Le 13 mars 2024, dans le cadre d’un débat 50-1 sur la politique française à l’égard de l’Ukraine et l’accord conclu avec ce pays, j’ai eu l’occasion d’exprimer la position des écologistes sur ce sujet. Alors que la guerre dure depuis deux ans et que la Russie progresse à nouveau, les déclarations hasardeuses du Président Macron affaiblissent le soutien des Français à l’effort de guerre et montrent à Vladimir Poutine des divisions regrettables dans le camp occidental. Ainsi, si j’ai soutenu la proposition d’accord du gouvernement et plus largement la nécessité d’un appui financier et militaire sur la durée pour l’Ukraine, j’ai critiqué les revirements réguliers de l’Elysée sur un sujet aussi grave.

Vous pouvez retrouver mon discours en vidéo et sous format texte ci-dessous :

Merci Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers collègues,

Monsieur le Premier ministre, en préambule, nous vous demandons de porter beaucoup plus fort la voix de la France au Proche-Orient ainsi que la tenue sans délai d’un débat 50-1 sur la situation dramatique à Gaza. Pour consolider le soutien à l’Ukraine dans notre population, il est indispensable de ne pas laisser prospérer le sentiment d’un deux poids, deux mesures, s’agissant de la mobilisation de la France face aux massacres de civils qui déchirent actuellement l’humanité.

Monsieur le Premier ministre, même pour nous Français pourtant habitués, qu’il est difficile de suivre le président de la République, passé en moins de deux ans de la crainte « d’humilier la Russie » à la harangue des Européens à ne pas « être lâches » face à une Russie « devenue inarrêtable ». Je n’ose imaginer la perplexité des chancelleries occidentales face à cette nouvelle volte-face.

Si nous déplorons la frilosité du chancelier allemand, qui refuse toujours de fournir les missiles Taurus demandés par Kiev, nous ne sommes pas convaincus que la disruption soit une stratégie diplomatique très efficace. Si la volonté présidentielle était de faire réagir à Berlin, il eut été opportun de s’assurer en amont du soutien des Gouvernements polonais, baltes, tchèque qui fût timide et tardif. Il conviendrait également de ne pas oublier que contrairement à nous, l’Allemagne est une démocratie parlementaire digne de ce nom, où il n’existe pas de domaine réservé soumis aux humeurs du prince-président.

Depuis 7 ans, toute notre politique étrangère se révèle parfaitement erratique. Il faut le dire, même si notre conviction est la nécessité d’une unité, la plus large possible, de notre classe politique, pour affirmer un soutien massif à l’Ukraine dans ce contexte géopolitique, qui menace l’existence même de l’Union européenne. J’espère que vous l’entendrez de la part des écologistes, qui avons toujours été un soutien constant du peuple ukrainien et de l’action du Gouvernement en ce sens.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes à la tête d’une puissante administration qui compte en son sein un trésor : le Quai d’Orsay, dont l’expertise inestimable constitue l’épine dorsale d’une diplomatie, qui a longtemps été l’une des plus influentes au monde. Concentrer la diplomatie à l’Elysée est une absurde et dangereuse dégénérescence de la Ve République.

Si nous sommes si graves, c’est qu’à un tournant de la guerre, nous jugeons les propos présidentiels de nature, à effrayer nos concitoyens, à fragiliser le soutien à l’Ukraine et à agacer nos partenaires européens. Vouloir bouger quelques lignes exige-t-il une telle cacophonie nationale, européenne et transatlantique ? Est-ce raisonnable d’afficher aux yeux de l’agresseur russe nos divisions plutôt que l’effort historique entrepris de concert depuis deux ans ? Nous le craignons et en voulons pour preuve la médiocrité du débat public inutilement polarisé entre un président démesurément martial et certaines oppositions qui se fourvoient dans une illusoire perspective de négociation avec un agresseur qui ne reculera devant rien d’autre qu’une défaite militaire.

C’est d’autant plus dommage que la stratégie présidentielle est entendable : il faut effectivement cesser d’afficher, face à un adversaire qui ne comprend que le rapport de force, des lignes rouges que ne nous ne respectons pas… Aussi, nous saluons la volonté présidentielle d’opérer « un sursaut stratégique » pour rétablir l’ambiguïté. Nous saluons en bloc et en détail le présent accord de coopération, qui nous engage au-delà du conflit sur la nécessaire reconstruction de l’Ukraine et à soutenir son souhait d’adhésion à l’Union européenne. Nous saluons l’effort financier supplémentaire, qui nous permettra de combler une partie de notre retard.

