Après dix mois de travail, le collège citoyen que j’ai lancé en 2021 vient de rendre ses propositions lors d’une soirée de clôture, le 18 mars à Grenoble. Au cours de ces dix mois, cette instance citoyenne, rassemblant à l’origine 47 iséroises et isérois, a longuement étudié les trois thèmes sur lesquels nous leur avons proposé de s’interroger : l’habitat du 21ème siècle, le revenu universel et les monnaies locales et la démocratie. Il s’agissait ce 18 mars de clore ce travail par un moment symbolique de présentation de la démarche et de ses résultats aux invités, parmi lesquels plusieurs élus locaux et membres d’associations iséroises.
Nous avons de nouveau expliqué la démarche du collège citoyen, à savoir de retisser des liens entre citoyens et parlementaires et de réfléchir ensemble à des thèmes majeurs pour l’avenir. La convention citoyenne pour le climat, qui nous a montré que les citoyens tirés au sort peuvent parfaitement se saisir d’enjeux complexes et formuler des propositions très concrètes, est évidemment une source d’inspiration importante. Bien que ne disposant pas des mêmes moyens et que les membres du collège n’aient pas été tirés au sort, les discussions ont toujours été très riches et des propositions très pertinentes ont émergé.
Ainsi, les membres de chaque groupe ont présenté tour à tour la façon dont ils se sont emparés des sujets proposés et les recommandations qu’ils ont formulé. Par exemple, le groupe sur l’habitat a rédigé un rapport d’une vingtaine de pages, comprenant des constats et des propositions, qui sera bientôt diffusé aux élus locaux et aux parlementaires. Ce document fourmille de propositions pour lutter à la fois contre le coût du logement trop élevé, réduire l’empreinte carbone de l’habitat, permettre à tous d’avoir un toit… La nécessité d’une application plus stricte de la loi SRU (sur la construction de logements sociaux), la mise en valeur d’initiatives prometteuses comme les baux réels solidaires et l’habitat léger et partagé ont notamment été mis en avant par le groupe.
Les citoyens qui se sont penchés sur l’état de notre démocratie ont eux aussi formulé de nombreuses demandes, qui ont été inscrites dans une proposition de loi que je déposerai prochainement. Les mesures proposées traitent de très nombreux aspects de la vie politique et démocratique : le renforcement de la parité, la lutte contre l’abstention, la possibilité pour les citoyens d’intervenir plus souvent dans la vie politique, en dehors des élections, la refonte des modes de scrutin ou encore une réforme des financements de la vie politique. Parmi les mesures, on peut citer entre autres l’instauration d’un scrutin mixte pour les intercommunalités (mi-direct, mi-indirect) afin de démocratiser ces institutions, le vote à 16 ans, des pré-conseils municipaux où les habitants inscrivent leurs sujets à l’agenda, l’expérimentation du jugement majoritaire aux municipales ou la simplification du référendum d’initiative partagée (RIP). Un observatoire de la participation citoyenne, visant à étudier des initiatives de démocratie participative en Isère, qu’elles viennent des collectivités ou des citoyens eux-mêmes, a également été lancé par le groupe.
Enfin, le troisième groupe s’est quant à lui intéressé à imaginer une autre société et une autre économie, davantage tournée vers l’égalité, la relocalisation de l’activité économique et l’épanouissement personnel. Le revenu universel, versé en partie en monnaie locale, en est la proposition phare. En versant à tous, sans conditions, un montant permettant une vie digne (autour de 1000 euros/personne/mois), la société serait en effet profondément transformée : la pauvreté serait éradiquée, les individus seraient moins dépendants de leur travail et pourraient se consacrer à d’autres activités (associatives, culturelles, familiales, de maraîchage…) et les emplois les moins bien payés seraient contraints de se réinventer. L’usage des monnaies locales permettrait en outre de transformer l’économie en promouvant les activités locales et vertueuses d’un point de vue social et écologique, tout en évitant que l’argent ne parte dans la sphère financière. Le groupe a donc proposé un plan d’expérimentation du revenu universel et un récit autour de celui-ci, afin de faire changer les mentalités sur ce revenu, souvent perçu, à tort, comme un facteur d’oisiveté. Plusieurs membres du groupe ont aussi expliqué leur travail pour le lancement du Tissou, la monnaie locale du Nord-Isère.
Enfin, cette réunion de restitution a permis de tirer un bilan de l’expérience et d’affirmer mes engagements pour faire vivre ces propositions. Ainsi, les rencontres entre participants, le sentiment de vivre la démocratie en action et l’apport intellectuel ont été cités comme les points les plus positifs du collège citoyen. A l’inverse, le format presque exclusif des réunions en visio, le manque de temps personnel pour s’impliquer (qui explique un certain nombre de départs du collège) et la sensation que ce collège citoyen ne va pas changer le monde à lui tout seul sont les points de déception majeurs.
Pour ma part, j’ai chaleureusement remercié l’ensemble des participants et intervenants pour ce travail de longue haleine et me suis engagé sur plusieurs points :
-Je déposerai la proposition de loi sur la démocratie et la reprendrai sous forme d’amendements lorsque des textes relatifs à la démocratie seront proposés au Sénat.
-Je ferai connaître le rapport sur l’habitat, proposerai à mon groupe une mission d’information sénatoriale sur le sujet du logement de demain et organiserait un déplacement autour de l’habitat léger avec des membres du groupe et des personnes qui vivent dans ce type d’habitation.
-Je poursuivrai le soutien aux monnaies locales, pour lesquelles j’ai déjà déposé une proposition de loi en 2019, et mettrai en lien ce groupe avec Mélanie Vogel, sénatrice écologiste qui a travaillé sur la mission d’information sur la Sécurité sociale écologique, dont les travaux rejoignent beaucoup de préoccupations du groupe.
En conclusion, cette expérience de démocratie réelle a été un remarquable travail de réflexion et de débats, qui entre maintenant dans une nouvelle phase, celle du combat commun, avec les membres du collège, pour faire connaître et mettre en place les propositions formulées.