Au fil de mes échanges réguliers avec les maires de l’Isère, nombre d’entre eux m’ont fait part de leurs difficultés à mettre en œuvre le transfert des compétences eau et assainissement vers les intercommunalités et à réduire progressivement l’artificialisation des sols, dispositif connu sous le nom de ZAN (zéro artificialisation nette prévue pour 2050). Si je tiens à saluer la détermination de beaucoup d’élus à respecter ces lois importantes, je sais aussi qu’elles posent beaucoup de questions, souvent très techniques. Alors que le nouveau gouvernement prévoit des évolutions sur ces deux dossiers, je souhaite donc vous informer de nos débats et des positions que je défends, avec le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, que j’ai l’honneur de présider.
Concernant tout d’abord le ZAN, qui prévoit de diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols d’ici 2031 puis de compenser toute nouvelle artificialisation par de la renaturation d’ici 2050, ce principe est a été proposé par la Convention Citoyenne pour le Climat et inscrit dans la loi Climat et Résilience en 2021. Je tiens à nouveau à rappeler combien cet objectif me semble essentiel : alors que plus de 20.000 hectares sont artificialisés chaque année en France, la surface agricole, naturelle et forestière recule. Outre le changement de paysage, cette artificialisation à rythme soutenu porte atteinte à l’équilibre entre les territoires – certains étant beaucoup plus bétonnés que d’autres – et au foncier agricole, mettant en péril notre souveraineté alimentaire déjà fragile. Enfin, cette artificialisation pose de grands problèmes pour notre climat, à la fois car elle détruit des puits de carbone comme nos forêts, mais aussi car elle empêche la bonne infiltration des eaux dans le sol et renforce les effets d’îlots de chaleur. Notre indispensable adaptation au changement climatique suppose donc de réduire très fortement l’artificialisation.
Bien sûr, j’ai conscience des conséquences de cette loi sur nos communes. Le développement économique et la réponse à la crise du logement nécessitent de trouver des terrains sur lesquels construire. Ayant moi-même été maire, je sais que transformer des terrains en zones constructibles et augmenter la population apporte des ressources financières importantes pour les communes (DGF, taxe foncière…). Parvenir à terme à zéro artificialisation nette implique donc une révolution copernicienne dans notre conception de l’aménagement du territoire et des finances locales.
Si je comprends donc parfaitement les peurs et les inquiétudes que suscite le ZAN, je considère en revanche les tentatives et annonces de détricotage de cette loi comme profondément erronées, au vu des enjeux alimentaires et climatiques. Ainsi, la
volonté – illégale – de l’ancien Président de Région Laurent Wauquiez de ne pas respecter le ZAN et les réformes visant à affaiblir ce principe, portées notamment par la droite sénatoriale, me paraissent irresponsables.
Le ZAN, s’il est correctement appliqué, avec un esprit de solidarité, est une opportunité pour nos territoires ruraux. C’est une occasion de rééquilibrer les territoires et d’inverser la tendance de surmétropolisation. Refuser cette démarche, c’est jouer le jeu de la centralisation. Après le vote d’une première réforme en 2023 instaurant notamment une “garantie” d’un hectare par commune, le Sénat vient de remettre un rapport sur le ZAN et le Premier Ministre a déclaré vouloir “faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation “zéro artificialisation nette”. De nouvelles évolutions devraient donc intervenir prochainement.
Dans toutes les discussions qui ont eu lieu sur ce sujet, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a été force de propositions pour que les futures réformes aident concrètement les communes à respecter le ZAN plutôt qu’elles ne fragilisent l’objectif de la loi, comme le souhaite la droite sénatoriale. Pour donner des moyens financiers aux communes pour mettre en œuvre le ZAN, nous avons donc défendu :
-Le renforcement du Fonds Vert à 5 milliards d’euros par an, plutôt que sa réduction, le gouvernement prévoyant des coupes draconiennes d’1,5 milliards pour 2025. Nous souhaitons aussi instaurer une bonification de 15% pour les projets entraînant une baisse de la consommation foncière.
-Le vote d’une loi pluriannuelle de transition écologique sanctuarisant des enveloppes dédiées aux collectivités. Sans cette visibilité, les communes sont incapables de concevoir des projets et nous accumulons un retard très regrettable.
-La généralisation des Établissements Publics Fonciers (EPF), qui acquièrent des terrains et peuvent les pré-aménager avant de les revendre aux collectivités ou aux opérateurs qu’elles mandatent. Afin de donner plus de moyens aux EPF, nous souhaitons également renforcer la Taxe Spéciale d’Équipement (TSE) en la déplafonnant et en élargissant son assiette.
-Le renforcement de la lutte contre les logements vides ou sous-occupés en permettant à toutes les communes de majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) comme elles le souhaitent et en décorrélant le taux de la taxe foncière de la THRS et de la taxe d’habitation.
-La modulation de la taxe d’aménagement et la taxe foncière selon l’impact foncier des projets, avec un système de malus pour les projets très consommateurs de foncier et de bonus pour les projets de densification, de renaturation ou de réhabilitation.
-La création d’une dotation environnementale dans la DGF pour les communes peu artificialisées, afin de reconnaître l’importance de préserver nos sols.
Par ailleurs, nous avons aussi suggéré plusieurs pistes pour concilier l’objectif du ZAN avec la nécessité de répondre à la crise du logement abordable :
-Renforcer le prêt à taux zéro (PTZ) de l’Etat pour les ménages modestes pour leur permettre plus facilement de devenir propriétaires, en augmentant l’aide de l’Etat.
-Abaisser le taux de TVA à 5,5% sur les travaux de renaturation, de rénovation, de réhabilitation, de démolition-construction pour les communes et les bailleurs sociaux, afin d’encourager à “reconstruire la ville sur la ville”.
-Renforcer les fonds des bailleurs sociaux en compensant la réduction de loyers de solidarité (RLS) qui a mis à mal leurs finances, en la conditionnant à des opérations nonartificialisantes.
-Rendre obligatoire la création ou la contractualisation des collectivités avec des offices fonciers solidaires (OFS), chargés d’acquérir des terrains. Les promoteurs peuvent ensuite mener des opérations immobilières sur ces terrains, mais la propriété du terrain reste aux OFS. Cela permet à la fois de réduire le coût d’achat d’un logement (puisque le terrain n’en fait pas partie) et de conserver un levier essentiel pour la politique urbaine.
Autant de propositions concrètes que nous présenterons à l’occasion des prochaines évolutions législatives du ZAN, afin de garantir ce principe, tout en renforçant les moyens des collectivités.
Crédits photos : Jean-Louis Zimmerman (Flickr)