Le 7 mars 2024, j’ai interrogé le gouvernement sur les pratiques salariales du groupe La Poste, une entreprise publique et recevant de larges subventions de l’Etat. Celle-ci a désormais un système à deux vitesses, les nouveaux entrants n’ayant plus le droit au statut de facteur et étant employé sous des contrats très précaires. Il semble également que la Poste en profite pour licencier les grévistes et faire des profits en contournant la loi. En attendant le travail de la justice, j’ai appelé le gouvernement à faire toute la lumière sur ces pratiques et à arrêter ce système à deux vitesses.

Vous pouvez retrouver la question en vidéo et sous format texte ci-dessous :

Le 27 décembre, la Poste de Grenoble a licencié un facteur intérimaire par SMS, la veille pour le lendemain, sans motif précis, en plein milieu des fêtes. Contestable sur la forme, ce licenciement l’est surtout sur le fond, à savoir la participation de cet employé à une grève contre la réforme des retraites. Plusieurs autres facteurs précaires sont dans la même situation, qui s’apparente à un non-respect du droit de grève.

Ce licenciement en dit long sur l’évolution du métier de facteur, de plus en plus “uberisé”. Pour les nouvelles embauches, la Poste n’offre plus le statut de facteur, mais recourt à des intérimaires, des sous-traitants ou des CDI en contrats GEL. Ces “groupements d’employeur logistique”, imaginés pour les salariés d’Amazon, d’IKEA ou Carrefour, sont régis par la convention collective des transporteurs routiers, peu protectrice. Alors que les frais de transport ne sont pas pris en charge, les salariés ne peuvent refuser un emploi dans un rayon de 50 kilomètres.

A travail égal, les salariés en GEL sont moins bien payés, n’ont pas de primes, n’ont pas droit aux formations ou au maintien de salaire pour s’occuper ponctuellement de leurs enfants. Ce système à deux vitesses permet à la Poste de diviser ses salariés pour empêcher qu’ils se coordonnent. C’est justement pour cela qu’il est normalement interdit de recourir à ces contrats pour “un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise”. Une règle violée par la Poste.

Enfin, la loi est contournée d’une dernière manière : les contrats GEL sont gérés par des associations loi 1901, qui ne peuvent faire de bénéfices. Pourtant, l’association GEL Gebara reverse une part de son chiffre d’affaires à l’entreprise privée D2L, pour divers prestations. Cet “acteur majeur de la flexisécurité” engrange donc des bénéfices sur le dos des précaires !

Suite à ces pratiques visiblement illégales, le syndicat Sud-PTT prépare une plainte pour “prêt illicite de main-d’œuvre” et “marchandage” et a alerté l’inspection du travail. En attendant des suites judiciaires, comment accepter que la Poste, propriété de l’Etat et de la Caisse des Dépôts et qui reçoit 500 millions d’euros de subvention par an, ait de telles pratiques ? Madame la Ministre, comptez-vous faire en sorte que tous les facteurs soient embauchés avec un statut protecteur ?