Le 11 décembre, j’ai pris la parole au nom du groupe écologiste du Sénat sur le budget de la défense, le seul qui est en hausse, encore plus que prévu par la loi de programmation militaire. Si les menaces géopolitiques sont bien réelles et nécessitent des moyens pour renforcer notre défense, nous ne pouvons accepter que les plus riches ne contribuent pas à cet effort. Le renforcement de nos armées à un coût raisonnable passera aussi par le renforcement de programmes européens d’armement, permettant de répartir les coûts et de proposer une alternative aux armes américaines, alors que Trump s’éloigne toujours plus de l’Europe.

Vous pouvez retrouver mon intervention en vidéo et sous format texte ci-dessous :

DG Mission Défense du PLF

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Rapporteurs,

Madame la Ministre,

Contrairement à vos collègues, loin de gérer la pénurie, vous nous présentez un budget en hausse de 13 % porté à plus de 57 milliards d’euros. En y adjoignant les pensions, c’est même une enveloppe de 66 milliards d’euros. Le budget des Armées est désormais supérieur au budget de l’Education nationale. Le symbole est d’autant plus lourd que le président le plus jeune de l’histoire de la République a, comme aucun autre, abandonné notre jeunesse.

Du tri infâme de Parcoursup, à l’abandon dans la dépression d’une classe d’âge pendant le confinement, en passant par la destruction méthodique du service civique, rien n’a été fait pour accompagner notre jeunesse, première victime de l’explosion des inégalités, première inquiète du monde bientôt invivable que nous lui laissons. Rien, et pire encore, le seul avenir que dessine le président de la République pour toute une génération, c’est l’injonction à la procréation pour produire de soldats, c’est la guerre, l’uniforme et la soumission à l’autorité. Cette vision réactionnaire s’est traduite par un service national universel dont personne ne voulait qui deviendra service national volontaire dont nous voyons encore mal l’utilité et l’articulation avec la réserve opérationnelle. Là-dessus, le chef d’Etat major est venu jeter le trouble au sein de toute la Nation évoquant « la perte de nos enfants », dans un discours qu’un gradé de la Grande Muette ne devrait pas tenir en République. Que de maladresses !

Qu’on ne nous méprenne néanmoins pas. Nous partageons sans réserve le constat alarmant dressé par le pouvoir exécutif et le commandement militaire. Depuis 2022, les écologistes, portant le pacifisme au cœur de leur histoire, n’ont pourtant eu de cesse d’affirmer qu’aucune paix ne sera atteignable dans un monde régi par les rapports de force entre les empires. Nous consentons à ce rapport de force pour préserver notre sécurité, nos valeurs, nos idéaux. Et ce « nous » est naturellement un « nous » européen.

Notre soutien à l’Ukraine est et demeurera sans faille. Nous ne nous sommes pas opposés à la loi de programmation militaire, ni à aucune de ces itérations budgétaires. Et si ne nous ne pouvons pas la soutenir plus fermement c’est de votre fait. L’ambition du Gouvernement pour notre armée nous semble déraisonnable au regard de nos moyens et son articulation européenne insuffisante. Surtout, nous sommes de plus en plus consternés par votre facilité à décaisser les milliards pour notre armée en les retirant partout ailleurs. Votre facilité à appeler à la mobilisation nationale, voire à invoquer l’économie de guerre tout en refusant avec un dogmatisme virant à l’absurde de faire contribuer les plus aisés de nos compatriotes. Ceci est d’autant plus incompréhensible que nos milliardaires sont de plus en plus en nombreux à aller se pavaner à la Maison blanche – qui n’est plus une alliée – ou à laisser libre cours au confusionnisme pro-russe sur les antennes et les ondes en leur possession.  Cet élan patriotique auquel vous appelez le pays, ne peut pas, ne doit pas, ignorer nos milliardaires. Il doivent y consentir ou tomber les masques. Contribuent-ils à la défense nationale ou préparent-ils l’arrivée aux pouvoir des marionnettes de Poutine du Rassemblement faussement national ?

Madame la Ministre, sans cela vous ne pourrez pas convaincre toutes les Françaises et tous les Français de l’urgence. Vous ne pouvez pas demander au peuple de choisir entre la défense de nos derniers services publics et la réponse à une menace, qui aussi réelle soit-elle à nos yeux, est encore endiguée à 3000 km d’ici sur les rives du Donbass par l’héroïsme ukrainien. C’est une faute devant l’Histoire. En 1914, l’Union sacré a eu un prix : la création de l’impôt sur le revenu. Personne ne comprendrait que face à une menace de même ampleur, notre réponse ne soit pas aussi ambitieuse.

Pour finir d’un mot car le temps me manque et que j’y reviendrai lundi lors du débat avec le Premier ministre.

Dans le contexte de menace hybride à laquelle l’Europe doit faire face, le fonctionnement ensiloté de notre cadre budgétaire et de nos politiques publiques est particulièrement handicapant.  Comme l’imageait le psychologue Abraham Maslow : « il est tentant, si le seul outil dont vous disposeez est un marteau, de tout considérer comme un clou. »

Cependant, en aucune façon notre réponse ne peut être que militaire. Notre dépendance aux hydrocarbures, à l’uranium, aux engrais azotés de l’ennemi risque de nous tuer aussi certainement que la seringue d’héroïne tuera le corps dans lequel elle est logée. Renforcer notre défense en sabrant les budgets de la transition énergétique et agricole et en restant inactif face au démantèlement de notre appareil industriel est totalement vain.

Voilà quatre ans que nous vous interpellons inlassablement à ce sujet et une nouvelle fois encore, faute de la moindre réponse de votre part, nous sommes obligés de nous abstenir sur les crédits de la mission Défense que nous pouvons considérer indépendamment du reste du budget.

Je vous remercie