Je suis intervenu ce matin au nom du groupe Ecologiste – Solidarité et Territoires du Sénat pour expliquer notre vote en faveur de la ratification du traité d’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN.
La position historique des écologistes est de privilégier le développement de l’Europe de la Défense pour nous permettre de nous autonomiser diplomatiquement et stratégiquement du partenaire états-unien.
Mais l’invasion de l’Ukraine a tout bouleversé. Pour la Suède et la Finlande d’abord qui ont démocratiquement décidé de mettre fin à des décennies, voire des siècles de neutralité militaire. Pour l’OTAN ensuite, qui a malheureusement retrouvé sa raison d’être. Pour la France qui réalisé que dans le contexte actuel le développement de l’Europe de la Défense ne pourra pas se faire, pour le temps présent, hors du cadre de l’alliance. Les écologistes sont en phase avec la position de la France et l’ont exprimé au Sénat ce jour.
Merci Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Rapporteur – Président,
Mes chers collègues,
Nous examinons dans des conditions d’une extraordinaire urgence, justifiée par un bouleversement géopolitique tout aussi extraordinaire, la demande d’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord.
Cela a été dit et redit, jamais, au regard de la neutralité historique – imposée ou pas – de ces deux pays, nous n’aurions imaginé la tenue d’un tel débat il y’a encore quelques mois. Cette volonté de la Suède et de la Finlande de rejoindre l’Alliance atlantique, mettant fin à des siècles pour l’une, des décennies pour l’autre, de neutralité militaire, illustre avec force le bouleversement extraordinaire de l’ordre mondial et des équilibres géopolitiques européens, provoqué par l’invasion russe de l’Ukraine.
31 ans après la chute de l’URSS, l’OTAN a brusquement et malheureusement retrouvé sa raison d’être. Ce retour de la puissance américaine aux affaires européennes, quelques peu délaissées depuis le début de la présidence Obama, est également un fait nouveau qui n’est pas sans interroger.
Elle illustre en tout cas la faiblesse, réelle ou ressentie, de l’Union européenne à assurer sa sécurité collective. Le souhait de la Finlande et la Suède de rejoindre l’OTAN témoigne de la confiance toute relative que ces deux pays portent à l’article 42 du traité de l’Union européenne qui garantit l’entraide militaire mutuelle entre ses membres.
Cela interroge sur l’efficacité de l’action diplomatique de la France, ou plus accessoirement sur l’influence politique des écologistes, pour œuvrer en faveur d’une défense européenne collective. Je ne ferai pas mystère des positions historiques de ma famille politique qui a toujours milité pour le développement d’une défense européenne à même de renforcer l’autonomie diplomatique et stratégique du continent vis-à-vis du partenaire états-unien.
Je n’aurais pas imaginé me retrouver un jour dans la position de plaider avec force pour un élargissement de l’OTAN. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Comment, alors que la Russie agresse l’Ukraine et menace la Suède et la Finlande, ne pas répondre favorablement à leur demande souveraine et démocratiquement concertée d’adhésion à l’Alliance ? Comment pourrions-nous envoyer à la Russie et au monde un tel message de désunion et de faiblesse ? Il n’est pas acceptable de briser la solidarité des pays occidentaux qui est la seule voie possible pour permettre à l’Ukraine de sortir victorieuse de ce conflit et ainsi rétablir la paix sur le contient.
En cohérence avec le soutien sans faille apporté au peuple ukrainien par les écologistes européens, c’est tout naturellement que nous soutiendrons la demande de la Suède et de la Finlande de rejoindre la sécurité collective qu’apporte l’OTAN aux pays européens. C’est le prix de la défense de la démocratie, de la liberté et du droit des peuples à disposer d’eux même, menacés aux frontières orientales du continent.
Comme l’a excellement montré le rapport de la commission, commis dans la plus grande urgence – qu’il me soit permis de saluer ici le professionnalisme de notre administration – il n’y a aucune difficultés juridiques, économiques ou militaires à intégrer ces deux pays qui remplissent tous les critères fixés par le Traité fondateur de l’Alliance.
Fidèle à nos positions historiques, je formule le vœu et je crois sincèrement que l’intégration de nouveaux pays, jusque-là profondément isolés, à l’effort collectif européen est une pierre supplémentaire à la construction d’une défense collective. Elle s’inscrit d’ailleurs dans un épisode historique de réarmement et de renforcement des capacités de défense des pays de l’UE, au premier rang desquels l’Allemagne.
En effet, et c’est le paradoxe de la période, le regain d’intérêt de l’OTAN n’est peut-être que conjoncturel. En tout cas, le renforcement de l’Alliance ne peut passer que par le renforcement des capacités propres des pays européens, objectif compatible avec celui d’une Europe de la Défense.
C’est l’objectif de la France, rappelé avec force lors du sommet de l’Alliance des 28, 29 et 30 juin derniers, que de renforcer la relation UE-OTAN et d’insister sur le renforcement du « pilier européen » au sein de l’Alliance. Les écologistes soutiennent la position française exprimée par le président de la République.
Je conclurai mon propos par deux préoccupations.
Le protocole d’adhésion ne le prévoit pas, mais rappelons clairement : cet élargissement qui comportera désormais 1340 km de frontière supplémentaire avec la Russie, ne saurait se traduire par le déploiement de forces de l’alliance en Finlande et en Suède. La situation est suffisamment conflictuelle avec le belligérant russe, pour ne pas ajouter inutilement de l’huile sur le feu.
Un dernier mot pour dénoncer le chantage inacceptable de la Turquie, qui demande à la Suède l’extradition de 33 membres du PKK en échange de la ratification du présent traité. Nous faisons confiance au royaume de Suède, au regard des positions déjà exprimées, pour ne pas céder. Les Kurdes, qui n’ont de cesse de nous protéger contre la menace du terrorisme islamiste, n’ont pas à être les victimes collatérales de la guerre en Europe.
Je vous remercie.