Le 18 janvier, le Sénat débattait des crédits budgétaires accordés à nos armées pour 2025. Avec la sécurité intérieure, c’est le seul budget qui continue à croître, afin de suivre la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire adoptée en 2023. Si le contexte géopolitique extrêmement tendu implique de renforcer nos armées, le signal envoyé d’un désinvestissement dans tous les services publics au seul bénéfice de l’armée est désastreux.

Par ailleurs, nous craignons que les dépenses militaires n’augmentent de façon exponentielle si la France conserve son objectif d’une armée tous azimuts (dissuasion nucléaire, présence dans l’espace, dans le cyberespace et sous les mers). Pour mieux répartir ces dépenses, une mutualisation européenne est indispensable. Malheureusement la réputation de la France a été ternie par Emmanuel Macron et la France freine les programmes européens de matériel militaire commun.. Face à ces insuffisances, le groupe écologiste s’est donc abstenu sur ce volet des dépenses.

Vous pouvez retrouver mon discours ci-dessous en vidéo et sous format texte :

Merci Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,

Après une dissolution, après une motion de censure, vous vous tenez toujours devant nous, résistant aux soubresauts chaotiques de notre vie politique. Vous vous tenez devant nous avec un budget intact, résistant au violent coup de rabot qui n’épargne pratiquement aucune des missions de l’État.

Alors que mission budgétaire après mission budgétaire, le Gouvernement Bayrou aggrave la copie du Gouvernement Barnier à coup d’amendements de dernière minutes imposés par Bercy, qui incommode tous vos collègues sur ce banc, vous tenez bon comme un phare dans la tempête contre la mainmise des comptables.

Ainsi, la LPM poursuit sans accroc sa trajectoire avec 3,3 milliards d’euros de crédits de paiement supplémentaires, quand la dépense publique doit être réduite de plus de 30 milliards d’euros cette année.

C’est la seule mission budgétaire en hausse avec la sécurité intérieure.

Monsieur le Ministre, ce n’est pas de votre responsabilité mais permettez de moi de préciser à nouveau qu’un État qui réduit toutes ses ambitions à l’exception de sa Défense et de sa Sécurité envoie à sa Nation un message on ne peut plus anxiogène. Nous sacrifions l’avenir au présent en obérant au passage les inquiétudes de demain à commencer par le dérèglement climatique.

La méthode du Gouvernement auquel vous appartenez est scandaleuse. Enjamber la censure et de reprendre l’examen du budget là où il s’était arrêté en novembre sans permettre de réexaminer le volet recette est dommageable tant d’un point de vue démocratique que pour notre capacité à résorber le déficit public…

Ceci rappelé, nous n’ignorons rien du contexte géopolitique déliquescent, encore aggravé par la réélection de Donald Trump, qui inquiète les démocraties et réjouit les autocraties. Alors qu’une épée de Damoclès pèse sur l’Ukraine, alors que l’incertitude autour de l’avenir de l’OTAN est totale, alors que droit international est piétiné aux quatre coins du monde à commencer par le Proche-Orient, alors que la loi du plus fort régit de plus en plus les relations entre les Nations, il ne parait pas raisonnable de faire l’économie de l’effort de réarmement national engagé depuis une décennie.

Nos réserves demeurent néanmoins. Si nous nous nous sommes abstenus sur la LPM, c’est car nous craignions l’évolution cette trajectoire budgétaire exponentielle pour préserver et développer une armée complète avec renouvellement de la dissuasion et des ambitions cyber, spatiale, sous-marine… Nous la craignons d’autant plus que cette situation est amenée à se répéter dans cette période de pénurie budgétaire qui se poursuivra plusieurs années pour rattraper le dérapage des finances publiques provoqué par votre incurie budgétaire.

Pour y parvenir, refusant toujours et encore d’augmenter les recettes, vous concéderez à nouveau à hypothéquer notre avenir en réduisant le budget de l’Éducation nationale, de l’Écologie, des collectivités qui assure nos investissements et de toutes les missions de l’État.

Plus que jamais, il nous parait indispensable tant politiquement que financièrement de bâtir l’Europe de la Défense. Avec un président de la République française démonétisé et un chancelier allemand sur la sellette, la tâche s’annonce, à court terme, ardue. Néanmoins nous saluons l’action du nouveau commissaire à la Défense et à l’Espace Andrius Kubilius pour renforcer la BITD européenne et avancer sur l’intégration de nos politiques de Défense.

Monsieur le Ministre, nous avons reçu avec une certaine circonspection votre discours très cocardier aux Invalides le 7 janvier dernier. Alors que vous souhaitez « porter un agenda de simplification des procédures européennes », nous considérons que c’est à la France de se plier aux exigences européennes, notamment en matière de contrôle de ses exportations d’armement et pas l’inverse.

S’agissant de la négociation en cours sur le Programme d’industrie de Défense européenne, nous ne partageons pas votre sentence « en la matière, il vaut mieux ne rien faire que faire mal ». Il nous semble au contraire que vu la difficulté de la tâche, « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » et qu’il nous faut impérativement avancer malgré un contexte contraint.

Avec les freins que vous semblez poser, nous comprenons mal comment le pouvoir exécutif compte mettre en œuvre l’objectif présidentiel d « un programme massif d’investissements européens et d’assumer une préférence européenne », rappelé la veille de votre discours par le président de la République à la conférence des Ambassadeurs. Nous vous invitons à éclairer la représentation nationale sur ce qui ressemble à une contradiction.

Fidèle à leur position de toujours et constatant que la France a de moins en moins les moyens budgétaires de ses ambitions militaires, les écologistes continueront à plaider pour une intégration forte des politiques de Défense des 28.

Pour toutes ces raisons et particulièrement dans un contexte budgétaire étouffant, les écologistes continueront à s’abstenir sur les crédits de la mission Défense.

Je vous remercie,

Crédits photo : Mathurin Napoly