Les mesures de durcissement du confinement annoncées par le Premier ministre aux français le 23 mars, ont été publiées au Journal Officiel du 24 mars 2020, sous le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

L’interdiction de la tenue des marchés

Le décret porte principalement sur les dispositions relatives aux déplacements et transports, aux rassemblements, réunions ou activités, aux établissements recevant du public, établissements d’accueil des enfants, d’enseignement scolaire et supérieur ainsi que la tenue des concours et examens, et enfin, au contrôle des prix.

Outre ces dispositions qui ont été précisées et durcies, ce décret porte un coup d’arrêt à l’un des principaux canaux de distribution des primeurs, créant un choc réel dans le rang des agriculteurs français. Avec la mise en sommeil de la restauration commerciale et collective, ce secteur est davantage confronté, comme les autres acteurs économiques, au bouleversement suscité par la crise sanitaire.

En son article 8, le décret énonce que « la tenue des marchés, couverts ou non et quel qu’en soit l’objet, est interdite ».

Bien que la priorité soit mise sur la protection sanitaire de l’ensemble des citoyens, cette décision de supprimer la tenue des marchés fait débat et pénalise le monde agricole déjà fragilisé. La continuité de l’activité économique ne doit en aucun cas empiéter et mettre à mal la santé et la sécurité des français, mais comment omettre que dans de nombreux villages, la tenue de ces marchés est d’une nécessité absolue, car seule alternative à l’approvisionnement en aliments frais de la population, et seule alternative à la vente de la production maraichère des agriculteurs de la région.

C’est aussi en cette période de crise que la précieuse valeur de la production et de l’agriculture locale, prend tout son sens. Les agriculteurs sont plus que jamais mobilisés pour nourrir les français en dépit d’une main d’oeuvre insuffisante pour faire face aux besoins grandissants. Il faut donc maintenir et pérenniser l’approvisionnement en nourriture sur le territoire national en l’adaptant à cette crise sanitaire.

Or, cette décision pourrait être risquée pour certains de nos territoires. Les zones rurales doivent donc inéluctablement être traitées de façon adaptée à leurs contraintes.

C’est pourquoi les préfets, sur avis des maires, peuvent déroger à cette règle lorsque le marché est le seul moyen pour les habitants d’un village ou d’un quartier d’accéder à des produits frais, et pour les agriculteurs de vendre leurs produits.

Plus précisément, l’article 8 du décret dispose que le représentant de l’Etat dans le département peut, « après avis du maire, accorder une autorisation d’ouverture des marchés alimentaires qui répondent à un besoin d’approvisionnement de la population si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place sont propres à garantir le respect des dispositions de l’article 1er et de l’article 7 », (portant sur la santé publique, et l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes).

C’est le sens de la question qui a été posée ce mercredi 25 mars par le sénateur RDSE du Morbihan Joël Labbé, avec lequel j’ai pu m’entretenir pour l’alerter sur la situation iséroise et grenobloise en particulier :

Cette crise est un enjeu économique, et certains de nos producteurs ne pourraient se remettre d’un effondrement des ventes. Ainsi, toutes les mesures que peuvent prendre les maires et préfets pour sauver les filières agricoles locales doivent être envisagées. Il en va de la survie de nos territoires ruraux.

Les mesures sanitaires et de restriction doivent être appliquées de manière uniforme dans les grandes surfaces et les marchés de plein vent, car une différence de traitement n’est pas fondée, mais pire, il pourrait être dangereux de voir les gens se ruer dans les supermarchés parce qu’il n’y a plus de marchés ouverts.

A ce titre, de nombreux salariés de la grande distribution dénoncent le non-respect des mesures sanitaires dans les supermarchés, et sont inquiets de leurs conditions de travail, qui n’ont dans de trop nombreux cas pas été suffisamment modifiées et adaptées en dépit des mesures sanitaires prises contre l’épidémie.

Il n’est donc pas plus dangereux de s’approvisionner sur les marchés, auprès de producteurs locaux, que dans les supermarchés, à condition de respecter de façon stricte et absolue les mesures « barrières » en vigueur.

En effet, plus d’un marché, en particulier dans les grandes villes, étaient jusqu’à présent trop fréquentés, et les restrictions sanitaires n’étaient pas appliquées de manière suffisante.

Les distances de sécurité, la limitation du rassemblement à 100 personnes, tels que prescrit par le décret étaient difficiles à contrôler et à respecter.

Dans ces secteurs urbains, où de nombreux canaux de distribution alimentaires existent, nous comprenons que les préfets et maires imposent des restrictions vis-à-vis du nombre de marchés, du nombre d’étales, et dans la fréquence de leur tenue, sans pour autant priver nos citoyens des aliments frais de première nécessité, ni nos maraichers de la vente de leur production.

A ce titre les mesures prises par la Ville de Grenoble sont intéressantes pour permettre le maintien d’un approvisionnement en produits frais tout en respectant les précautions sanitaires :  

J’aurai l’occasion de m’entretenir prochainement avec le Préfet de l’Isère pour relayer la demande de plusieurs maires de voir les marchés maintenus sur leurs communes dès lors que les conditions de sécurité sanitaires sont respectées.

A ce jour, le Préfet de l’Isère dans sa dernière communication le 26 mars a indiqué avoir examiné les demandes de dérogations, et a autorisé, par exception, l’ouverture de marchés de proximité permettant de faciliter l’approvisionnement en produits alimentaires, et de restreindre les déplacements de populations afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19.

Pour l’obtention de cette dérogation, des critères impératifs doivent être respectés :

présence maximale de 5 vendeurs alimentaires ;

présence maximale simultanée de 50 clients ;

espacement d’au moins 5 mètres entre les étals ;

mise en place d’un dispositif physique (barriérage) pour éviter que les clients n’aient un accès direct à la marchandise.