Ce mercredi, le Sénat a adopté le dangereux projet de loi de fusion entre l’ASN et l’IRSN. Peu justifié par ses promoteurs, si ce n’est par la nécessité de “fluidifier” les processus d’autorisation, ce projet de loi transforme en profondeur les mécanismes de la sécurité et de la sûreté nucléaire en France, sans même une étude d’impact sérieuse.
Aussi, en responsabilité, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires au Sénat s’est fermement opposé à ce texte et a déposé une question préalable demandant son retrait de l’ordre du jour.
Dans un contexte de réacteurs vieillissants, de relance à marche forcée du nucléaire avec le développement d’EPR2 et de Petits réacteurs modulaires, auxquels s’ajoutent les questions de démantèlement des anciens réacteurs et de gestion des déchets, est-il bien raisonnable de s’engager dans le démantèlement d’une expertise autonome, portée jusqu’alors par l’IRSN ?
Ce projet de loi porte en filigrane toutes les difficultés de la relance du programme nucléaire, menée sans aucun débat approfondi dans la société. Il souligne ainsi la faible attractivité des métiers de la filière ou l’incapacité de l’ASN, dans son dimensionnement actuel, à répondre à l’ensemble des interrogations concernant la sûreté.
En urgence donc, le gouvernement cherche à redimensionner l’ASN face à l’augmentation de la charge de travail à laquelle il fait face et à préserver les acteurs de la filière nucléaire, d’EDF au CEA, d’une expertise technique par trop indépendante portée par l’IRSN. Symbole de cette précipitation, la distinction – et la nécessaire distance – entre les avis techniques de l’expertise (portés aujourd’hui par l’IRSN) et les décisions (du ressort de l’ASN) est renvoyée à un règlement intérieur sur lequel nul n’aura son mot à dire, et en premier lieu le Parlement.
Le nucléaire français a toujours craint les regards extérieurs, l’expertise autonome et tout débat contradictoire. C’est effectivement, comme le souligne l’exposé des motifs, le grand retour aux années Messmer, le grand bond en arrière, la nostalgie d’un temps où l’État et la technostructure s’arrogeaient le droit de décider seuls et sans contrôle.
Crédit photo : Centrale nucléaire de Cruas (Ardèche), photographe : Jametlene Reskp