La commission mixte paritaire (CMP) a trouvé ce jeudi 20 juin un accord sur le projet de loi relatif à l’organisation du système de santé. Comme c’est de plus en plus le cas, les droites se sont mises d’accord pour adopter un texte qui fera office de pansement sur une jambe de bois.
L’examen de ce projet de loi au Sénat début juin avait quelque chose de profondément lunaire. Rarement le jeune parlementaire que je suis n’aura eu le sentiment que le travail législatif était à ce point déconnecté des enjeux réels. En effet, alors que les urgentistes sont en grève depuis plusieurs jours, qu’ils étaient sous nos fenêtres pour exprimer leur détresse et leurs revendications, rien dans la grande loi santé du quinquennat Macron, absolument rien, ne répond aux défis de l’hôpital public.
Rien dans projet de loi ne soulagera les personnels des hôpitaux, notamment les urgentistes et les infirmières : ni recrutement, ni augmentation de salaires, pas plus que d’ouvertures de lits d’aval dont les suppressions sont en nombre exponentiel.
Poursuivant la logique délétère qui prévaut depuis 30 ans, ce texte entérine notamment la disparition des hôpitaux de proximité en les vidant de leurs services essentiels : gériatrie, maternité, plateau technique, et chirurgie. Au nom de la pénurie médicale, il accélère les Groupements Hospitaliers Territoriaux et instaure la gradation des soins, privant certains territoires d’établissements de proximité au bénéfice de superstructures plus éloignées et donc moins accessibles.
Sans volonté de polémiquer au regard de la gravité des faits, il est cependant probable que ce processus de désertification médicale, notamment des maternités, entraine une multiplication des drames comme celui de Die en janvier 2018. C’est un système hospitalier à deux vitesses qui continue de s’instaurer aggravant encore davantage la fracture territoriale.
Car ce texte ne résorbera en rien la désertification médicale. Si la fin du numerus clausus est à saluer, aucune mesure un tant soit peu contraignante pour les médecins n’a pu être adoptée. Même les dispositions pour réguler le conventionnement (auprès de la sécurité sociale) des zones surdotées ont été refusées. Le lobbying de l’Ordre des Médecins, qui compte plusieurs de ses anciens membres sur les bancs du Sénat, est toujours aussi efficace. Pourtant il ne me semble pas scandaleux de demander aux médecins, formés pendant 10 par la collectivité, de consacrer quelques années de leur activité, à l’intérêt général. On notera au passage l’hypocrisie de la majorité sénatoriale qui est toujours la première à dénoncer la fracture territoriale, mais qui a rejeté en bloc la quasi-totalité des amendements permettant un tant soit peu de corriger la chose et notamment les amendements de la commission aménagement du territoire…
Finalement la Sénat, dans l’obligation de répondre à l’attente des élus locaux, a choisi la pire des solutions en inventant un dispositif où les étudiants en dernière année de formation, seront envoyés un an pour exercer en zone sous-dotée plutôt que d’achever leur formation à l’hôpital public comme c’est le cas aujourd’hui. Cette mesure est la fois préjudiciable pour la formation des jeunes médecins et pour l’hôpital public qui voit encore diminuer son personnel. On déshabille encore Paul pour habiller Jacques. Cette disposition absurde a été ramenée à 6 mois en CMP. Il est certain qu’elle ne corrigera en rien la désertification médicale.
Avec le groupe Communiste, républicain, citoyen écologiste (CRCE), nous nous sommes battus pied à pied pour une autre logique : augmentation des moyens des universités pour former davantage d’étudiantes et d’étudiants, expérimentation, dans les zones sous denses volontaires, de l’installation de jeunes médecins pendant deux années suivant l’internat, préservation du statut des centres de santé et carte hospitalière totalement différente.
Nous pensons, en effet, que le maillage d’hôpitaux de proximité doit être maintenu et développé avec des services d’urgence 24h/24h, de médecine, de chirurgie, d’unité obstétrique, de soins de suite et de structures pour les personnes âgées en lien avec la médecine de ville, le réseau de centres de santé et la psychiatrie de secteur.
Nous n’avons eu gain de cause sur rien et avons voté contre ce projet de loi, très éloigné des enjeux…