Dans toutes les métropoles de France, des Zones à Faibles Émissions (ZFE) entrent progressivement en vigueur. Si les restrictions s’appliquant aux poids lourds et utilitaires sont déjà en place depuis quelques années, ce sont maintenant peu à peu les véhicules particuliers qui vont être touchés. Concrètement, bien que le calendrier varie suivant les métropoles, l’objectif est d’interdire les véhicules Crit’Air 3, 4 et 5 d’ici à 2025, avec cependant de nombreuses dérogations. Ces ZFE suscitent donc d’importantes controverses et inquiétudes parmi nos concitoyens et appellent à une réponse précise des responsables politiques. Voici donc ma position et mes propositions sur ce sujet.
Tout d’abord, il faut rappeler la nécessité de réduire la pollution de l’air, problème environnemental majeur et source de plus de 40.000 décès prématurés chaque année selon Santé Publique France. Malgré des progrès importants ces dernières années, l’agglomération grenobloise demeure, du fait de sa topographie, l’une des plus concernées par cet enjeu. Je suis favorable au principe de base des ZFE, à savoir lutter contre la pollution aux particules fines.
Une première remarque doit cependant être faite sur les vignettes Crit’Air, qui vont définir quels véhicules sont autorisés dans nos grandes villes. Si celles-ci se basent sur les émissions de particules fines, un véritable fléau pour nos poumons, elles omettent de prendre en compte le poids des véhicules, qui est un autre aspect important en matière de pollution de l’air. A l’heure de la mode des SUV, notoirement inutiles en ville, cet aspect ne peut être ignoré. La Convention citoyenne pour le climat avait proposé en 2021 d’instaurer une taxe sur les véhicules les plus lourds à partir de 1,4 tonne, mais cette mesure a été vidée de son sens en retenant le seuil particulièrement haut de 1,8 tonne, sous pression du lobby automobile. Le groupe Ecologiste – Solidarité et Territoires, que j’ai l’honneur de présider, avait repris cette demande au travers d’amendements et au sein de sa “Vraie Loi Climat”, qui entendait traduire véritablement nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre en politiques publiques, dans un prisme de justice sociale.
Ensuite, l’instauration des ZFE pose d’évidentes questions de fracture sociale et territoriale. Les ménages qui ont les véhicules les plus anciens, et donc souvent les plus polluants, sont en effet généralement les plus pauvres et ceux résidant à la campagne. Si différentes aides existent pour changer de véhicule, le reste à charge demeure trop élevé pour bon nombre de nos concitoyens. Il y a donc là un risque d’exclusion des populations pauvres et rurales, comme l’a montré une récente consultation en ligne du Sénat.
Afin d’éviter ce problème, les écologistes ont formulé de nombreuses propositions, notamment la hausse des aides financières en les ciblant sur les publics les plus fragiles. Mon collègue Joël Labbé avait également proposé de récupérer les véhicules les moins polluants destinés à la casse et d’en transférer la propriété aux régions, qui loueraient ensuite à prix modique aux plus défavorisés. L’intérêt social et écologique d’une telle mesure est évident. Pourtant, cet amendement de bon sens, d’abord adopté au Sénat, a malheureusement été supprimé en commission mixte paritaire du fait de l’opposition du camp présidentiel, sans explication. Cette proposition vient cependant d’être à nouveau déposée sous forme de proposition de loi et nous ferons tout pour la mettre en œuvre.
Par ailleurs, nous n’avons pas tous le même usage de nos voitures. Certains roulent peu, d’autres beaucoup, certains font très peu de trajets en ville, etc. Il importait donc de prendre en compte ces spécificités en menant un vaste travail de concertations locales pour entendre les usagers. C’est ce qu’on fait de nombreuses métropoles, en instaurant différentes dérogations. Certains véhicules (services de secours, véhicules des personnes handicapées) sont exemptés, tout comme ceux des “petits rouleurs” avec la création de carnets pour circuler quelques fois par an en ville. Les grands axes autoroutiers sont également exclus des ZFE, tandis que certaines métropoles permettront de rouler avec des véhicules plus polluants la nuit. Si l’on peut regretter une lisibilité compliquée en fonction des différentes agglomérations, ces concertations sont néanmoins à saluer, pour tenir compte de toutes les situations.
Enfin et surtout, la réduction de nos émissions passera évidemment par la baisse de l’usage de la voiture individuelle. Pour cela, le développement du covoiturage, du vélo, du train et des autres transports en commun est indispensable. Depuis le début de mon mandat, je me suis constamment battu dans cette perspective, en proposant notamment une TVA à 5,5% sur les billets de train (amendement accepté par le Sénat, mais rejeté par l’Assemblée nationale), un pass unique pour les transports en commun comme cela existe en Allemagne, en soutenant le projet de RER métropolitain grenoblois, en proposant une hausse du versement mobilité des entreprises pour financer l’essor des transports en commun ou encore de nombreuses mesures en faveur du vélo. J’avais également mené en 2019 un rapport d’information sur la question de la gratuité des transports en commun. Si nous avons parfois obtenu quelques avancées, notamment à l’occasion de la loi d’orientation des mobilités, l’urgence climatique nous impose un changement de cap rapide et donc à une action beaucoup plus forte de l’Etat.
Pleinement mobilisé en faveur d’un changement en profondeur de nos mobilités afin de réussir la transition écologique et d’améliorer la qualité de l’air, je suis donc extrêmement vigilant à ce que ces évolutions se fassent dans une perspective de justice sociale. Je continuerai donc à être force de proposition sur ces enjeux, afin que l’écologie ne soit pas “punitive” mais bien inclusive et heureuse.