Nous espérons que s’ouvre une nouvelle phase de notre soutien à l’Ukraine où nous cesserons d’être en permanence à la remorque des demandes de Kiev. Demande, qui comme le rappelait Dmytro Kuleba, ministre des Affaire étrangères ukrainien, n’a « jamais (été) l’envoi de troupes étrangères pour combattre à ses côtés. Nous avons toujours eu confiance en nos combattants. Ils sont notre fierté. » Demandes qui incluent en revanche des munitions, de l’artillerie, des obus, des systèmes de défense anti-aériens, des bases de réparation et des formations en Ukraine. Aussi nous saluons la décision d’envoyer des missiles SCALP et des systèmes air-sol et sol-air mais il nous semble que la France peut et doit faire plus.

Il y a un an à cette tribune, nous vous demandions de fournir des chasseurs à l’Ukraine. A l’aune ne cette nouvelle donne stratégique, je vous repose donc la question : la France va-t-elle livrer à l’Ukraine des Mirages 2000D, encore demandés ces dernières semaines par des hauts-gradés ukrainiens ?

Monsieur le Premier, vous avez demandé à la Nation un effort considérable pour moderniser nos armées et reconstituer nos stocks. Cet effort n’a de sens que pour aider l’Ukraine à défendre le continent. Si la France était motrice du soutien à l’Ukraine cela donnerait plus de force aux injonctions présidentielles au courage.

Nous n’en sommes pas là. Pour pallier l’urgence, ce sont les Tchèques qui sont à l’initiative pour collecter de quoi acheter à l’Afrique du Sud 800 000 obus qui permettront à l’Ukraine de tenir quelques mois, le temps pour les industriels européens de produire ce que nous avons collectivement promis. Si nous comprenons la logique du président de favoriser la base industrielle européenne, soyons pragmatiques : achetons européen quand cela est possible et à d’autres démocraties quand cela est nécessaire.
J’insiste sur ce point car c’est une source de divergence majeur avec Berlin. Les tensions affichées du couple franco-allemand nous inquiètent mais nous semblent dépassables. Si nous partageons de longue date la conviction du président français de renforcer l’autonomie stratégique européenne et de bâtir une Europe de la Défense, nous constatons bien qu’elle ne peut exister aujourd’hui en dehors du cadre otanien. En témoignent les adhésions récentes à l’Alliance de la Suède et de la Finlande après des décennies de neutralité. A contrario, il ne fait pas de doute pour nous que le chancelier allemand réalisera vite que le partenaire américain est fragile. La présidence Biden est chancelante dans tous les sens du terme et la victoire de Donald Trump est aujourd’hui le scénario le plus plausible. L’identité du futur président ne changera de toute façon pas grand-chose : la société américaine est profondément fracturée ce qui paralyse le Congrès. Si l’aide à l’Ukraine finit par être débloquée, elle va de toute façon aller en diminuant. Il faut de toute façon renforcer le pilier européen de l’OTAN pour construire l’Europe de la Défense de demain. Nous appelons les Gouvernements français et allemand à s’entendre sur cet objectif partagé et à recommencer à parler d’une voix la plus commune possible. La période l’exige.

Monsieur le Premier ministre, mon propos ne serait pas complet sans un nouvel appel à cesser de financer l’économie de guerre russe et à confisquer les avoir des oligarques pour les réaffecter au soutien à l’Ukraine. Si nos sanctions ont quelques effets, elles demeurent insuffisantes. Le gaz et l’uranium ne font toujours pas partie du 12e paquet de sanctions voté en décembre par Bruxelles. En 2023, nous avons acheté à l’ennemi près de 30 milliards de ressources énergétiques, bien plus que ce que nous avons donné à l’Ukraine. Il y’a un an, 90 % de nos entreprises poursuivaient leurs activités en Russie au premier rang desquelles TotalEnergies. En « économie de guerre », on ne laisse pas le principal énergéticien faire fructifier ses affaires chez l’ennemi.

Volodymyr Zelensky nous rappelait lundi : « Vos enfants ne vont pas mourir en Ukraine. Mais nos enfants, eux, meurent, simplement parce que nous avons une frontière commune avec la Fédération de Russie. C’est nous qui payons le plus lourd tribut. ». Ce tribut, le peuple ukrainien le paie pour la défense de la démocratie, de l’état de droit, de la liberté et de l’Union européenne. Si nous laissons tomber Kiev, c’est l’Union tout entière qui sera menacée par l’impérialisme russe et l’épée de Damoclès d’une IIIe Guerre mondiale planera réellement sur nos têtes. Pour rétablir la paix, nous n’avons pas d’alternative, Vladimir Poutine doit perdre cette guerre. Sans hésitation, les écologistes voteront POUR cette déclaration et cet accord.