de l’examen de cet article, j’ai tenu à rappeler au Gouvernement la position ferme du groupe Ecologiste contre cette réforme. Il est temps d’arrêter les mensonges, contrairement à ce que le Gouvernement répète, il existe plusieurs alternatives à leur projet, comme nous l’avons montré. Il est inadmissible de faire peser les efforts sur les épaules des travailleurs.

Mais dans la nuit du 7 au 8 mars, alors même que les débats se passaient normalement depuis le 2 mars, la droite sénatoriale, alliée du Gouvernement, décide de déposer un amendement de réécriture de l’article 7. Cet amendement de réécriture a pour effet de faire tomber la quasi-totalité des amendements que nous avions déposés sur l’article 7., de nous empêcher de parler de la vie des gens, de la réalité de chaque métier.  Alors que nous tentions de sous-amender cet amendement de réécriture, tous nos sous-amendements ont été déclarés irrecevables, et ce pour des raisons parfois floues. Ce coup de force réglementaire de la majorité sénatoriale fera l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel.  Nous nous sommes donc retrouvés dans l’impossibilité  de débattre correctement de l’article 7. Voilà le message de la droite et du  Gouvernement : après une journée de mobilisation historique où le peuple français a montré partout en France son rejet de la réforme, ils empêchent le Sénat de débattre de cet article si important.

A ce sujet, j’ai également interpellé la Première ministre sur ce mépris du Parlement et lui ai demandé de retirer cette réforme brutale et injuste, surtout pour les femmes.

L’impact de la réforme sur la démocratie locale et les associations

Lors de mes diverses interventions j’ai tenu à rappeler l’impact négatif de ce projet de loi sur le tissu associatif de notre pays. Le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans est en effet un sujet qui inquiète le monde associatif français. Notre pays compte un million et demi d’associations, pour lesquelles œuvrent plus de seize millions de bénévoles. Alors que près d’un bénévole sur trois est à la retraite, la réforme pourrait encore bouleverser l’écosystème des associations. En effet, une poursuite du travail de quelques années entre en contradiction avec un engagement associatif assidu. Les bénévoles arriveront à la retraite plus tard, donc en moins bonne santé. Ils retarderont donc leur implication dans une association, voire ne l’envisageront pas. Les associations et bénévoles sont indispensables à notre pays, par leur investissement pour le lien social comme leur action là où l’Etat est défaillant.

Cette réforme des retraites a également un risque d’impact négatif sur la démocratie locale des petites communes de notre pays que je n’ai pas pu exprimer dans le débat – un comble au Sénat, chambre des territoires ! – à cause du court-circuitage du débat sur l’article 7. Car si les retraités sont vitaux pour notre réseau associatif, ils alimentent également la vie politique locale. En 2020, l’Association des maires de France expliquait que les maires étaient de plus en plus âgés. Effectivement, l’âge moyen des nouveaux maires lors des dernières élections municipales était de 58,9 ans et on a pu voir que plus de la moitié des maires (55,3%) avaient plus de 60 ans après le dernier scrutin local.

S’agissant des élus locaux, le tiers des élu.es de 2020 ont aujourd’hui plus de 62 ans et ils et elles sont près de 25 % à avoir entre 62 et 72 ans. C’est dire la part fondamentale que joue les jeunes retraités dans notre vie municipale ! Ils et elles sont près de 27 000, soit plus de 5 % à avoir entre 62 et 64 ans, et donc directement concerné.es par cette réforme. Les petites communes ont déjà de plus en plus de difficulté à trouver des maires, on peut donc craindre que cette réforme accroisse encore les difficultés.

