Pour un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens, accéder à un médecin ou à d’autres practiciens de santé, devient de plus en plus difficile. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), entre 2015 et 2018, la part de la population française vivant en zone sous-dotée en médecins généralistes a augmenté de 50 %. Particulièrement impactées, les zones rurales et les zones populaires des métropoles subissent à la fois les fermetures des hôpitaux de proximité, des maternités et des services d’urgence, ainsi que le non-remplacement des médecins, des infirmiers ou des sages-femmes.

Malgré l’action volontariste de très nombreux élus locaux pour attirer les professionnels de santé dans leurs communes (création de maisons de santé, salarisation des médecins, mise à disposition de locaux voire de personnel…), rien ne semble réussir à inverser cette tendance. Pire, cette bonne volonté des maires cherchant à attirer les médecins dans leur commune conduit à une compétition accrue et à ce que certains médecins ne restent pas, ayant trouvé de meilleures conditions ailleurs. En 2014 et en 2019 déjà, la Cour des comptes avait constaté que ces mesures avaient plutôt provoqué des effets d’aubaine pour les médecins déjà en place.

Face à ce problème majeur, le gouvernement, à travers le Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2023 propose de créer une quatrième année d’internat de médecine qui aurait lieu dans les zones sous-dotées. Une proposition de loi de M. Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, allant dans le même sens a également été adoptée récemment. Cette proposition nous apparaît comme une fausse solution pour plusieurs raisons. D’abord, il s’agit de rallonger encore les études de médecine et donc de retarder l’arrivée de nouveaux médecins d’une année supplémentaire. Ensuite, les salaires très faibles versés aux internes de médecine apparentent ce dispositif à un recours à des soignants précaires. Pour ces deux raisons, de nombreux syndicats étudiants et élèves de médecine protestent contre cette mesure. De plus, le turn-over d’étudiants n’ayant pas fini leur formation ne peut suffire à assurer correctement les soins nécessaires dans les déserts médicaux. Enfin, les études menées sur les déserts médicaux indiquent notamment que le facteur majeur conduisant à l’installation en zone rurale est l’origine des médecins, à savoir qu’ils ont eux-mêmes grandis dans la ruralité.

Or les territoires ruraux étant majoritairement populaires, les élèves qui en sont issus se heurtent à la sélection à l’université, amplifiée depuis quelques années par Parcoursup, véritable machine de reproduction sociale. Après les grandes écoles, les études de santé comptent parmi les plus clivées socialement. Ainsi, alors que les enfants des cadres métropolitains sont surreprésentés en études de médecine, leurs chances de réussite sont deux fois et demie fois supérieures à celle d’un enfant d’ouvrier. Ainsi, lutter contre les déserts médicaux passe aussi par la décentralisation et la lutte contre les inégalités sociales et territoriales. Pour toutes ces raisons, nous avons voté contre la PPL de M. Retailleau et cet article du PLFSS.

Souhaitant bien sûr apporter des solutions concrètes, le groupe écologiste réclame de longue date que les médecins nouvellement diplômés effectuent leurs trois premières années dans les déserts médicaux, comme cela est déjà possible pour la plupart des autres professions médicales. Comparé à la proposition du gouvernement et des Républicains, cela permettrait de disposer de professionnels formés pendant plusieurs années dans ces territoires. Malheureusement, cette proposition de la gauche est systématiquement rejetée à chaque fois que nous la présentons.

Par ailleurs, si le numerus clausus a certes été supprimé, il continue de fait d’exister à travers le nombre de places en études de médecine. A cet égard, l’académie de Grenoble fait d’ailleurs figure de très mauvais élève : avec à peine plus de 5% des élèves de première année de médecine acceptés en deuxième année, son score est le plus mauvais de toute la France, Outre-Mer compris. Plus révoltant encore, un.e étudiant.e de médecine dans l’académie de Lyon a 4 à 5 fois de plus de chances de passer en deuxième année qu’à Grenoble, ce qui va totalement à l’encontre du principe républicain d’égalité des chances. J’ai donc interpellé le Ministre de la santé sur ce point à travers une question écrite.