C’est un débat vieux de 10 ans qui vient de prendre fin avec l’adoption définitive au Sénat, ce jeudi 3 avril 2025, de la fin du transfert obligatoire de la compétence « eau et assainissement » des communes vers les intercommunalités. Je précise également que la loi n’est pas rétroactive, et que tout retour en arrière pour les communes qui n’ont pas procédé à ce transfert ne sera pas possible. Si je salue cette décision, et ai bien sûr voté pour, ce débat illustre malheureusement un stop and go règlementaire regrettable qui a bloqué de nombreux investissements nécessaires pour nos réseaux d’eau et d’égouts.

Adopté en 2017, le caractère obligatoire du transfert de la compétence « eau et assainissement » des communes vers les intercommunalités a toujours fortement inquiété les maires. A l’époque, nouvellement élu sénateur de l’Isère, j’avais alerté le gouvernement sur les nombreuses implications de cette décision, en l’invitant à changer de méthode pour parvenir à une loi plus adaptée aux réalités des territoires, tenant notamment compte des communes isolées. Mais l’exécutif, alors dirigé par Edouard Philippe, avait préféré passer en force ce transfert lourd de conséquences, sans prendre le temps de la concertation, en fixant une échéance à 2026.

Depuis le Sénat, chambre des territoires, a plusieurs fois fait remonter ce sujet en alertant sur le fait que de nombreuses communes ne parviendraient pas à tenir ce délai. Finalement, une proposition de loi mettant fin à cette obligation, tout en rendant impossible le retour en arrière pour les communes ayant déjà effectué ce transfert, a été adoptée par le Sénat à l’automne 2024. J’ai évidemment voté pour, même si je considère que le transfert vers un EPCI présente aussi des avantages. Plutôt que d’attendre la navette parlementaire et l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale, cette disposition a finalement été ajoutée à la loi d’orientation agricole débattue en ce début février 2025 à la chambre haute. Souhaitant régler ce problème au plus vite, le gouvernement Bayrou a finalement inscrit le texte initial à l’Assemblée nationale, puis en seconde lecture au Sénat, rapidement, afin de clore ce sujet avant l’application en 2026.

Cette décennie de stop and go réglementaire est regrettable au vu des enjeux considérables. La question de l’eau, de son usage, de sa qualité et de sa disponibilité, est aujourd’hui centrale : au-delà des besoins pour la consommation humaine (pour boire, se laver, cuisiner…), elle est indispensable à notre industrie, à notre agriculture et à la production électrique, par le biais de l’hydroélectricité. Alors que la demande augmente et que la ressource tend à baisser du fait du changement climatique, les tensions entre les différents usages ne vont faire que croître.

Pour répondre à ces défis, la mutualisation avec les communes alentour présente certains avantages : dans un contexte de raréfaction de l’eau et au vu des montants très importants pour étendre, réparer et améliorer nos réseaux d’eau et d’assainissement, la mise en commun de moyens financiers et d’ingénierie est souvent bienvenue. Par ailleurs, cette mutualisation permet aussi de réfléchir à une harmonisation des tarifs entre communes, et d’envisager une tarification progressive, plus juste et plus écologique, qui rend les premiers mètres cubes d’eau gratuits ou presque et renchérit les consommations excessives pour des usages non-indispensables.

Néanmoins, la carte administrative des intercommunalités n’est pas toujours celle des bassins versants et des infrastructures d’eau potable et d’eaux usées. Dans certains cas, ce transfert de compétence a donc plus de sens vers d’autres échelles que l’intercommunalité. Il était donc primordial de laisser une certaine souplesse aux communes pour coopérer ensemble sur cette compétence cruciale.

L’assouplissement de la loi est donc positif, mais il démontre surtout l’échec d’une méthode, celle du passage en force sans écouter ou consulter qui que ce soit. En ne comprenant pas la spécificité des territoires et en ne prenant pas le temps de la concertation, le gouvernement nous a fait perdre beaucoup de temps, de nombreuses communes ayant préféré reporter des investissements pourtant essentiels au vu de l’incertitude et de la complexité du dossier.

Je reste persuadé que plus de souplesse dans le dispositif aurait permis à chaque territoire, avec sa spécificité d’inventer des partenariats innovants. Des collectivités ont déjà engagés des études et engagé des frais important pour réfléchir à cette prise de compétence. Je les invites à poursuivre leur réflexion et à analyser la meilleur solution en tenant compte des investissements nécessaires sur le temps long au regard de l’impérieuse nécessité à préserver une ressource commune et vitale.

Crédits photo en une : Ivan Bandura