Depuis plusieurs années, je me mobilise aux côtés de la maire de Reventin-Vaugris, Edith Ruchon, et des habitant.es contre un projet de demi-échangeur autoroutier prévu sur leur commune. Abandonnés par l’Etat, la Région, le Département, l’Agglomération de Vienne et face au pouvoir du groupe Vinci Autoroutes, ils se sont mobilisés avec courage depuis plus d’une décennie. A l’occasion de la parution d’un livre rédigé par Mme Ruchon, j’ai écrit une préface dans laquelle je reviens sur ce combat et la façon dont je l’ai accompagné. Vous trouverez mon texte d’introduction à cet ouvrage ci-dessous :
A l’heure où j’écris ces lignes, Alain Chabat, avec son inimitable talent, vient de donner un coup de peinture flamboyant à la série Astérix. La métaphore du village gaulois me vient immédiatement en tête en pensant au combat de plus de 10 ans mené par la municipalité de Reventin – Vaugris et ses habitant.es.
Ici, point de résistance à l’impérialisme romain mais un village de 2000 habitant.es livré à lui-même contre toute la technostructure publique, les institutions locales et la rapacité d’un géant du BTP, un village dont le sort est d’être déchiré en deux – comme dans l’album le Grand fossé d’Astérix – par un demi-échangeur autoroutier dont le seul intérêt est de soulager la commune voisine du trafic routier plutôt que de le résorber.
Alors que le président de l’intercommunalité portant le projet est, comme bien souvent, le maire de la ville centre qui veut réduire ses flux de circulation, cette conduite de la politique intercommunale au seul bénéfice de la ville centre interroge tout le fonctionnement, par ailleurs très peu démocratique, des intercommunalités françaises.
Dans le cas présent, cumul des mandats oblige, l’édile étant également président du Syndicat mixte des transports lyonnais et conseiller régional, avait pourtant toutes les cartes en main pour contribuer à la diminution des flux routiers sur sa commune comme dans toute l’intercommunalité en promouvant des projets alternatifs notamment ferroviaires comme la Halte Vaugris ou le RER métropolitain lyonnais. C’eut été plus conforme à l’intérêt général du territoire.
Alors que la France doit réduire de 40 % ses émission de gaz à effet de serre d’ici à 2030, alors que l’objectif de zéro artificialisation nette encadre strictement la consommation des espaces naturels et des terres agricoles, alors que la France et la région lyonnaise ont des impératifs de lutte contre la pollution de l’air, ce projet est naturellement un contresens écologique.
C’est également un contresens urbain historique. Comment peut-on répéter aujourd’hui les erreurs des années 60-70 ? Paris et ses communes voisines tentent à grand peine de limiter les méfaits d’aménagements urbains de ce type. Pour ce faire, plusieurs milliards d’euros, des décennies de travaux et le concours de l’Etat seront nécessaire. Une gabegie !
Parlons de l’Etat justement. Il est invraisemblable qu’au XXIe siècle l’Etat utilise toutes ses prérogatives pour pousser pareil projet contre l’immense majorité de tout un village qui par deux fois s’est exprimée sans ambiguïté. D’abord lors de l’élection municipale partielle de 2017 provoquée par la démission du conseil municipal refusant ce projet, puis lors de celle de 2020.
Le pire dans cette affaire est que, loin d’être des opposantes butées au projets, les municipalités successives et leurs maires Blandine Vidor puis Edith Ruchon dont je tiens à saluer le courage et l’abnégation, ont proposé un scénario alternatif solide, validé par un bureau d’étude financé sur les deniers de la commune pour éviter de voir le village coupé en deux.
Mais rien n’y a fait, pressé par Vinci, la préfecture et les autres strates de collectivités locales ont fait la sourde oreille aux propositions légitimes des Reventinoi.ses et se sont rendues coupables d’un véritable déni de démocratie.
C’est pour ma part tout naturellement que j’ai accepté de porter leur parole et d’interpeller à plusieurs reprises au fil des années les préfets de l’Isère et les ministres des Transports successifs. J’ai trouvé porte close. Contrairement aux usages on m’a même refusé l’accès à un comité de pilotage sur le projet. La préfecture a, de fait, chapeauté, pour ne pas dire dévoyé toute la procédure de concertation publique lui faisant perdre tout son sens.
J’ai poursuivi ma mobilisation au Sénat en demandant au Gouvernement de décréter un moratoire sur la cinquantaine de projet d’aménagements routiers de ce type, contraires à nos engagements écologiques et contestés par les populations locales. Malheureusement, si les Gouvernements précédents manquaient principalement de courage et l’actuel porte une vision pompidolienne rétrograde…
Je continuerai autant que possible à lutter contre ce projet comme tous les autres projets anachroniques. Quoiqu’il en soit, si ce demi-échangeur voit le jour, viendra nécessairement le temps où les acteurs locaux et nationaux constateront avec dépit l’ineptie de ce projet et s’emploieront, comme en région parisienne, comme dans le Grand fossé, à faire disparaitre cette cicatrice urbaine. Tachons de ne pas en arriver là.
Crédit photo en une : Tony Pepe