Le Premier ministre a prĂ©sentĂ© ce midi le Plan de relance Ă©conomique tant attendu pour amplifier la reprise Ă©conomique du pays et tenter d’éviter la catastrophe sociale qui s’annonce.

AprĂšs trois lois de finance rectificatives oĂč le Gouvernement nous expliquait que la relance serait pour plus tard, qu’elle serait massive et qu’elle serait verte et tournĂ©e vers l’avenir, on est en droit d’ĂȘtre quelque peu déçu.

Naturellement il est indispensable d’accompagner nos entreprises pour leur permettre de reprendre leur activitĂ© et de sauvegarder les emplois, mais les mĂ©canismes choisis pour ce faire semblent plus relever de l’ancien monde que du monde d’aprĂšs.

Ainsi sur 100 milliards, 70 sont consacrĂ©s Ă  l’aide aux entreprises, sans contrepartie, sans aucune condition sociale ou Ă©cologique, sans aucun contrĂŽle. On retrouve les mĂ©canismes usĂ©s jusqu’à la corde de rĂ©duction d’impĂŽt, notamment sur la production (10 milliards par an !). Une politique de l’offre dont le Premier ministre « espĂšre » qu’elle permettra la crĂ©ation de 160 000 emplois en comptant sur la bonne volontĂ© des entreprises. François Hollande en son temps espĂ©rait que le CICE sans contrepartie permettrait de crĂ©er 1 million d’emplois, on a vu l’efficacitĂ© de ce qui s’est avĂ©rĂ© n’ĂȘtre qu’un vƓu pieu
 Non seulement ce choix du Premier ministre est d’une naĂŻvetĂ© confondante, mais en plus il ne permet pas de faire face Ă  la destruction annoncĂ©e de 800 000 emplois
L’effort est consĂ©quent pour un rĂ©sultat espĂ©rĂ© extrĂȘmement faible. Embaucher des fonctionnaires pour mettre en Ɠuvre la transition Ă©cologique ou des professeurs pour lutter contre le dĂ©crochage scolaire aurait Ă©tĂ© moins coĂ»teux et plus efficace. Alors que Lionel Jospin revient Ă  la mode, il est dĂ©sespĂ©rant de constater que la droite refuse de voir que la seule politique Ă  mĂȘme de crĂ©er massivement des emplois est la rĂ©duction du temps de travail. Avec ce pactole, le Gouvernement aurait pu choisir d’inciter financiĂšrement les entreprises voulant passer Ă  la semaine de 4 jours. Le solde de crĂ©ation d’emploi aurait Ă©tĂ© bien supĂ©rieur
 Au lieu de cela, tout l’effort budgĂ©taire est tournĂ© vers les entreprises sans distinction ou presque. Il est pourtant inconcevable d’aider des entreprises qui verseront des milliards de dividendes Ă  leurs actionnaires en fin d’annĂ©e et supprimer des emplois comme on l’a connu avec Air France au printemps. Il est inconcevable de subventionner des industries polluantes et Ă©mettrices de gaz Ă  effet de serre sans exiger la moindre contrepartie en termes de rĂ©duction de leur impact environnemental. Ainsi, Total va ĂȘtre subventionnĂ© par l’Etat pour conduire un dĂ©sastreux projet d’extraction de gaz en arctique
 On marche sur la tĂȘte !

Au regard de ces Ă©lĂ©ments, les 30 milliards prĂ©vus pour la transition Ă©cologique apparaissent comme un maigre lot de consolation. D’autant que contrairement aux baisses d’impĂŽts, cet effort est ponctuel. Il est dramatique de constater qu’il nous faut passer par une crise Ă©conomique d’une ampleur rare pour enfin parvenir Ă  mobiliser les investissements nĂ©cessaires pour la transition Ă©cologique. Le problĂšme, c’est que pour respecter notre stratĂ©gie bas carbone et nos engagements de l’accord de Paris, il faudrait investir plus ou moins cette somme chaque annĂ©e jusqu’en 2030
 C’est un premier pas, mais il en faudra au moins 10 autres. Contrairement Ă  la politique de l’offre savamment orchestrĂ©e par Emmanuel Macron depuis 2017 (voire depuis 2013 en tant que conseiller Ă©conomique de François Hollande), la « relance verte » n’est calibrĂ©e que pour 2 annĂ©es, une sorte de fusil Ă  un coup largement insuffisant. C’était bien la peine de recrĂ©er le Commissariat gĂ©nĂ©ral au plan


