A l’initiative de notre groupe communiste, républicain, socialiste et écologiste, le Sénat examinait hier une proposition de loi relative à l’interdiction des lanceurs de balles de défense (LBD). Malgré la dangerosité de cette arme, malgré son utilisation par certaines unités des forces de l’ordre (BRI, BAC) non formées à son usage, malgré les inquiétudes du Défenseur des Droits, du Parlement européen et de l’ONU. Le Sénat a suivi l’avis du Gouvernement et s’est opposé par 248 voix contre 93 à notre proposition. Le ministre n’aura pas eu un mot de compassion à l’égard des victimes…

Pourtant, la dangerosité du lanceur de balles de défense (LBD) est une réalité que nombre de nos concitoyens ont constaté dans leur chaire. Chaque semaine, les LBD sont responsables de mutilations irréversibles qui ruinent la vie de citoyens qui n’ont fait que descendre dans la rue pour exprimer leur mécontentement.

Comment peut-on accepter dans une démocratie que des citoyens renoncent à revendiquer leur droit de s’exprimer, de manifester parce qu’ils ont peur ? Peur d’être gazés, peur d’être tabassés, peur d’être défigurés, voire mutilés…

Nous avons bien compris la stratégie de tension du gouvernement qui consiste à assimiler les manifestants à des casseurs, issus de groupuscules violents…

Mais peut-on imaginer que Doriana, 16 ans, en première au lycée des Eaux Claires de Grenoble, qui a eu le menton fracturé et deux dents cassées en décembre dernier, est une activiste violente ? Assurément non. Comment va-t-elle s’en sortir désormais traumatisée, défigurée alors qu’elle passe ses épreuves de bac cette année ?

Peut-on penser que Frédéric, 35ans, pères de deux jeunes enfants, ouvrier lamaneur du port de Bordeaux qui a perdu sa main était un dangereux anarchiste cherchant à renverser l’Etat ? Comment pourra-t-il continuer à amarrer des bateaux avec une seule main ? Nourrir ses enfants et rembourser son prêt immobilier ?

Est-ce que Patrice, 49 ans, routier, qui a perdu un œil et son travail par la même occasion le 8 décembre dernier à Paris à la suite d’un tir de LBD à la tête à 6 mètres de distance, représentait un danger pour notre démocratie ?

Il ne s’agit pas là de cas isolés, loin de là. Le bilan des LBD et des grenades de désencerclement depuis novembre dernier est désastreux. On dénombre ainsi :

plus de 13 000 tirs de LBD (selon le ministère de l’Intérieur) ;

500 blessés graves (dont 200 à la tête) ;

22 yeux perdus ;

5 mains arrachées ;

Merci au journaliste David Dufresne qui collecte les témoignages de blessés et nous apprend qu’il s’agit  de :

376 manifestants dont 37 mineurs :

55 journalistes ;

17 passants ;

14 secouristes bénévoles.

J’invite chacun à consulter son site Allô Place Beauvau pour prendre toute la mesure des dégâts que cause ces armes.

Il apparaît dès lors évident que l’utilisation de ces outils de répression n’est pas contrôlée et qu’elle est incompatible avec le maintien de l’ordre dans une République démocratique. Comme nous le rappelle le Défenseur des Droits qui recommande l’interdiction des LBD ; comme nous le rappelle le  Parlement européen qui condamne l’usage disproportionné de la force en France  ; comme nous le rappelle l’ONU qui réclame une enquête…

La République ne peut pas tolérer plus longtemps un maintien de l’ordre qui blesse aveuglément et mutile assidument. Rien ne peut justifier de telles violences alors qu’il est possible de sécuriser une manifestation sans mutiler et défigurer, comme en Belgique, en Allemagne ou en Suède où ces armes sont prohibées et l’escalade de la violence maintenue. Cela autant dans l’intérêt des manifestants que dans celui des forces de l’ordre, car cette proposition vise tout autant à protéger nos gardiens de la paix qui comptent parmi les premières victimes de cette délétère escalade de la violence.