Un de mes amendements adopté

Même si nous rejetons complètement cette réforme injuste, le groupe écologiste et moi-même avons tenté tout au long de l’examen de ce projet de loi de le rendre moins pénible pour les Français, souvent sans succès. Cependant, j’ai tout de même réussi à faire adopter un des amendements que j’ai déposés, qui vise à faciliter l’accès à la majoration de pension de 10% pour les fonctionnaires parents de trois enfants qui ont connu le décès d’un enfant. En effet, aujourd’hui, il est possible pour les fonctionnaires, magistrats et militaires d’obtenir une majoration de 10% de leur pension de retraite lorsqu’ils ont élevé au moins trois enfants. Il faut avoir élevé ses trois enfants pendant neuf ans avant qu’ils cessent d’être à charge, sauf si un des enfants est décédé par faits de guerre. Le but de cet amendement est que la mention du décès pour faits de guerre soit supprimée, pour que la perte d’un enfant, peu importe la cause et l’âge, ne prive pas les parents du bénéfice de la majoration de pension. La perte d’un enfant est une épreuve très difficile, qu’il ait été élevé neuf ans ou moins. Il n’est donc pas normal de priver les parents de la majoration de pension de retraite de 10%.

La dernière manœuvre du Gouvernement pour corseter le débat : le vote bloqué

Alors qu’avec les autres groupes de gauche,  nous débusquions une à une les fausses mesures d’accompagnement de la réforme promises par le Gouvernement et le rapporteur LR du texte, la droite sénatoriale a encore utilisé des manœuvres de procédures pour court-circuiter les débat sur l’article 8 relatifs aux carrières longues et sur l’article 9 qui contient de toutes petites mesures relatives à la pénibilité. Jamais depuis le début de mon mandat j’ai assisté à un débat court-circuité de la sorte. 

Le vendredi 10 mars, alors que nous avions encore jusqu’au dimanche minuit pour examiner le texte. Le Gouvernement, allié une fois encore à la droite sénatoriale, a décidé d’utiliser l’article 44.3 de la Constitution, c’est-à-dire le vote bloqué, pour nous empêcher de débattre de la fin du texte. Cet article a pour effet de réduire drastiquement le temps de parole des sénateurs et des sénatrices jusqu’au vote final du texte. Les amendements que nous avions déposés sur les articles restants pouvaient être défendus, mais pas débattus et ni votés. L’examen du texte s’est donc conclu par deux journée de simulacre de débat où nous présentions dans le vide des amendements qui n’étaient pas soumis au vote du Sénat. Terrible mépris du Parlement ! 

Du début à la fin de l’examen de ce texte, le Gouvernement et la droite sénatoriale auront usé de toutes les manœuvres possibles pour empêcher le Sénat de débattre de ce texte dans de bonnes conditions. Le Gouvernement doit cesser d’être méprisant à l’égard des institutions et du peuple français.

La suite

Le texte a finalement été voté par le Sénat samedi 11 mars, par 195 voix pour et 112 voix contre. Il n’est pas anodin de noter qu’une soixantaine de sénateurs sénatrices de droite et du centre n’ont pas voté en faveur de ce texte. Je les comprends, il n’est pas facile à assumer. Le projet de loi du Gouvernement est arrivé en Commission Mixte Paritaire (CMP) le mercredi 15 mars. La droite parlementaire ainsi que le Gouvernement ont une fois de plus trouvé un accord sur la réforme, encore plus mauvais que la version sortie du Sénat. Le texte issu de la CMP a sans surprise été voté par le Sénat le matin du jeudi 16 mars avec encore deux voix de droite de moins qu’en 1ere lecture. Cependant, alors que l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale devait se tenir dans l’après-midi, le Gouvernement a décidé de montrer à nouveau son mépris de la démocratie parlementaire. Elisabeth Borne a en effet utilisé l’article 49.3 de la Constitution. Emmanuel Macron ayant peur de ne pas réunir une majorité suffisante à l’Assemblée nationale, a préféré empêcher le vote.

Le combat continue

Malgré tout, le combat n’est pas fini. Des motions de censure vont être déposées par plusieurs groupes de députés, nous souhaitons que l’une d’entre elles soit adoptée. Les groupes de gauche déposeront la semaine prochaine un Référendum d’initiative partagée sur la réforme ainsi que plusieurs saisines du Conseil constitutionnel. De plus, le combat continue aux côtés de l’intersyndicale, jusqu’au bout, pour le retrait de cette réforme injuste et brutale.