Le 24 octobre, lors d’un débat sur la politique de la France concernant les affrontements en cours entre le Hamas et l’Etat d’Israël, j’ai pris la parole au nom du groupe écologiste pour porter notre vision sur cette situation. Si j’ai condamné fermement les actes atroces du Hamas, j’ai rappelé qu’une guerre contre la terreur ne fera que renforcer les groupes terroristes et ne renforcera pas la sécurité d’Israël. Plutôt que de soutenir la punition collective contre tous les Gazaouis, la France doit appeler au respect du droit international, à un cessez-le-feu immédiat et jouer de tout son poids pour éviter la catastrophe humanitaire qui se profile. Vous pouvez retrouver mon intervention et le texte de celle-ci ci-dessous.

Monsieur le Président,

Madame la Première ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Le 7 octobre dernier, le Hamas a frappé Israël et son peuple avec une violence abjecte. Lors de cet attentat terroriste, plus de 1400 personnes ont été massacrées, plus de 3000 ont été blessés avec une barbarie qui a choqué les esprits et révulsé les cœurs aux quatre coins du monde. Aux quatre coins du monde, nous pleurons les victimes israéliennes mais aussi plus de 100 personnes de 38 nationalités dont une trentaine de nos compatriotes. Nous déplorons aussi plus de 200 otages dont nous appelons à la libération immédiate. Qu’il me soit permis de réitérer à cette tribune notre condamnation la plus ferme de ces atrocités, notre soutien plein et entier au peuple d’Israël et à ses amis à travers le monde.

Le 7 octobre 2023 est entré dans les livres d’Histoire. L’une de ces dates charnières que les élèves apprendront par cœur comme le jour où l’engrenage s’est enclenché et le piège du Hamas s’est refermé. A l’horreur de la barbarie du Hamas a succédé la violente riposte du Gouvernement israélien qui prend la forme d’une punition collective, opérant un siège destructeur et illégal de la bande Gaza, noyée sous un tapis de bombes, qui tuent indistinctement combattants et civils. Toute précaution prise, il ne fait pas de doute que les victimes civiles se comptent par milliers dont de nombreux enfants.

Le droit à la sécurité d’Israël auquel nous sommes profondément attachés ne peut exister que dans le respect du droit international humanitaire. Ce n’est pas un droit à une vengeance aussi aveugle que contre-productive. 

Les vingt dernières années nous ont appris qu’on ne gagne pas les «guerres contre la Terreur». Quand pour se prémunir ou se venger du terrorisme, les démocraties se rendent coupables de crimes de guerre et de massacres de civils, elles ne font que renforcer ce qu’elles cherchent à anéantir. Le terrorisme se nourrit du désespoir et de la haine. S’il est possible de tuer les combattants du Hamas, il n’est pas possible de tuer une idéologie. Le combat contre une idéologie ne peut être que politique.

Malheureusement, et c’était l’objectif de l’agresseur, c’est la perspective de résolution politique du conflit qui a reculé. La haine et le ressentiment sont à leur paroxysme, agité de chaque côté par les partisans de l’anéantissement de l’adversaire qu’il s’appelle Hamas ou extrême droite messianique. Ces pourvoyeurs de haine masquent la réalité structurelle : l’immense majorité des Palestiniens et des Israéliens aspirent à vivre en paix.

Alors que Tsahal prépare une intervention terrestre dans la bande de Gaza, la perspective de paix ne s’éloigne pas seulement entre Israël et la Palestine mais pour toute la région, voire au-delà. Au Nord d’Israël, les échanges de tirs se multiplient entre le Hezbollah et Tsahal entraînant ce week-end les premières menaces à peine voilées de l’Iran, auxquelles la diplomatie américaine a immédiatement répondu. Entre stratégie de dissuasion et perspectives d’un conflit généralisé, le monde vit dans l’expectative.

Plus que jamais, il est temps de stopper cet engrenage de violence mortifère qui ne peut qu’affaiblir davantage nos démocraties fragiles face aux empires autoritaires. Ces derniers observent avec intérêt la dégradation du climat international pour mener à bien leurs propres velléités expansionnistes, à commencer par la tentative de conquête de l’Ukraine.

