Après 120 heures de débat et près de 2000 amendements examinés, le Sénat a adopté mardi 11 décembre le projet de loi de finances pour 2019 dans le contexte social houleux que nous connaissons. Avant le vote, la discussion a été ré-ouverte en urgence pour y intégrer l’augmentation de la prime d’activité annoncée la veille par le président (il ne s’agit donc pas d’une augmentation du SMIC ; d’ailleurs tous les bénéficiaires du SMIC ne bénéficient pas de cette prime).
A la fois à l’écoute des revendications du mouvement social et complètement fermé à ses aspirations, le Sénat aura réussi un grand écart curieux.
Ainsi, anticipant de plusieurs jours la décision du Premier ministre, le Sénat a supprimé l’augmentation de la fiscalité sur les carburants pour 2019, suppression confirmée donc par le Gouvernement. Il a également fléché une partie des recettes de la Taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) vers les collectivités locales, qui sont moteurs pour engager la transition écologique.
Mais le Sénat est resté parfaitement sourd aux aspirations de justice fiscale des gilets jaunes, refusant, comme le proposait la gauche unanime, de rétablir l’ISF ou encore en confirmant l’allègement de l’exit taxe (qui impose les capitaux sortant de France) voulu par le Gouvernement.
A part les dotations aux collectivités locales et aux territoires ruraux, le Sénat a globalement proposé un budget encore plus injuste que la proposition de l’exécutif. Il ne fait pas de doute que la droite sénatoriale applaudit des deux mains le projet économique du Gouvernement.
Le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste auquel j’appartiens a déposé 141 amendements et a réussi à en faire adopter 20 (pas les plus importants). Insuffisant, nous nous sommes unanimement prononcés contre ce projet de budget 2019. Pour ma part, en tant que membre de la commission de l’Aménagement du territoire et du Développement durable, je me suis principalement intéressé aux volets écologiques du projet de loi de finance.
Première partie relative aux recettes de l’Etat :
Instaurer une fiscalité vraiment écologique
- Pour instaurer une fiscalité écologique digne de ce nom, c’est-à-dire mettant prioritairement à contribution les plus gros pollueurs et les plus aisés, j’ai proposé un amendement pour supprimer, pour les vols intérieurs, l’incompréhensible exonération de TICPE sur le kérosène des avions. L’avion est le mode de transport le plus polluant de tous, il doit contribuer autant, voire plus, que les autres à l’effort fiscal en faveur de la transition écologique.
- Dans la même logique, et pour élargir la démarche à l’ensemble des vols sans modifier les conventions internationales, j’ai soutenu l’amendement de mon collègue Ronan Dantec pour instaurer une taxe écologique sur les billets d’avions sur le modèle de la « taxe Chirac ». Il s’agissait ainsi de corriger l’injustice manifeste qui fait qu’un ménage modeste qui utilise sa voiture pour ses déplacements paye sa part de contribution climat énergie (CCE) là où une famille aisée qui prend l’avion n’y contribue pas.
- Nous avons également porté un amendement pour lutter contre l’artificialisation des sols, mais également contre la dévitalisation de nos centre-villes, en voulant soumettre les centres de stockage d’Amazone et des géants de la vente en ligne à la Taxe sur les surfaces commerciales (Tascom).
- Sur une proposition du collectif Citoyen.nes lobbyiste d’Intérêt Commun (CLIC), j’ai défendu un amendement proposant de sortir l’huile de palme et l’huile de soja de la liste des biocarburants (ou plutôt devrais-je dire agrocarburants) et ainsi supprimer les exonérations fiscales dont bénéficient ces carburants végétaux. Exonération incompréhensible pour l’huile de palme et l’huile de soja, produits massivement responsables de la déforestation et du réchauffement climatique…
Epauler les collectivités locales :
- Avec ma collègue Marie-Noëlle Lienemann et le groupe CRCE, sur proposition d’AMORCE nous avons déposé plusieurs amendements pour faciliter les activités de collectes des ordures. Les premiers avaient pour objet de lisser la hausse de trajectoire et la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et de la doter d’un mécanisme incitatif pour renforcer son efficacité. Les seconds avaient pour objet de clarifier le périmètre de la Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) mis à mal par la jurisprudence du Conseil d’Etat.
- Le Gouvernement a fait le choix de supprimer les exonérations fiscales sur le gazole non routier (GNR). Si je n’ai pas d’opposition de principe à cette mesure, elle aurait mérité d’être examinée un peu plus finement. Pour les petites communes de montagne, cette mesure entraînera une hausse du budget de déneigement de plusieurs milliers d’euros souvent difficile à assumer pour ces petites communes qui ont déjà vu fondre les dotations de l’Etat. J’ai donc déposé un amendement pour maintenir cette exonération sur les activités de déneigement, mais également pour les activités de damages dans les petites stations de ski gérées en régie communale.
Finalement, le Sénat a rétabli l’exonération de fiscalité sur le GNR pour l’essentiel des activités économiques.
Deuxième partie relative aux dépenses de l’Etat :
Lors de l’examen de la seconde partie du budget, je me suis essentiellement concentré sur les crédits du ministère de la Transition écologique et solidaire. J’ai dénoncé l’hypocrisie du Gouvernement qui ponctionne les automobilistes en parlant de « fiscalité écologique » et n’utilise pas cet argent pour la transition écologique. Ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux, même pas à la hauteur des promesses et on comprend le départ de Nicolas Hulot.
Pour approfondir sur le ce sujet, je vous invite à consulter cet autre article :
Budget 2019 – Crédits de la mission écologie : aucun effort budgétaire…
J’ai également déposé 3 amendement,s élaborés avec le CLER, pour développer la rénovation thermique du bâtiment.
- Le premier pour rétablir l’enveloppe du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) honteusement diminuée par le Gouvernement.
- Le deuxième pour maintenir les conditions d’ancienneté de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). De manière aberrante, le Gouvernement souhaite l’ouvrir à tous les immeubles de plus de deux ans d’ancienneté. Il faut réserver cette enveloppe, qui ne peut pas couvrir tous les besoins, au bâti ancien.
- Le troisième pour préserver la condition de l’approche par « bouquet de travaux » pour l’éco-PTZ. En termes de rénovation thermique d’un bâtiment, corriger un seul élément (comme les fenêtres) est inefficace. Il faut envisager une approche globale pour une rénovation thermique utile. Pour ne pas gaspiller le trop rare argent public, il faut l’utiliser en ce sens. Cet amendement a été adopté ! Le seul de ceux que j’avais proposés.
Pour retrouver tous mes amendements c’est ICI et tous ceux de mon groupe c’est ICI.