J’ai défendu en séance publique la proposition de loi de ma collègue Mélanie Vogel et du groupe Ecologiste – Solidarité et Territoires , co-signée par 118 sénatrices et sénateurs de presque tous les groupes du Sénat, visant à inscrire le droit fondamental à l’interruption volontaire de grosses dans la Constitution de la République.
J’ai notamment rappelé le rôle d’une Constitution pour protéger les droits juridiquement comme politiquement. J’ai appelé le Gouvernement à s’emparer de cette volonté des groupes de la majorité et de la NUPES pour engager lui même la révision de notre Constitution.
Ceci est d’autant plus essentiel que la majorité sénatoriale, comme A CHAQUE FOIS, qu’il s’est agit de renforcer le droit des femmes, s’est opposée à ce texte et le Sénat a rejeté la proposition de loi par 172 contre 139).
Ce combat ne fait que commencer. Il se poursuivra à l’Assemblée !
Merci Monsieur le Président,
Monsieur le Garde des Sceaux,
Mes chers collègues,
Qu’est-ce qu’une Constitution ?
Les étudiants en première année de droit et de sciences politiques découvrent les bancs des universités sous-dotées et mal chauffées et, dès leur premier cours de droit constitutionnel, sont soumis à cette épineuse question.
La réponse tient en trois points :
1. Un traité d’organisation des pouvoirs publics garantissant leur séparation.
2. Un système de subordination des normes.
3. Un corpus de droits et de valeurs.
2. La Constitution est notre norme suprême. Chacun sait ici la force juridique comme symbolique du texte constitutionnel comme des principes à valeur constitutionnelle. Quand j’entends sur nos bancs qu’inscrire le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution ne servirait pas ou peu, je suis saisi par la surprise.
Alors non, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne protège pas positivement le droit à l’IVG. Oui son inscription dans le marbre constitutionnel, beaucoup plus dur à tailler que le calcaire de la loi, est une protection considérable accordée aux femmes dont rêve beaucoup à travers le monde et que l’on pleure de l’autre côté de l’Atlantique.
C’est un truisme qu’il faut étrangement répéter : il est bien plus complexe de modifier le texte constitutionnel que la loi, a fortiori dans notre Ve République rationalisée ou l’exécutif tient le Parlement dans sa main. De l’autre côté des Alpes, malgré sa victoire d’une ampleur inédite, la coalition des fascistes et de la droite n’est pas en mesure de changer la Constitution. C’est un soulagement.
Le funeste destin politique de nos voisins transalpins nous rappelle d’ailleurs que si l’IVG n’est pas aujourd’hui menacée dans notre, il faut profiter de ce moment pour le protéger avant qu’il ne soit trop tard. Pareille occasion ne se représentera pas d’aussi tôt.
3. Alors comment inscrire le droit à l’IVG dans le corpus de droit et de valeurs qu’est notre Constitution ?
Ce débat est légitime. Il est vrai que dans la tradition constitutionnelle française, ces droits et valeurs sont plutôt énumérés dans des textes historiques qui font la grandeur de notre pays : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et le magnifique Préambule de la Constitution de 1946, textes rattachés au préambule de la Constitution de 1958.
Mais ce n’est pas une exclusive, et on retrouve tout au long ses articles de la Constitution nombre de valeurs cardinales et de droits fondamentaux de notre République parmi lesquelles l’égalité, la laïcité, la souveraineté nationale, l’abolition de la peine de mort, etc.
Alors que faire ? Ecrire une nouvelle charte des droits des femmes pour compléter la trop masculine DDHC ? Renforcer l’article 1 qui assure déjà la parité politique ? Créer un article 66-2 pour interdire l’entrave à l’IVG ? Ce débat est fécond et légitime mais ce n’est pas le débat du jour.
Nous ne souhaitons pas, aujourd’hui, sur la base de ce texte, engager un processus de révision constitutionnelle d’origine parlementaire qui déboucherait sur un référendum. Nous souhaitons aujourd’hui envoyer un message politique au Gouvernement pour le rassurer, pour lui signifier qu’il trouvera au Sénat une majorité pour faire adopter un projet de loi inscrivant le droit fondamental à l’IVG dans notre Constitution.
Libre à lui de choisir la rédaction qui lui sierra le mieux, de convoquer une commission spéciale d’éminents juristes ou même une Convention citoyenne pour écrire une charte des droits des femmes.
Ce que nous souhaitons aujourd’hui c’est que le Sénat se prononce en faveur de ce principe, en faveur de ce symbole politique extrêmement fort qui rayonnera partout dans le monde, en faveur de cette protection juridique suprême.
Mes chers collègues, voter contre cette proposition de loi, c’est voter contre ce symbole et contre cette protection qu’attendent les Françaises et les femmes du monde entier. Elles ne comprendraient pas que nous nous opposions à cette consécration de leur liberté.
Je vous remercie