ConsĂ©quence de ce manque total de vision : peu d’articulation avec les collectivitĂ©s locales n’est Ă  ce stade prĂ©vue alors qu’elles sont en premiĂšre ligne pour engager la transition Ă©nergĂ©tique, la rĂ©volution des mobilitĂ©s, la rĂ©novation thermique des bĂątiments, la transformation de notre agriculture
 Le Plan de relance prĂ©voit 5 milliards pour les collectivitĂ©s, 5 % du plan de relance alors qu’elles assurent 70 % des investissements du pays
 On nous promettait avec la nomination de Jean Castex, un Gouvernement Ă  l’écoute des territoires, force est de constater que le jacobinisme a encore de beaux jours devant lui


Autre consĂ©quence de l’absence de vision : Ă  part la rĂ©novation thermique du bĂątiment, peu d’efforts sont envisagĂ©s dans une perspective de sobriĂ©tĂ©, de rĂ©duction de notre consommation de ressources naturelles primaires. Au lieu de cela l’accent est comme toujours mis sur l’innovation et sur la fuite en avant « scientiste » avec un fort accent mis sur la conversion vers le vĂ©hicule Ă©lectrique individuel (qui ne reprĂ©sente nullement une avancĂ©e Ă©cologique) ou le dĂ©veloppement de la filiĂšre hydrogĂšne, nouveau totem d’une « Ă©cologie » qui refuse toute forme de modification de nos habitudes de vie. Anecdotique mais rĂ©vĂ©lateur, 400 millions d’euros de l’enveloppe destinĂ©e Ă  la transition Ă©cologique sont mĂȘme prĂ©vus pour la filiĂšre nuclĂ©aire ; on croit rĂȘver


En politique comme dans la vie, « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » et je me satisfais nĂ©anmoins de constater qu’enfin un effort substantiel (mais insuffisant) est consacrĂ© au dĂ©veloppement du rail (au regard des grandes annonces de l’étĂ© on regrettera nĂ©anmoins que l’effort pour le train de nuit ne concerne que 2 lignes
) et du vĂ©lo, qu’enfin l’Etat investit dans le dĂ©veloppement des Ă©nergies renouvelables, jusque-lĂ  largement confiĂ© au privĂ©, qu’enfin l’enveloppe pour la rĂ©novation « Ă©cologique » du bĂąti (je salue l’évolution sĂ©mantique la ministre sur ce point, la construction Ă©cologique est aussi importante que la rĂ©novation des passoires thermiques) s’approche des besoins et que les mĂ©canismes d’aide soient simplifiĂ©es.

Pour tous ces domaines l’articulation avec les collectivitĂ©s locales sera indispensable et je regrette une nouvelle que le Premier ministre ait Ă©tĂ© si Ă©vasif Ă  ce sujet.

Par ailleurs, je me rĂ©jouis que pour la premiĂšre fois, l’Etat s’intĂ©resse Ă  l’adaptation de nos forĂȘts au rĂ©chauffement climatique (sous rĂ©serve d’une gestion durable de la filiĂšre bois), Ă  la modernisation de nos abattoirs pour limiter les sĂ©vices aux animaux ou encore au traitement Ă  la source des biodĂ©chets. Je suis moins enthousiaste concernant l’enveloppe prĂ©vue pour la transition agricole largement insuffisante d’autant que la France n’a pas pris d’engagement sur la rĂ©orientation de la PAC (oĂč se joue l’essentiel).

Le diable se nichant dans le dĂ©tail, le parlementaire que je suis sera extrĂȘmement vigilant sur le dĂ©ploiement de tous ces crĂ©dits. En tout cas, si l’effort est significatif et louable, on est loin du « pas de gĂ©ant pour la transition Ă©cologique » Ă©voquĂ© par la ministre.Un mot enfin sur le financement. L’Europe contribuera Ă  hauteur de 40 milliards d’euros Ă  l’effort national (que la France «remboursera » Ă  terme).

Pour le reste, comme pour les lois de finances rectificatives, il reposera intĂ©gralement sur la dette. Alors que les milliardaires se sont largement enrichis avec la crise et qu’une part non nĂ©gligeable de ce plan de relance finira en dividende pour des actionnaires cupides, il convenait de mettre les plus hauts revenus Ă  contribution exceptionnelle. Mais mĂȘme un effort temporaire des 1% est inconcevable pour le prĂ©sident des riches
 Pour financer le New Deal dans les annĂ©es 30, un prĂ©lĂšvement de 90 % sur tous les revenus au-delĂ  d’un million de dollar avait Ă©tĂ© mis en place (qui perdura jusque dans les annĂ©es 80).

N’est pas Roosevelt qui veut