Jeudi 28 mai lors de la séance de nuit, le Sénat a adopté le projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Mais ce texte qualifié de « fourre-tout », est dangereux sur de nombreux aspects, et c’est pourquoi notre groupe CRCE a décidé de voter contre.
De nombreux élus ont posé des réserves sur ce projet de loi dénué de fil conducteur, qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur des pans entiers du droit pendant plusieurs mois.
Il porte sur des sujets aussi divers que la prolongation du versement de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA), la réforme du divorce, le code de justice pénale des mineurs, les règles d’intéressement dans les petites et moyennes entreprises, la gouvernance des fédérations de chasseurs, etc.
Au niveau du travail, d’abord, ce texte porte un mauvais coup aux droits sociaux : ponction des réserves des régimes de retraite, et mesures visant à modifier le régime exceptionnel de l’activité partielle pour inciter à une reprise progressive de l’activité. Pourtant, ce régime a permis de maintenir la rémunération des salariés et d’alléger la charge salariale des entreprises pendant la crise. La reprise d’activité normale prendra du temps dans de nombreux secteurs, donc revenir sur ces aides pourraient accélérer des pertes de revenus des familles, ou des dépôts de bilan. Par ailleurs, l’autorisation à déroger aux limitations des contrats précaires et à ses conditions de recours dans les entreprises (CDD, intérim), montre la conception du travail du Gouvernement qui multiplie les salariés précaires et flexibles. Enfin, on ne peut que contester l’amendement des Républicains sur la possibilité donnée à un salarié en chômage partiel de monétiser ses jours de congés, ou d’en faire don à un collègue. Ce sont toujours les mêmes qui doivent payer pour aider. Mais qu’en est-il de la contribution des hauts revenus ? C’est un vrai recul du droit social.
En matière pénale, le Sénat a re-précisé les dispositions sur la réorientation des procédures contraventionnelles et correctionnelles par les procureurs de la République, et les mesures visant à mieux assurer le fonctionnement des assises et la procédure de jugement des crimes dans le contexte de crise. La Chambre Haute a aussi approuvé le report au 31 mars 2021 de l’entrée en vigueur du nouveau code de justice pénale des mineurs. Enfin, la demande d’extension à trente départements de l’expérimentation de la cour criminelle a été rejetée, le Parlement estimant que cette expérimentation ne doit pas servir à expédier toutes les affaires criminelles en attente de jugement.
En matière de santé, suivant l’avis défavorable du Gouvernement, Républicains et Marcheurs ont voté majoritairement contre l’amendement de Laurence Rossignol, visant à permettre temporairement aux femmes de recourir à une interruption de grossesse jusqu’à 14 semaines au lieu de 12. Bien que proposé à plusieurs reprises, cet amendement a toujours été farouchement rejeté, alors que le corps médical le répète : la crise a eu des effets néfastes sur l’accès à l’IVG.
Le Gouvernement a fondé le texte sur l’article 38 de la Constitution, pour déroger au droit commun de la répartition des compétences législatives et parlementaires, et se justifie en invoquant l’urgence et les incertitudes pesant sur la sortie de crise. Il amplifie encore la position de l’exécutif à réduire autant que possible les pouvoirs du Parlement. La mise à mal du rôle essentiel du législatif de contrôle sur l’exécutif, s’accentue fortement depuis le début de la crise. Le recours abusif aux ordonnances et le peu de place laissé au débat parlementaire est inacceptable. Le Parlement a pourtant largement prouvé sa capacité à réagir face aux situations d’urgence pendant la crise, sans besoin de recourir massivement aux ordonnances. C’est la raison pour laquelle le Sénat a veillé à préserver au mieux les droits du Parlement tout en luttant efficacement contre les effets de la crise sanitaire en proposant de réduire le nombre d’habilitations à légiférer par ordonnances a été réduit de 24 à 10. De même, le délai des habilitations à légiférer par ordonnances qui était anormalement long et peu compréhensible a été drastiquement réduit. On peut saluer aussi le renforcement du contrôle parlementaire sur la préparation et la mise en œuvre des ordonnances : le Parlement sera informé et consulté sans délai des mesures d’application prises par le Gouvernement.