En conséquence, nous demandons un cessez-le-feu immédiat et l’arrêt des combats. Ces crimes de guerre doivent cesser. Une intervention militaire au sol de Tsahal, dont les objectifs et l’efficacité sont très incertains, serait dramatique et extrêmement coûteuse en vie humaine, qu’ils s’agissent de soldats et réservistes israéliens ou de civils palestiniens. Il est également indispensable de massifier l’intervention humanitaire dans la bande de Gaza. L’ONU estime le besoin à plus de 100 camions par jour. Nous en sommes très loin.

Madame la Première ministre, si nous avons entendu une inflexion bienvenue de votre discours évoquant “une trêve humanitaire”, le propos du président de la République ce midi à Tel Aviv nous inquiète grandement. Que signifie pour l’exécutif “ [faire participer] la coopération internationale de lutte contre Daech à la lutte contre le Hamas » ? S’il s’agit de participer à des bombardements de la bande de Gaza c’est parfaitement inacceptable. S’il s’agit de livrer des armes, ça l’est tout autant.  Rappelons que les bombardements contre Daesh ont fait entre 1300 (sources officielles) et 12 000 (source journalistiques) victimes civiles dans des territoires infiniment moins denses que la bande de Gaza. 

Loin de de telles velléités belliqueuses, la France doit retrouver la voix forte qui était celle de Jacques Chirac, celle qui n’hésitait pas à refuser d’engager nos armées dans une inutile guerre contre la terreur en Irak, la voix qui était saluée en Palestine comme partout dans le monde arabe. Il est indispensable que la France fasse de nouveau entendre cette voix et la fasse résonner dans toute l’Europe.

Depuis trop d’années, l’Europe a fait sien, s’agissant du conflit israélo-palestinien le vieux principe d’Henri Queuille « il n’y a pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre ». Symbole s’il en est de lâcheté politique, ce principe de Queuille porte pourtant une signification trop souvent oubliée : l’absence de solution provoquera la résolution “simpliste” du conflit dans la douleur ou violence. Il est déplorable que nous en arrivions là. Depuis trop d’années nous avons laissé prospérer le Hamas sur les ruines du processus de paix anéanti par l’assassinat d’Yitzhak Rabin et sur les ruines de l’Autorité palestinienne dévitalisée et démonétisée par l’usure du pouvoir, la corruption mais surtout l’absence de toute perspective politique. Or sans perspectives politiques, le choix du peuple palestinien se résume au suicide à petit feu ou à l’explosion de violence.

Je n’ai pas le temps de reprendre le cours d’une histoire tumultueuse et complexe de plus de 70 ans mais nous faisons nôtre le propos et la démonstration magistrale effectuée hier à la tribune de l’Assemblée nationale par notre collègue Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des Affaires étrangères. Il a tracé le chemin qui pourrait permettre, loin des polémiques, à la classe politique de parler d’une seule voix. Il a rappelé que le préalable à tout processus de paix était l’arrêt et le reflux de la colonisation illégale qui depuis deux décennies ghettoïse et démantèle la Cisjordanie. 

Dans son annonce de reprise du processus de paix, le président de la République semble partager ce constat.  Nous le saluons, mais nous nous méfions des grands discours rarement suivis d’effets du chef de l’Etat. Aux promesses, doivent succéder sans tarder les actes, aussi nous demandons au président de la République de reconnaitre l’Etat palestinien comme l’ont déjà fait 138 pays dans le monde.

Pour construire la paix demain, il faudra un interlocuteur. Nous souhaitons que la France pèse de tout son poids pour organiser une transition démocratique à la tête de l’Autorité palestinienne. Pour ce faire, il faut plaider pour la libération des prisonniers politiques palestiniens, notamment ceux à même d’incarner cette transition et notre pensée, partagée avec Dominique de Villepin, va en premier lieu vers Marwan Barghouti. Si Israël et la communauté internationale sont incapables d’accompagner une telle transition démocratique, alors c’est toute la Cisjordanie qui menace de plonger dans le chaos à la mort de Mahmoud Abbas, occultant tout espoir de paix. 

Il est encore temps d’agir avec force en jouant une partition différente de celle des Etats-Unis. Par son existence même, l’Union européenne est la preuve par l’exemple que les ennemis irréductibles d’hier peuvent devenir les alliés de demain. L’Union doit jouer un rôle d’arbitre pour construire la paix, condition sine qua none de la sécurité d’Israël et pour que cesse ce conflit qui depuis trois quarts de siècle a engendré tant de souffrances, tant d’humiliations et emporté tant de vies.