Près de deux ans après la signature d’un accord pluriannuel entre l’Etat et la Région Auvergne-Rhône-Alpes (dit Contrat-Plan Etat-Région – CPER), son volet mobilités n’était toujours pas signé. Si un accord a enfin été signé ce jour, ce long délai a largement retardé nombre de projets particulièrement attendus par les habitants de notre région. Ce bras de fer politique entre le Président de région et le gouvernement est d’autant plus regrettable que ce CPER ne court que jusqu’à fin 2027.
Surtout, ce temps supplémentaire ne semble pas avoir été mis à profit pour suffisamment consulter les différentes collectivités, qui sont nombreuses à se plaindre d’un accord conclu en toute opacité. J’ai pu m’en rendre compte à l’occasion d’une réunion du comité de pilotage de l’étoile ferroviaire grenobloise du 27 mai, lors de laquelle les collectivités ont largement critiqué le manque d’information : les coût annoncés varient ainsi du simple au double et de nombreuses échéances ne sont pas tenues.
Enfin, le contenu de ce volet mobilités du CPER n’est clairement pas à la hauteur des attentes. La plus grosse enveloppe de ce plan ira ainsi au développement du transport routier : 494 millions d’euros sur un total de 1,38 milliards d’euros. Si l’entretien de certains ouvrages d’art et divers aménagements de voirie sont nécessaires, comment peut-on présenter ce CPER comme un “plan de décarbonation” en investissant prioritairement dans un mode de déplacement particulièrement polluant ?
A l’inverse, le réseau ferroviaire de notre région ne bénéficiera que de 430 millions d’euros d’investissements, bien en-deçà des besoins. Rames saturées, lignes de desserte fine du territoire délaissées, gares à réaménager, voies insuffisamment protégées, passages à niveau dangereux, électrification… Après des années de sous-investissement, dont la ligne Lyon-Grenoble est un exemple flagrant, les chantiers ne manquent pas. Avec cette enveloppe, peu d’entre eux pourront être réalisés.
Certes, Laurent Wauquiez promet qu’aucune “petite ligne” ferroviaire ne fermera, mais il ne compte pas en rouvrir pour autant. Or, de nombreux territoires disposent de lignes pouvant être réutilisées, ce qui permettrait d’offrir des alternatives à la voiture. Par ailleurs, certaines lignes sont certes ouvertes, mais elles dysfonctionnent fortement et la fréquence de passage des trains y est trop faible pour convaincre suffisamment d’habitants d’abandonner leur véhicule personnel. C’est par exemple le cas de la ligne des Alpes Grenoble-Veynes-Gap, sauvée par des années de mobilisation, mais qui a impérativement besoin d’être rénovée.
Toujours concernant le ferroviaire, ce CPER prévoit également 322 millions d’euros pour les Services Express Régionaux Métropolitains, pour six étoiles ferroviaires (Annemasse – Genève, Chambéry, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon et Saint-Étienne). Des montants ridicules face aux besoins : pour le seul RER métropolitain de Grenoble, les coûts devraient monter jusqu’à 1 milliard d’euros… J’ai d’ailleurs déposé une récente question au gouvernement sur ce sujet.
Le Président de Région a ouvertement fait le choix de ne pas se concentrer sur “les gens qui habitent dans les centres-villes et les mégalopoles” afin de ne pas “abandonner les autres territoires”. Les SERM visent pourtant à désenclaver les zones périurbaines et rurales à proximité des métropoles, ils ne concernent donc pas directement les centres urbains. Ce dogmatisme est d’autant plus dommageable qu’il va conduire à augmenter les coûts des projets de SERM : plus nous attendons, plus les prix des matériaux, de la main-d’œuvre et d’autres coûts de travaux vont augmenter. Le récent exemple de la halte ferroviaire de Brignoud (Grésivaudan), dont le coût a doublé, en témoigne.
Ainsi, ce CPER est une immense occasion manquée pour les habitants de notre région – ruraux comme urbains -, qui attendent au contraire des investissements massifs pour améliorer leurs transports du quotidien, en particulier ceux dont la Région a la compétence, à savoir les trains régionaux.
Crédit photo : Fabien Perissinotto