Mardi 2 juin 2020, le Sénat a adopté en première lecture la proposition de loi de circonstance déposée par le groupe Les Républicains tendant à sécuriser l’établissement des procurations électorales, et l’organisation du second tour des élections municipales.
En vue de la tenue prévue du second tour le 28 juin prochain, les idées ont été nombreuses pour faciliter le régime des procurations et la tenue des bureaux de vote car ce sont près de 16,5 millions d’électeurs et d’électrices qui sont appelé.es aux urnes dans 4 857 communes.
Certaines mesures proposées semblaient essentielles pour assurer la sécurité sanitaire, ne pas entraver l’exercice démocratique du vote et limiter l’abstention.
Pour limiter le périmètre de la loi, le Sénat a précisé qu’elle se bornerait uniquement aux procurations et opérations de vote, et les adaptations seront circonscrites au scrutin du 28 juin.
Trois mesures pour faciliter le recours au vote par procuration ont été adoptées :
- augmenter le nombre de procurations établies sur le territoire national, en passant d’une à deux procurations par mandataire;
- permettre à un électeur de disposer d’une procuration dans une autre commune, mais uniquement pour voter au nom d’un ascendant, d’un descendant, d’un frère ou d’une sœur ;
- consacrer un droit pour certains électeurs de demander aux autorités compétentes de se déplacer jusqu’à leur domicile pour établir ou retirer leur procuration, notamment lorsqu’ils présentent une vulnérabilité physique ou qu’ils ont été touchés par le covid-19.
Non prévu dans la proposition de loi initiale, le vote par correspondance a été proposé par voie d’amendement par le Président de groupe Les Républicains et adopté lors de la séance au Sénat. Bien qu’il s’inspire de dispositifs existants en Bavière et dans certains cantons suisses, il a été écarté il y a 45 ans en France en raison des doutes sur sa fiabilité, et est toujours susceptible d’augmenter les manœuvres frauduleuses. La mise en place d’un vote par voie postale ne peut être pris à la légère, sans le temps d’une réflexion aboutie qui permettrait de mieux comprendre ses conséquences sur les habitudes de vote, son efficacité et ses écueils sur la sincérité du scrutin.
On peut donc saluer la volonté d’assouplissement des règles de scrutin pour limiter le risque d’abstention et la proposition de fournir des équipements de protection adaptés à la disposition des électeurs, et des personnes qui participent à l’organisation du scrutin, mais modifier la législation électorale à quelques semaines d’un scrutin qui a lieu dans des circonstances déjà complexes, pose problème. Sur le fond, a-t-on le droit de changer les règles d’une élection entre les deux tours ? Cela n’entrave-t-il pas la légalité du scrutin ? Il est certain que c’est contraire au principe de stabilité électorale. L’Union européenne avait d’ailleurs rappelé que « les autorités nationales devraient s’abstenir de procéder à des modifications de la législation électorale pendant la pandémie ».
Le texte voté au Sénat a été déposé le mercredi 3 juin 2020 et renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles de l’Assemblée Nationale. L’adoption définitive de cette proposition reste un point d’interrogation, mais on connait les réticences du ministère de l’intérieur, et du Gouvernement en général qui semblent la rejeter. Le Gouvernement, quant à lui, n’a pas confirmé qu’il déclenchait une procédure accélérée, seule chance pour que ce texte soit examiné par les député.es en temps utile.
Le déroulement des élections le 28 juin se fera donc vraisemblablement dans les mêmes conditions que le premier tour.
En tout cas, et particulièrement en temps de crise, la situation nous rappelle à quel point le droit au vote électoral est fondamental. On ne peut jouer avec ce symbole de la République, et au risque de voir naître des instabilités grandissantes, changer les règles du jeu démocratique à la dernière minute…