Je suis intervenu le 17 décembre au nom du groupe Ecologiste – Solidarité et Territoires dans le cadre du débat organisé par le Gouvernement autour de sa stratégie vaccinale.

Si nous approuvons globalement la stratégie du Gouvernement, j’ai précisé quelques points qui nous semblent essentiel, à savoir que le consentement des Françaises et des Français n’était pas négociable. Le vaccin, qui sera gratuit, doit être accessible à toutes et tous sans avoir à avancer de frais.

La transparence doit être le maitre mot pour rétablir la confiance : Transparence sur les vaccins proposés, leur fonctionnements, leurs potentiels effets secondaires; Transparence des responsables de la campagne vaccinale pour éviter tout conflit d’intérêt; Transparence des contrats signés par l’Europe avec les labos.

J’ai enfin demandé au ministre de la Santé de bien vouloir considérer en priorité dès la phase 1 de la campagne de vaccination : les personnes vivants en grande promiscuité dans foyers de travailleurs migrants et les personnes porteuses d’affections psychiatriques chroniques.

Enfin, plus largement, ce vaccin n’est pas encore le bout du tunnel que nous attendons toutes et tous. Nous allons continuer à vivre sous la contrainte. Cette contrainte doit s’équilibrer et permettre le retour d’activité de la vie autre que le travail et l’économie.

Retrouvez l’intégralité de mon intervention :

(seul le prononcé fait foi)

Merci Monsieur le Président,

Monsieur le Premier Ministre,

Mes chers collègues,

Voilà un an que le Sars-Cov-2 est apparu en Chine. La diminution des espaces naturels, le rapprochement des habitations humaines des populations d’animaux sauvages sont vraisemblablement responsables de cette pandémie qui a mis sans dessus dessous les sociétés mondiales. Voilà un an que nos vies ont été profondément bouleversées par ce virus sur lequel on a tant écrit et sur le lequel on sait encore si peu de choses. Il n’est pas encore l’heure de tirer les conséquences de cette pandémie qui est toujours notre quotidien, qui est toujours notre horizon.

Cet horizon, depuis le premier confinement, seul un hypothétique vaccin semblait permettre de le dépasser. Il y’a un mois, alors que le président de la République envisageait encore un vaccin a l’été, deux laboratoires annonçaient assez soudainement des résultats très encourageants. Résultats encourageants reposant sur une méthode révolutionnaire : des vaccins génétiques s’appuyant sur l’ARN messager.

Alors que la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’Agence européenne du médicament n’ont pas encore validé les résultats des laboratoires, des milliards de doses ont déjà été commandées par les pays européens et partout dans le monde. Vous préparez déjà la vaccination massive des Français au 1er semestre 2021. Nos voisins outre-manche n’ont même pas attendu l’avis de l’agence européenne et ont déjà commencé leur campagne de vaccination.

Il faut dire que l’impatience est grande. Le vaccin est une lumière au bout du tunnel, l’espoir du retour à la normal, de la sortie du confinement, de la réouverture de tous les lieux de convivialité, tous les lieux culturels et sportifs, du retour du lien social. Il faut dire qu’un 3e confinement est une perspective épouvantable d’un point de vue humain, d’un point de vue psychologique, d’un point de vue économique et social, d’un point de vue financier, d’un point de vue global… Monsieur le Premier ministre vous jonglez avec les injonctions contradictoires, vous cherchez le bon chemin pour sortir du maquis. Nous le savons.

Il n’en demeure pas moins que tout ceci est vertigineux. On s’apprête à inoculer à des milliards d’être-humains un vaccin révolutionnaire, produit dans un temps record avec des essais cliniques largement raccourcis, le tout pour prévenir une maladie que nous connaissons encore mal. Même si le ratio bénéfice-risque des vaccins sur le marché justifient largement la stratégie de vaccination rapide que vous nous proposez, les raisons de l’inquiétude sons légitimes et il ne faut surtout pas les balayer du revers de la main. Ainsi 60 % de nos compatriotes n’envisagent pas de se faire vacciner. Au pays de Pasteur, une telle enquête fait frémir et il faut absolument en envisager toute la portée. Car aucune stratégie de vaccination que vous pourrez imaginer ne fonctionnera sans l’assentiment des Françaises et des Français.

Vous tentez de répondre aux inquiétudes en instaurant ce Conseil citoyen présidé par l’incontestable Alain Fischer. Le Sénat s’est ému à juste titre de la multiplication des structures ad hoc pour organiser les solutions face à la crise. Mais pour le coup, la défiance étant telle à votre endroit comme au nôtre, qu’une instance citoyenne semble indispensable pour reconstruire un tant soit peu de confiance, à condition de ne pas se substituer à la représentation nationale. Cela ne semble pas être le cas, puisque vous sollicitez le Parlement en amont et nous saluons cette évolution comme nous saluons la multiplication des réunions d’information et de concertation. Il faut poursuivre dans cette voix.

