Alors que le Sénat examine depuis 15 jours et jusqu’à mardi 10 décembre le projet de budget 2020, nous examinions le 27 novembre les crédits de la mission écologie, soit le budget du ministère de la Transition écologique et solidaire. Le Sénat a choisi de rejeter ce budget en jugeant que le Gouvernement maquillait la réalité en annonçant une hausse qui ne relevait que d’un exercice comptable tout en supprimant 2000 postes de fonctionnaires au ministère.

J’ai notamment dénoncé:

l’absence d’efforts supplémentaires pour le secteur ferroviaire, alors que nos lignes du quotidien sont en souffrance

le non respect des promesses budgétaires de Nicolas Hulot pour la biodiversité,

la baisse des crédits pour la Prévention des risques alors que l’année a été marqué pars les catastrophes naturelles et l’accident industriel de Lubrizol.

Retrouvez mon intervention en séance publique :

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les rapporteurs,

Madame la Ministre,

Vous vous félicitez, comme le ministre des comptes publiques de ce budget soi-disant vert, le désormais fameux « green budgeting » comme le désignez. Je passe sur la sonorité peu agréable de ce nouvel anglicisme et m’étonne que vous l’employiez sans vous inquiétez de sa proximité sémantique avec le « green washing ».

D’autant plus que cette proximité n’est pas que sémantique, le mécanisme est strictement le même : une opération de communication, un rapide coup de peinture verte qui ne trompe absolument personne.

Pour tout le budget du ministère, vous affichez 800 millions de hausse budgétaire, mais à périmètre constant on est plutôt sur 120 millions, on n’a connu priorité budgétaire plus spectaculaire. Au regard de la disette budgétaire que vous infligez au pays, la chose passerait presque pour une bonne nouvelle, si elle n’était pas accompagnée de la suppression de plus de 1000 postes en équivalent temps plein (pour un total de près de 5000 en trois ans) pour votre ministère. Quelle tartufferie ! Alors le ministre des comptes publiques nous explique que ce n’est pas grave car « l’écologie n’est pas un service public, mais une politique publique ».

On croit rêver. Madame la Ministre, Il faudrait convier le ministre des comptes publics lors de vos déplacements qu’il voit un peu la réalité du pays, l’enfermement à Bercy nuit grandement à la lucidité. Car, naturellement la France ne peut pas conduire la transition énergétique en supprimant des postes à l’ADEME, elle ne peut pas préserver sa biodiversité en supprimant des postes dans les parcs naturels ou à l’Office français de la biodiversité, elle ne pas se protéger des risques industriels en supprimant des postes à l’INERIS, elle ne va pas conduire la transition dans les territoires en infligeant une telle saignée au CEREMA !

Cette hémorragie rend tout le reste de votre budget caduc. Car, si le compte n’y est pas pour engager une transition écologique digne de ce nom – mais je ne vous cache pas qu’on avait peu d’espoir en la matière -,   il y’avait tout de même un peu de mieux par rapport à l’an dernier.

Globalement, les crédits de la mission augmentent de 1,1 milliards avec la transformation du CITE, le déploiement du chèque énergie et le début de la reprise de la dette de la SNCF, nous ne nous en plaindrons pas.

Nous nous félicitons même d’avoir inspiré le Gouvernement lors des débats budgétaires l’année dernière avec l’instauration de l’écotaxe sur les billets d’avions qui permet enfin à l’AFITF de respirer un peu avec une augmentation de 11,4 % de son budget.  Certes nous continuons à demander que l’intégralité de la TICPE finance la transition écologique et en premier chef les transports, certes nous souhaitons que le Gouvernement s’oriente vers le scénario 3 du rapport du Conseil d’orientation des Infrastructures qui nécessiterait 4,5 milliards d’euro par an à horizon 2023 mais nous saluons ce premier effort.

Je m’arrête là pour le satisfecit, car sur les transports moins émetteurs de CO2, le compte n’y est pas. Sur le fret ferroviaire tout d’abord, avec 154 millions d’investissements sur 4 ans et une baisse de 87 millions de la compensation par l’Etat des péages, encore une fois vos actes ne suivent pas du tout votre discours. C’est bien la peine de mettre des milliards pour le Lyon-Turin censé permettre le déploiement du fret… Tout cela ne respire pas la cohérence.

Sur les lignes du quotidien, toujours par de rapport Philizot, toujours pas d’effort budgétaire spécifique et toujours 1/3 du réseau existant menacé de disparition. Là non plus, on avait peu d’espoir, mais après la LOM cet exercice budgétaire confirme que le rail n’est nullement votre priorité. On aimerait que vous l’assumiez publiquement plutôt que de louvoyer en permanence.

Petit effort tout de même pour les trains de nuit qu’il faudra poursuivre et amplifier.

Pour le fluvial ce n’est pas mieux, Voie navigable de France perd 112 équivalents temps plein.

Et pour le reste, nos routes et nos ouvrages d’art ne se portent pas très bien. Au classement de la qualité des infrastructures routières, la France était 1ere en 2012, la voila 18e. La trajectoire de quelques 900 millions d’euros par an prévue par la LOM ne nous semble pas suffisante.

S’agissant de la biodiversité, les moyens restent très légers pour faire face à la 6e extinction de masse. Je n’ai pas le temps de vous dessiner le tableau noir que chacun a en tête, mais alors, que l’on apprenait hier que Grand tétras, présent dans les Vosges depuis la dernière glaciation était au bord de l’extinction, je me désole de ne toujours pas voir la couleur des 600 millions d’euros sur 4 ans promis par le prédécesseur de votre prédécesseur pour la défense de la biodiversité.

Si les crédits du programme 113 augmentent, c’est essentiellement pour compenser la baisse des recettes du permis de chasse, une autre grande mesure en faveur de la biodiversité… Au risque de me répéter, l’OFB n’a toujours pas les moyens de ses missions.

Les crédits du Réseau Natura 2000 baissent également de 11 % et les opérateurs du programme perdent collectivement 43 équivalents temps plein. Bref, la biodiversité n’est définitivement pas votre priorité.

Concernant le programme 159, le CEREMA perd encore 100 postes et c’est toute l’efficacité de la nouvelle Agence de cohésion des territoires qui interroge. Hormis le nouveau supercalculateur, les crédits de Météo France baissent encore. On imaginerait pourtant que vue l’ampleur du dérèglement climatique constaté rien que sur l’année écoulée, les moyens de l’opérateur météo pourraient être revus à la hausse.

Enfin, car je ne pourrais pas être exhaustif, la prévention des risques dont le budget baisse également. C’est vrai qu’après une année marquée par les orages de grêles, la sécheresse, la neige en novembre, un incendie sur un site Seveso et un tremblement de terre entre deux centrales nucléaires, nul besoin de prévoir plus pour la prévention des risques.

Madame la Ministre, l’INERIS était en 1ere ligne dans la gestion de crise à Lubrizol. Ses compétences sont précieuses, son directeur s’inquiète de les perdre et vous précariser avec 13 nouvelles suppressions de postes.

Entre les mesures de simplification et la baisse des moyens financiers, c’est toute l’évaluation environnementale qui est mise est mal ! J’ai déjà eu l’occasion de vous alerter à ce sujet, et pour en débattre, je vous invite au colloque que nous organisons sur le sujet vendredi ici même.

Je vous remercie,