lors que ce texte aurait mérité un examen après les conclusions du grand débat national, le Sénat a adopté le projet de loi d’Orientation des Mobilités (LOM), par 248 voix contre 18. Cette première grande loi de transports depuis 35 ans ambitionne de répondre aux enjeux nouveaux de la mobilité soulignés tant par le péril climatique que par le mouvement des gilets jaunes, dont le coût de la mobilité était la revendication première.

Malgré quelques dispositions intéressantes pour le développement du vélo et du covoiturage qui peuvent constituer, notamment en zone rurale, des solutions de mobilités moins chères et plus écologiques, ce texte reste malheureusement au milieu du gué. Principal manque, et non des moindres, l’absence de financements pérennes des infrastructures de transports collectifs notamment le rail et le fluvial complètement délaissés. Il aurait pourtant été cohérent de ne pas traiter séparément le ferroviaire du reste des mobilités.

Mon intervention lors de la discussion générale :

Grandes orientations pour déploiement des infrastructures de transports :

L’examen de la loi débutait par un rapport annexé qui fixait (sans caractère légal) les grandes orientations de la France en matière de développement des infrastructures de de transports et de moyen de financement.

Avec mon collègue Ronan Dantec, nous avons tout d’abord fait adopter un amendement pour inscrire l’objectif de la réduction des gaz-à-effet de serre (GAS) dans la programmation des infrastructures de transports.

Dans cette même logique, avec mon groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) nous avons proposé plusieurs amendements pour supprimer les avantages fiscaux des poids-lourds et pour instaurer une taxe poids-lourds. Ceci dans le double objectif de diminuer les émission de GAS et de renforcer les moyens de l’Agence financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Avec des fortunes diverses, nous avons également souhaité flécher en priorité les investissements sur vers les infrastructures ferroviaires et fluviales. Nous avons par contre fait adopté des amendements pour renforcer les objectifs de développement du fret ferroviaire et des trains de nuit.

Par ailleurs, j’ai défendu un amendement pour quadrupler les financements du Plan vélo et les porter à 200 millions d’euros  annuels comme demandé par les associations. Ils n’a malheureusement pas été adopté :

Ce rapport fixe des objectifs insuffisants et de plus, il n’est qu’indicatif et n’engage en rien le Gouvernement. La question des financements est donc renvoyée à l’examen des prochains projets de loi de Finance. C’est le plus gros manque de cette loi qui se condamne ainsi d’emblée à une forme d’impuissance…

La gouvernance des mobilités :

Afin d’assurer une continuité territoriale, le projet de loi est venu renforcer le rôle des régions dans la gestion des Autorités organisatrices de transports qui deviennent Autorités organisatrices de la mobilité (AOM) en leur transférant cette compétence par défaut dans les territoires où les communautés de communes ne s’en seraient pas saisies avant le 1er janvier 2021. Une mesure que j’aurais pu cautionner si elle était accompagnée de moyens supplémentaires pour les collectivités.

Dans les cas d’évolution majeure du périmètre local d’exercice de la compétence mobilité (fusion de communautés de communes ou création d’un syndicat mixte), le niveau intercommunal pourra demander à reprendre cette compétence. Les communautés d’agglomération, les communautés urbaines, les métropoles demeurent autorités organisatrices de la mobilité cependant.

Ces Autorités héritent désormais de compétences renforcées relatives aux mobilités partagées (covoiturage, autopartage) et aux mobilités actives (vélo, marche) ainsi que la possibilité de réguler les nouveaux services de mobilité introduite par le Sénat (scooters électriques, vélos, trottinettes, voitures en libre-service par exemple). Celles qui le souhaitent pourront contribuer elles-mêmes à la mise en œuvre et au financement de services de mobilité à caractère social ou de verser des aides individuelles à la mobilité. Un plan de mobilité rural peut également être élaboré à l’initiative d’une AOM dans les territoires non soumis à l’obligation d’un plan de mobilité.

La sortie du “tout-voiture” n’est pas pour demain…:

Nous avons défendu un amendement pour mettre fin à la vente de tous les véhicules thermiques individuels en 2040 avec l’espoir que ce compromis puisse trouver une majorité au Sénat eu égard à l’importance de sortir de notre dépendance à cette énergie très polluante. La droite sénatoriale s’y est finalement opposée, mais pas le Gouvernement, ce qui ouvre la possibilité de voir cette disposition adoptée lors de l’examen à l’Assemblée nationale.

Le Sénat a tout de même adopté des dispositions pour favoriser un “verdissement“ des flottes de véhicules d’entreprises et des flottes de taxis et VTC (au moins 10 % de véhicules à faibles émission lors de chaque renouvellement).

Le développement du vélo progresse :

Le Sénat a néanmoins considérablement enrichi les dispositions du texte, relatives au vélo. J’ai eu le plaisir de faire adopter plusieurs amendements pour rendre obligatoire la prise en charge des vélos dans les trains, les cars ou encore pour l’apprentissage du vélo sur route à l’école. En intégrant le « savoir rouler » en conditions réelles dans le socle de compétences garanties par l’école de la République, nous préparons un changement durable des habitudes de mobilité des générations futures.

Nous avons beaucoup travaillé sur le volet de vélo de ce texte, si vous voulez en apprendre plus c’est par là : http://guillaume-gontard.fr/focus-le-senat-met-le-velo-au-coeur-des-mobilites/

Le nouveau forfait mobilité un peu étoffé :

J’ai porté au nom de mon groupe plusieurs amendements visant à élargir le forfait mobilité durable en le rendant cumulable et obligatoire avec la prise en charge partielle de l’abonnement transports en commun. Nous avons aussi souhaité rendre totale la prise en charge des abonnements de transports en commun. pour les salariés les plus modestes. Nous avons également proposé que, dans un souci d’intermodalité, les salariés puissent cumuler le remboursement de leur abonnement de transport en commun et de leur abonnement de vélos en libre-service.  Ces derniers n’ont pas été adoptés. Le Sénat a tout de même ouvert la possibilité de cumuler forfait mobilité et remboursement à 50 % de l’abonnement de transports en commun, mais sans la rendre obligatoire. Le Gouvernement souhaite cette obligation, mais veut l’instaurer dans le cadre d’une négociation entre partenaires sociaux… Si l’Assemblée ne renforce pas le texte, il faudra alors compter sur la bonne volonté du MEDEF…

Ouverture à la concurrence problématique de la RATP :

Ce projet de loi a mis en œuvre les dispositions pour ouvrir la Régie autonome des transports parisiens à la concurrence comme ce Gouvernement l’avait fait pour la SNCF. Ceci va fracturer l’organisation des transports en commun en plusieurs entités au risque de fragiliser un réseau déjà mis en difficulté par une importante pression démographique.

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En conclusion, sans financements, ni pour le rail, ni pour le fluvial, ce texte ne pourra pas répondre son l’ambition de développement de la multimodalité. La désintoxication à « l’idéologie sociale de la bagnole » si bien décrite par le philosophe André Gorz, nécessite un changement global que le développement du vélo et du covoiturage ne suffira pas à opérer. La sortie du “tout-voiture” qui mine la qualité de notre air, encombre nos villes et accroît notre dette écologique n’est pas pour demain…

Partie sur de bons rails, la loi d’orientation des mobilités s’arrête malheureusement au milieu du gué… J’ai donc voté contre ce texte tout en saluant ces bonnes mesures.