Mercredi 2 juillet au Sénat, je suis intervenu au nom du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires sur la situation au Proche et au Moyen Orient.

J’ai insisté sur le caractère illégal et sans doute contre-productif de l’attaque israélienne en Iran.

J’ai rappelé la nécessité de réaffirmer la prééminence de la diplomatie et du droit international sur la force

J’ai enfin exhorté François Bayrou à agir avec force pour stopper le « génocide en cours » à Gaza !

Vous pouvez retrouver mon intervention en vidéo et sous format texte ci-dessous :



Monsieur le Premier ministre,

Merci d’avoir enfin convoqué le Parlement pour évoquer la situation au Proche-Orient comme les parlementaires écologistes vous le demandent depuis la rupture du cessez-le-feu à Gaza le 18 mars dernier…

Depuis, une saison complète est passée où les bombardements israéliens ont tué près de 6 000 et blessé près de 20 000 Palestiniens.

Depuis, une saison complète est passée où Israël, épaulée par les États-Unis, a lancé, au mépris des règles internationales, un raid sur l’Iran, visant le programme nucléaire et les principaux symboles du tyrannique régime des Mollahs. Un millier de victimes civiles et près de 4 500 blessés côté iranien, 28 victimes et 850 blessés côté israélien.

Une saison complète est passée où la timide voix de la France, qui envisageait de reconnaître enfin l’Etat de Palestine, s’est évanouie.

Face au retour de la violence comme projet politique, la voix de la France, la voix de l’Europe sont désespérément attendues pour défendre le droit international.

Mais dans le fracas des bombes, ces voix sont inaudibles.

Faute de courage, en dehors du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez.

Faute de cohérence alors que les deux poids, deux mesures s’agissant du soutien à Israël est indéfendable.

Faute d’unité alors que la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne peinent à accorder leurs violons et que l’Italie se trumpise.

Cette faiblesse de l’Europe, illustrée par le lapin posé par Donald Trump aux dirigeants européens au sommet du G7, avant d’exiger leurs courbettes au sommet de l’OTAN, est le tombeau du droit international.

Ce n’est pas la première fois que l’Europe n’est pas au rendez-vous de l’Histoire et de sa puissance géopolitique.

Le 21 août 2013 dans la Ghouta orientale, 1845 opposants syriens ont péri asphyxiés et 10 000 ont été intoxiqués par le gaz sarin lâché par Bachar El Assad. Ce jour-là, nous avons renoncé à faire respecter le droit international, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le droit humain le plus élémentaire.

Faute de vouloir agir sans le grand frère états-unien, la France et le Royaume-Uni ont non seulement laissé mourir l’opposition syrienne mais pire encore, ils ont montré notre faiblesse et réveillé l’appétit des empires. La Crimée est tombée quelques mois plus tard, provoquant l’engrenage délétère de l’agression russe de l’Ukraine que nous ne parvenons pas à juguler.

En 2013, alors que le traumatisme de l’injustifiable invasion préventive de l’Irak était encore vif, la décision d’une nouvelle intervention militaire contre un dictateur arabe était indubitablement difficile à prendre.

En 2025 en revanche, ce qui est attendu de nous est plus simple : défendre le droit international, défendre la paix, défendre la diplomatie et utiliser nos outils diplomatiques, juridiques, économiques, pour mettre un terme à la fuite en avant meurtrière, non pas d’une dictature ennemie, mais de ce que nous espérons encore être une démocratie amie.

La dérive de Benyamin Netanyahu est le fruit de notre incapacité à faire respecter le droit international. Le Premier ministre israélien d’extrême droite est un opposant à la solution à deux États et fait tout depuis des années pour la rendre inopérante. Son ambition est l’annexion de Gaza et la colonisation de la Cisjordanie. Aux Gazaouis il ne laisse que deux choix : la mort ou l’exil. Il ne croit pas davantage à la paix avec ses voisins. Sa stratégie est de semer le chaos au Liban, en Syrie et en Iran pour gagner quelques années de tranquillité.

Estomaqué par la barbarie des attentats du 7 octobre, pétrifié par le sort des otages, nous le laissons déployer un plan qui est tout sauf improvisé. En 2025 nous n’avons plus l’excuse de l’ignorance.

L’Afghanistan, qui a vu le retour des Talibans, l’Irak, qui a vu naître un État terroriste, la Libye, devenue une zone de non droit où réapparait l’esclavage, ont montré où conduit le chaos engendré par nos guerres préventives.

