Le 21 mai, j’ai pris la parole au nom du groupe écologiste sur l’accord de défense entre la France et Djibouti. Au vu de l’importance stratégique de Djibouti et du très fort recul de la présence militaire française en Afrique, conserver cette présence à Djibouti est indispensable. Néanmoins, l’épuisement du régime autocratique de Djibouti et les actes de répression politique particulièrement violents contre les opposants méritent une attention particulière. Si nous avons donc voté pour cet accord, j’ai plaidé pour une attention plus forte aux droits humains des Djiboutiens dans cet accord.
Vous trouverez mon intervention ci-dessous en vidéo et sous format texte :
Porte d’entrée de la mer Rouge et du golfe d’Aden, le détroit de Bab-el-Mandeb a une importance stratégique, puisqu’il permet de relier la Méditerranée à l’Océan indien. Un point de passage crucial pour l’Europe, dont 70% du trafic maritime passe par cette route. L’intérêt stratégique de Djibouti n’est donc plus à démontrer.
La France, ancienne puissance coloniale de Djibouti, le sait très bien. Depuis l’indépendance en 1977, notre pays y conserve une présence militaire, dont nous discutons aujourd’hui du renouvellement pour vingt ans. Ce traité renforce celui de 2014 sur plusieurs aspects, notamment la rétrocession de 40% de l’île du Héron à Djibouti et le loyer annuel de notre base passera à 85 millions d’euros.
Ce nouvel accord vient donc maintenir notre implantation dans la région, où les enjeux de sécurité sont nombreux. Les actes de piraterie des milices Shebab depuis la Somalie et les attaques des rebelles houthistes du Yémen y menacent la circulation maritime. Djibouti est donc indispensable pour sécuriser ces flux et la France prend toute sa part aux opérations européennes en la matière.
Notre base de Djibouti sert aussi à projeter des moyens militaires vers l’Afrique de l’Est, le Moyen-Orient et l’Océan indien, où les tensions sont nombreuses. Il s’agit d’un relais utile pour connecter l’Hexagone à la Réunion et à Mayotte, par exemple pour l’aide d’urgence lors des récents cyclones.
A l’heure d’une forte compétition entre les grandes puissances, notre maintien à Djibouti est d’autant plus vital que notre présence en Afrique recule fortement : nos bases au Mali, au Niger, au Tchad et au Burkina Faso sont fermées depuis les coups d’Etat militaires intervenus entre 2021 et 2023, celles en Côte d’Ivoire et au Sénégal sont en train d’être évacuées et notre présence au Gabon va se réduire.
En quelques années à peine, la France a donc perdu presque toute sa présence militaire en Afrique, à l’exception de Djibouti. Nous ne pouvons prendre le risque de voir cette implantation disparaître à son tour et voir d’autres puissances non démocratiques comme la Chine prendre notre place. C’est pourquoi le groupe écologiste votera en faveur de cet accord.
Néanmoins, cette débandade et la montée du sentiment anti-français dans toute l’Afrique doivent nous questionner. Malgré nos nombreuses alertes à cette tribune, les vieux réflexes de la Françafrique restent présents. Je vous avertis donc à nouveau : Si Djibouti est officiellement démocratique, son président est en poste depuis 1999 et son âge avancé pose la question de sa succession. La France doit plaider pour la démocratisation du régime en particulier le droit de l’opposition à concourir aux élections parlementaires
Cet épuisement d’un pouvoir autocratique, accusé de crimes de guerre et de torture pose question tant ce scénario rappelle celui qui a abouti au départ tumultueux de nos troupes au Sahel. La formation de soldats djiboutiens par la France doit être exemplaire et ne pas déboucher sur des massacres de civils. Il en va du respect des droits humains comme de notre intérêt stratégique. Notre présence s’effondre quand les dictateurs, avec qui nous la négocions, disparaissent. J’espère donc que ce vote permettra enfin d’envisager de nouvelles relations avec l’Afrique.
Crédits photo en une : NARA & DVIDS Public Domain Archiv