Suite à la publication du très inquiétant « rapport Spinetta » qui prévoit la privatisation de la SNCF et l’abandon de milliers de kilomètres de lignes rurales, j’ai interpellé la ministre des Transports sur l’avenir des transports ferroviaires en France en général et en Isère en particulier, soulevant notamment le cas de l’Etoile ferroviaire de Veynes :

Lettre ouverte à la ministre des Transports à propos de la desserte ferroviaire iséroise

J’en ai également profité pour lui faire part de l’inquiétude des élus de la Métropole suite à l’absence totale de référence au noeud ferroviaire grenoblois dans le rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures, dit « rapport Duron ». A ce objet, je lui ai transmis le voeu adopté à l’unanimité par le conseil métropolitain le 9 février dernier:

2018.02.09 Vœu relatif à la desserte ferroviaire de l’aire métropolitaine grenobloise

l’Isère ne peut pas subir une double peine avec l’abandon des dessertes alpines et l’oubli du nœud ferroviaire grenoblois dans les investissements prioritaires à engager !

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Madame la Ministre,

Au début du quinquennat nous avions salué la volonté du Gouvernement de mettre en pause ou de mettre un terme à certains grands projets ferroviaires inutilement coûteux pour pouvoir flécher les investissements sur les réseaux du quotidien. Mais à mesure que les votre réflexion se poursuit et que les rapports se succèdent, notre inquiétude grandit.

Dernier en date, le rapport Spinetta présenté le jeudi 15 février ne prévoit rien de moins que le démantèlement de la SNCF et sa privatisation à court terme, tant sa filiale « Réseau » que sa filiale « Mobilités ». Le fret « filialisé », connaitrait le même sort, abandonnant ainsi tout espoir de décongestionner nos routes du flux incessant de camions. Alors que le Royaume-Uni est en train de renationaliser son réseau, trente ans après la catastrophique privatisation impulsée par Margaret Thatcher, on ne peut que s’étonner d’une telle préconisation qui relève plus du dogmatisme libéral que du pragmatisme faussement affiché.

Plus grave encore, le rapport prévoit l’abandon de toutes les lignes rurales : près de 9 000 km de voie ferrées, soit le quart du réseau national, si l’on en croit les syndicats. Le rapport précise noir sur blanc que le transport ferré doit se limiter à la liaison entre les grandes métropoles du territoire (et encore, pas au-delà de 3h de trajets selon une autre préconisation incompréhensible d’un rapport rédigé par l’ancien PDG d’Air France que l’on soupçonnerait presque ici de conflit d’intérêts) et aux transports au sein des grandes agglomérations. Pour tout autre type de déplacement, les usagers seront invités à prendre le car. Et encore, l’activité de transports de car n’étant pas toujours rentable, comme on l’observe depuis la loi Macron, certaines dessertes seront purement et simplement supprimées. Ce sera vraisemblablement le cas de la ligne Grenoble-Veynes-Gap, seule liaison ferroviaire alpine, sur laquelle j’ai déjà attiré votre attention. Parmi les pays cités en exemple d’une libéralisation du rail, aucun, ni la Suisse, ni l’Allemagne, ni la Suède n’a délaissé son réseau. Au contraire, tous ont fait l’objet d’investissements massifs. Ainsi l’Etat fédéral allemand verse chaque 7 milliards au Länder pour l’entretien du réseau.

Madame la Ministre, rassurez-nous en nous précisant que votre vision des « transports du quotidien » ne concerne pas uniquement les habitants des métropoles. Enclaver davantage nos territoires ruraux et montagneux est une aberration sociale et écologique : c’est poursuivre la fracture d’une France à deux vitesses entre des métropoles dynamiques et une France rurale laissée à l’abandon ; c’est également aller à l’encontre des objectifs que la France a contracté lors de l’accord de Paris. Le Gouvernement ne peut pas suivre cette recommandation qui balaie d’un revers de main la mission de service public de la SNCF ; une politique de transports ne saurait être guidée par la seule rentabilité au détriment des besoins. Le Gouvernement ne peut pas non plus décemment se targuer de conduire une politique écologique et dans le même temps désinvestir le rail, mode de transports le plus écologique.

A la lecture du rapport, l’élu isérois que je suis pourrait se consoler en imaginant qu’au moins, la vision qui est la vôtre permettra d’améliorer la desserte de la ville de Grenoble, tant ses liens avec les métropoles voisines et que son réseau métropolitain.

Malheureusement, la publication, le 1er février dernier, du rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures présidé par Philippe DURON qui envisage tous les investissements ferrés stratégiques à conduire dans les trente prochaines, ainsi que leur ordre de priorité, ne fait aucune mention du nœud ferroviaire grenoblois. Cet absence est incompréhensible.

En effet, une action résolue est aujourd’hui primordiale alors que la desserte de l’aire métropolitaine grenobloise ne répond plus aux enjeux d’attractivité, notamment économique, et de rayonnement d’un territoire qui est le deuxième pôle de recherche scientifique à l’échelle nationale. En effet, malgré les investissements conséquents réalisés sur l’axe Valence-Grenoble-Chambéry au titre des Contrats de Plan Etat-Région (CPER) 2000-2006 et 2007-2013, l’aire métropolitaine grenobloise, avec ses 750 000 habitants et 320 000 emplois, souffre d’une réelle insuffisance de l’offre ferroviaire et d’une qualité de service dégradée, caractérisée notamment par un manque de fiabilité qui pèse sur le quotidien des usagers, tout particulièrement sur la ligne Grenoble-Lyon, première liaison ferroviaire de la région Auvergne-Rhône-Alpes en termes de nombre de voyageurs et qualifiée de « malade » dès 2011 par Guillaume PEPY, Président du Directoire de la SNCF.

Le Conseil métropolitain des Grenoble-Alpes-Métropole a adopté, à l’unanimité des forces politiques, un vœu résolu en ce sens dont je me fais l’écho auprès de vous en le joignant à ce courrier.

Madame la Ministre, l’Isère ne peut pas subir une double peine avec l’abandon des dessertes alpines et l’oubli du nœud ferroviaire grenoblois dans les investissements prioritaires à engager. Aussi je vous invite à rassurer les élus isérois en nous précisant, au-delà des préconisations technocratiques de ces rapports, les intentions réelles du Gouvernement.

Je vous remercie par avance de l’attention que vous portez à cette correspondance, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma très haute considération.

Guillaume GONTARD

Sénateur de l’Isère