Le 6 novembre dernier le Parlement examinait le projet de loi gouvernemental portant suppression de sur-transposition des normes européennes. Un projet de loi fourre-tout qui proposait de supprimer quelques dispositions législatives (adoptées suite à des directives de l’Union européenne) et qui iraient plus loin que ce qu’exigeait l’Europe.

En préambule, notons que la chose n’est pas problématique en soi… Tant qu’il respecte le droit européen, le législateur est bien libre de légiférer comme il le juge le plus utile et opportun

Comme d’habitude, le Gouvernement ne s’intéresse qu’aux dispositions qu’il considère comme pénalisantes pour les entreprises (plus une mesure hors-sujet pour étendre la période de chasse de certains oiseaux migrateurs). Par exemple, la transformation de la SNCF en société anonyme prévue par la récente réforme ferroviaire est un exemple manifeste de sur-transposition de la directive européenne obligeant à l’ouverture à la concurrence du rail. Le Gouvernement s’est naturellement bien gardé de supprimer cette sur transposition…

Ce projet de loi est donc au mieux inutile au pire dangereux. C’est le sens de mon propos en discussion générale que vous pourrez trouver ci-dessous. J’ai également déposé quelques amendements pour préserver les normes qui me semblaient importantes. J’ai notamment réussi à faire adopter un amendement pour éviter que certains conducteurs de trains puissent exercer sans licence.

Mon intervention générale :

Monsieur le Président,

Madame la Ministre

Mes chers collègues,

          La question de la sur-transposition des directives européennes est un sujet récurrent. Il s’agit presque toujours de dénoncer des distorsions de concurrence liées à des transpositions zélées de directives qui seraient défavorables à la compétitivité de nos entreprises.

L’objectif unique étant, et comme toujours avec ce gouvernement, de limiter les obligations pesant sur les entreprises, particulièrement avec ce texte dans les secteurs de l’économie, du développement durable, de l’agriculture et de la culture.

Ce projet de loi est également la traduction législative de la circulaire du premier ministre du 26 juillet 2017 qui prévoit, pour l’avenir, de ne retenir qu’une exigence minimale dans le cadre des transpositions, c’est-à-dire, organiser une harmonisation européenne toujours vers le bas et le moins disant social, économique et environnemental.

Comme corolaire de cette volonté minimaliste, un travail d’inspection a été lancé auprès de différents organisme pour dénicher les cas de sur-transpositions.

Il résulte du rapport remis par cette mission en avril 2018 que 137 directives ont fait l’objet de sur-transposition. Ce projet de loi ne traite donc que d’une partie de ce travail…

Nous en revenons ainsi toujours à la question des normes, de leur nombre et de leur complexité… Nous ne pouvons que contester cette approche. Il ne s’agit pas, à nos yeux, de sur transposition, c’est-à-dire d’une erreur d’analyse, mais de la liberté pleine et entière du législateur de définir des règles sur son territoire et le niveau d’exigence notamment en matière environnementale. L’étude d’impact nous conforte en ce sens, rappelant ainsi que « la sur-transposition ne constitue pas, la plupart du temps, une méconnaissance du droit de l’Union, les écarts maintenus en droit interne étant souvent permis par une directive ».

Le conseil d’Etat a d’ailleurs regretté la faiblesse de l’étude d’impact sur ce texte et regrette que cette dernière, n’indique pas, « les motifs notamment d’opportunité pour lesquels les dispositions dont la suppression est envisagée aujourd’hui au nom de la lutte contre les sur-transpositions avaient été en leur temps introduites en droit interne ». Abondant : « Toutes ces précisions seraient de nature à éclairer utilement le Parlement dans des domaines où, par-delà l’apparente technicité des dispositions supprimées des choix politiques précédents sont remis en cause. »

Autrement dit, même le Conseil d’Etat s’interroge sur l’opportunité de ce texte.

Constatons que les mesures de ce projet de loi sont plutôt cosmétiques voire anecdotiques et sans lien aucun les unes avec les autres. On est plus dans un toilettage qu’autre chose. Toilettage qui a cependant des conséquences pas toujours anodines. On se demande néanmoins : quelle était l’urgence ?

Nous partageons donc pleinement l’interrogation du Conseil d’Etat en y ajoutant des inquiétudes, notamment sur le volet environnemental.

Revenir en arrière sur des normes de protection de l’environnement est aberrant et à rebours de l’Histoire.

En matière environnementale, le concept de sur-transposition n’existe pas. L’article 193 du traité de fonctionnement de l’Union européenne stipule ainsi que « les mesures de protections arrêtées en vertu de l’article 192 ne font pas obstacle au maintien et à l’établissement, par chaque Etat Membre, de mesures de protections renforcées ».

Avant de revenir en arrière et de régresser sur les normes environnementales, le Gouvernement ferait mieux de s’employer à combler les manquements français relatifs à la transposition ou au respect des normes européennes. Je pense notamment aux règles relatives à la qualité de l’air, mais nous pourrions également parler de la directive cadre sur l’eau ou encore de la planification des déchets. Autant de secteurs où la France accuse un retard important sur les objectifs définis par l’Union.

Que dire encore de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, en dépit des engagements liés à l’accord de Paris ? Loin de nos engagements, loin de notre devoir d’exemplarité… Où est passé le champion de la terre ? L’urgence n’est pas à la simplification et à la course à la compétitivité  mais à l’élaboration d’outils et de politiques publiques pour mener la bataille contre le réchauffement climatique. Manifestement, ce n’est pas votre sujet. Nicolas Hulot l’avait bien compris…

Par ailleurs, certains cas manifestes de sur-transposition ne figurent pas dans ce texte comme mesures à supprimer. Je pense ici à la transformation de la SNCF en société anonyme, qu’aucun texte européen n’exigeait ou encore à la loi sur le secret des affaires.

Nous sur-transposons quand cela nous arrange…

Nous défendrons donc des amendements de suppression de certaines mesures qui nous paraissent inacceptables. En particulier, les incompréhensibles dérogations ouvertes concernant la chasse de certaines espèces d’oiseaux migrateurs.

Il s’agit encore de la fin du statut de déchet sans passer par des installations classées et du report de l’obligation d’un bon état des eaux.

Nous proposerons également la suppression de l’article sur les licences ferroviaires qui nous semble poser une vraie question de sécurité, malgré les explications de la rapporteure en commission.

Vous l’aurez compris, le prisme de ce projet de loi n’est donc pas celui de l’intérêt général mais uniquement celui des intérêts privés. Alors que le modèle néolibéral fait preuve chaque jour de son inefficacité et de sa dangerosité pour l’avenir de la planète, le Gouvernement, ancré dans l’ancien monde, poursuit bille-en-tête.

A l’Europe des peuples, vous continuez d’opposer l’Europe des capitaux et des marchés, l’Europe de la finance qui maltraite les femmes, les hommes et la planète.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi, inutile, inefficace voire dangereux. Considérant les urgences sociales et écologiques qui se rappelle chaque jour à nous, le temps du Parlement pourrait être mieux employé…

Je vous remercie.

* * *

Mes amendements :

1/ Pour ne pas délayer d’avantage la dépollution des masses d’eaux

2/ Pour ne pas étendre la période de chasse des oiseaux migrateurs

3/ Pour maintenir l’obligation de licence ferroviaire pour tous les conducteurs de train