En matière de confiance, la transparence est le maitre mot et je fais miennes les recommandations de l’Office parlementaire des choix scientifiques :

  • Publier sur une plateforme unique en version complète, comme en version synthétique l’intégralité des informations disponibles sur tous les vaccins proposés.
  •  Prévenir tout conflit d’intérêt en rendant obligatoire la publication de la déclaration d’intérêts de toutes celle et tous ceux qui officient à l’élaboration et au déploiement de la stratégie vaccinale.

J’en ajouterai une 3e : la publication des contrats signés par l’Union européenne avec les laboratoires pharmaceutiques.

Mais reconstruire la confiance dans un temps si court ne passera, hélas, certainement pas par les pouvoirs publics. Tout au plus, en agissant ainsi vous vous pouvez éviter d’aggraver la défiance.

Reconstruire la confiance passera par les liens humains, par les médecins généralistes, demain on l’espère par les pharmaciens. Tant que le vaccin (celui de Pfizer pour ne pas le nommer) nécessitera une telle logistique, une telle chaine du froid, malheureusement vous ne pourrez pas vous appuyez sur ces relais de proximité en qui nos concitoyennes et nos concitoyens en confiance, mais il est indispensable, et vous l’avez bien en tête de les associer dès que cela sera possible.

Reconstruire la confiance, c’est également le respect absolu du consentement en manière vaccinale et à ce niveau-là, les efforts que vous prévoyez, notamment pour les pensionnaires des EPHAD, nous semblent aller dans le bon sens.

Globalement la stratégie que vous nous proposez, notamment son phasage, nous apparait bien calibrée. Nous vous invitons à ne pas précipiter les choses si d’aventure les conclusions de l’Agence européenne et de la HAS étaient mitigées ou si vous rencontriez des difficultés logistiques à même de perturber le lancement de la phase 1.

Par ailleurs, sur recommandation, notamment de l’épidémiologiste Alfred Spira, nous vous demandons de bien vouloir permettre dès la phase 1, la vaccination de certains publics particulièrement fragiles et exposés :

  • Les personnes vivant en foyers de travailleurs migrants. Il s’agit de personnes souvent âgées, présentant une forte fragilité sanitaire et de fréquents problèmes de vulnérabilité psychique, en situation de séjour régulière, connaissant d’importantes difficultés financières, vivant en collectivité et dans une grande promiscuité. 
  • Les personnes porteuses d’affections psychiatriques chroniques vivant en institution de moyen et long séjour, particulièrement fragiles et fortement impactées matériellement et socialement par la crise sanitaire.

Nous sommes vous demandons également d’envisager la vaccination, dès la phase 2, des personnes vulnérables et précaires, très fragiles sanitairement et socialement, cibles et vecteurs importants du virus, actuellement classées en Phase 3. Il parait cohérent de les vacciner dès la phase 2, à la même période que les professionnels des secteurs de la santé et du médico-social qui les prennent en charge. 

Enfin nous saluons votre décision de prendre en charge intégralement le coût des vaccins. Nous vous demandons en complément de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les personnes les plus précaires n’aient pas de frais à avancer.

Nous n’avons pas encore beaucoup de recul sur ces vaccins, mais ils semblent protéger efficacement les personnes les plus exposés à la violence du virus sans présenter de risques ou d’effets secondaires handicapants. Il est légitime de commencer par elles sans attendre tout en poursuivant les recherches et en attendant le développement d’autre solutions vaccinales.

Cependant, ce vaccin n’est pas le bout du tunnel que je décrivais tout à l’heure. Nous n’avons encore aucune certitude sur le fait qu’il bloque la transmission du virus. Aussi, s’il permet, et nous le souhaitons, de permettre aux secteurs les plus touchés par les mesures de confinement de reprendre progressivement leur activité, il ne doit surtout pas apparaitre comme un totem d’immunité pour reprendre les mots du ministre de la Santé.

Il faut naturellement maintenir les gestes barrière et, pour permettre de retrouver un peu de nos vies en dehors de l’activité économique, il faut surtout maintenir autant que possible le télétravail.  C’est votre défi pour la période qui s’ouvre et pour reconstruire cette confiance : rééquilibrer les mesures coercitives qui perdureront : contraindre davantage le travail pour permettre la reprise des autres activités humaines. Notre population est épuisée par cette année 2020 et a besoin de perspectives rapides d’oxygénation mentale que le vaccin n’apportera pas dans un futur proche.