En plein débat sur la hausse des carburants qui interroge sur notre dépendance à la voiture individuelle, l’avenir de la ligne Grenoble-Veynes-Gap est de plus en plus sombre. Ce qui ne rassurera pas nos concitoyens inquiets pour leur mobilité…

A ce jour, le financement sur seulement deux tronçons est acté : celui de Grenoble-Vif et celui de Veynes-Aspres. Malgré des annonces rassurantes faites à la rentrée 2018 sur le financement total de la ligne pour éviter sa fermeture programmée en 2020, l’absence d’engagement précis sur les montants et surtout sur le calendrier porte à croire à une forme déguisée d’abandon de la ligne, du moins de la part de l’Etat.

L’arrêt d’exploitation de la ligne interviendra en décembre 2020, si les travaux de signalisation et de remise en état des voies ne sont pas engagés d’ici là. Il est donc impératif que les engagements financiers des collectivités et de l’Etat soient confirmés dans le cadre du Contrat de Plan Etat-Région actuel (2015-2020) et pas plus tard ! Les collectivités (Région Auvergne Rhône-Alpes, Grenoble Alpes Métropole et Département de l’Isère) se sont dites prêtes à engager les investissements avant 2020, la position de l’Etat est quant à elle beaucoup plus hésitante.

Elisabeth BORNE, ministre des Transports, a conditionné l’intervention de l’Etat à la réalisation de deux études : une étude « socio-économique » sur la fréquentation par tronçon et ses potentiels de développement ; une étude plus technique sur la nature des travaux à engager, leurs coûts, et le calendrier de mise en œuvre.

Le délai de réalisation de ces études pourrait remettre en cause l’engagement des partenaires financiers avant 2020 et induire, par voie de conséquence, la fermeture programmée de la ligne. L’opportunité de ces études est contestable, au regard du nombre conséquent d’enquêtes de fréquentation et de diagnostics déjà réalisés sur le type de travaux à engager.

Ces études seront confiées à SNCF Réseau qui, jusque-là, a toujours établi un diagnostic très pessimiste de la ligne et n’a pas participé à encourager son développement. Bien au contraire, le service s’est dégradé faute d’entretien courant et à cause des ralentissements préventifs, sans raison particulière, sur des tronçons qui avaient pourtant récemment fait l’objet de travaux…

Partout en France, les lignes ferroviaires « suspendues » ou fermées n’ont jamais fait l’objet de décisions claires et assumées par l’Etat et la SNCF. Le scénario est malheureusement toujours identique : laisser le service se dégrader peu à peu, jusqu’à ce que la voie, trop longtemps délaissée, ne permette plus aux trains de rouler en toute sécurité.

C’est la situation à laquelle on assiste aujourd’hui sur la ligne Grenoble-Veynes-Gap.

Si l’Etat veut fermer la ligne, qu’il assume ses responsabilités plutôt que de se défausser en se cachant derrière des études techniques. Il pourra ainsi aller expliquer aux « gilets jaunes » les alternatives qu’il met en place pour limiter la dépendance de nos territoires ruraux à la voiture et résorber les fractures territoriales. Car, les premiers cas pratiques de l’application de la réforme ferroviaire tendent à confirmer les inquiétudes que nous avions au moment du débat au Sénat : loin de résorber les difficultés du rail français, l’ouverture à la concurrence entraînera, comme en Allemagne, la disparition de 20 % du réseau ferré et en particulier les lignes les moins rentables !

L’échec patent des « cars Macron » nous rappelle d’ailleurs que le bus plus lent, plus polluant, moins fiable ne peut constituer une alternative satisfaisante au rail. Ainsi, entre Clelles et Grenoble, il faudra substituer à 1h de train, 1h30 de bus dans le meilleur des cas.

Comme tant d’autres, cette « ligne de vie » est essentielle pour porter une véritable ambition pour nos territoires éloignés des centres urbains. Il est plus que temps que le Gouvernement mette en cohérence ses actes et son discours en matière de transition écologique.