La guerre contre l’Iran s’inscrit dans la même veine. Les bombes ne peuvent ni tuer une idéologie, ni détruire un projet politique, ni importer la démocratie. Elles ne créent que la désolation et le ressentiment qui fabriquent les ennemis de demain.

S’agissant de la réussite de l’opération militaire, nous ne savons rien ou presque. Il nous faudrait faire confiance au président des États-Unis, peu réputé pour son exigence de vérité. Le programme nucléaire a sans doute pris du retard mais l’uranium enrichi circule toujours en Iran. Il est désastreux et contreproductif que les agents de l’AIEA ne puissent pas reprendre leurs missions en Iran en toute sécurité.

Quant à la volonté politique de se doter de LA bombe, elle précédait la révolution islamique et lui succédera sans doute.

Comment pourrait-il en être autrement dans un monde régi par la loi du plus fort où seule la dissuasion nucléaire semble être une assurance vie ?

Si chacun souhaite la chute de de ce régime tyrannique, gardons à l’esprit le précédent irakien. La 1ere guerre du Golfe a entraîné la désolation pour le peuple irakien avec Saddam Hussein, la seconde a produit le même effet sans Saddam Hussein… La guerre ne résout rien, a fortiori sans projet politique. Après les bombes, c’est la répression qui s’abat sur le peuple iranien. Nous souffrons avec lui comme nous tremblons avec nos otages.

Contrairement à vos hésitations, la France doit, comme l’avait fait Jacques Chirac, refuser et condamner fermement le recours illégal à la force.

Comme il y a peu, sous le quinquennat de François Hollande encore, la France doit redevenir une grande Nation diplomatique.

Celle qui avait obtenu la signature de l’accord de Vienne, seul recul du programme nucléaire iranien ces 20 dernières années, et de l’accord de Paris.

Accord de Paris dont l’objectif de contenir le réchauffement climatique en deçà 1,5 C° est aujourd’hui inatteignable selon le consensus scientifique comme l’illustre cette suffocante canicule. L’humanité fait face au plus grand défi de son Histoire qui devrait nous rassembler dans une commune urgence de survie de l’espèce.

Au lieu de cela, les humains, tétanisés par le déni, la cupidité ou les deux, retombent progressivement dans les pires travers du XXème siècle. Désespérant…

Monsieur le Premier ministre, il est encore temps d’agir mais pour cela la France doit parler d’une voix ferme pour tenter d’emmener avec elle une Europe divisée.

Cela passe par la reconnaissance immédiate de l’État palestinien, avec ou sans allié. Nous avons la faiblesse de croire que notre voix pèse encore suffisamment pour avoir un effet d’entraînement.

Cela passe par la suspension de l’accord d’association avec Israël et de toutes nos coopérations.

Cela passe par un embargo sur toutes nos exportations d’armes, même défensives. La France n’a pas à assurer les arrières des aventures bellicistes illégales d’Israël.

Cela passe par l’application stricte des mandats de la CPI.

Cela passe par l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza par notre propre marine.

Cela passe par l’exigence de réforme de l’Autorité palestinienne et la tenue d’élections.

Si elle s’en donne la peine, la France peut, avec l’Europe, parler d’une voix forte pour construire le retour de la diplomatie et œuvrer à la refonte du cadre multilatéral hérité de la Seconde guerre mondiale, aujourd’hui dépassé.

Un mot enfin pour dire que notre diplomatie doit accorder une place beaucoup plus importante aux sociétés civiles des régimes autoritaires. Il faut naturellement renforcer et mieux cibler notre aide publique au développement sabrée par les coupes budgétaires.

Il faut aussi bâtir une politique d’accueil et d’asile digne pour tous.

Au lieu d’organiser d’infâmes rafles et de distribuer les OQTF, nous devons accueillir, former et aider à se reconstruire les réfugiés notamment iraniens, syriens, libanais, palestiniens, etc qui frappent à notre porte. C’est ainsi que nous pouvons œuvrer pour la transition démocratique et la paix au Proche-Orient et dans le monde.

Enfin, la paix mondiale va de pair avec la lutte contre le dérèglement climatique : il nous faut compléter notre transition énergétique pour cesser notre dépendance aux hydrocarbures et à l’uranium des dictateurs et autres carbo-fascistes.

Monsieur le Premier ministre, la France ne peut pas œuvrer à la paix mondiale en se repliant sur elle-même.

Je vous remercie.