Examiné depuis début juillet au Sénat, le projet de loi Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) est l’une des pires lois proposées par le Gouvernement depuis un an.

Entendant « faciliter la construction », ce projet de loi remet en cause toute une série de normes sociales, écologiques, patrimoniales, etc.

On croirait un cadeau réalisé aux grandes entreprises du bâtiment pour pouvoir, passer moi l’expression « bétonner tranquillement ». Ce projet de loi réduira la part de logement social dans les grandes villes ainsi que l’accessibilité des logements neufs pour les personnes handicapées.

Il menace la préservation de notre centre-villes historiques et la qualité architecturale de nos bâtiments.

Enfin, c’est une incompréhensible occasion manquée de mettre en œuvre les promesses gouvernementales pour lutter contre l’artificialisation des sols et donner un coup d’accélérateur à la rénovation thermique de nos bâtiments.

Avec mes collègues du groupe Communistes, Républicains, citoyens et écologistes (CRCE) nous avons bien évidemment voté contre. Mais elle a été adoptée avec les voix des sénateurs de la majorité, qui, sur biens des sujets, sont allés encore plus loin que le Gouvernement…

Déjà voté à l’Assemblée, le texte fera l’objet après les vacances parlementaires d’une commission mixte paritaire (CMP) chargée de trouver une version commune aux deux chambres.

Des conditions de travail du Parlement indignes

Première remarque : les conditions de travail pour une loi d’une telle ampleur et d’une telle importance  ne sont pas acceptables.

Cette loi comporte 250 pages d’articles très techniques et difficiles d’approche. Elle s’accompagne du rapport d’examen de l’Assemblée nationale qui en précise les tenants et les aboutissants. Ce rapport fait 900 pages.

L’examen de la loi ELAN a commencé mardi 04 juillet en commission des Affaires économiques du Sénat, seulement quelques heures après la fin de l’examen de la loi Agriculture et Alimentation qui venait de nous mobiliser durant près de 50 heures de débats en séance publique. Fait exceptionnel, c’est la même commission qui était saisie au fond et qui a du travaillé, parfois de manière simultanée sur les deux textes…

Le délai fixé pour l’examen du texte et le dépôt des amendements était extrêmement court, si court que nous n’avons pas pu disposé à temps de l’indispensable rapport de la commission. L’importance de texte aurait mérité un temps d’examen et de débat beaucoup plus  approfondi.

Le rythme de travail qu’impose le Gouvernement au Parlement témoigne de son mépris pour les représentants du peuple, donc pour la démocratie.

Bâcler ainsi le travail parlementaire, travailler dans une telle urgence est la garantie d’une loi mal faite.

Pour revenir au texte :

La remise en cause de l’accessibilité des logements aux personnes handicapées

Mesure qui a fait couler le plus d’encre : la réduction à 10 % du nombre de nouveaux logements accessibles aux personnes handicapées ou à mobilité réduite.

Le reste des nouveaux logements devant seulement être « évolutifs », notion complètement floue qui n’est pas là pour nous rassurer. Ce nombre est tellement faible qu’il menace le droit des personnes handicapées à choisir leur logement et à se rendre chez leurs proches. Cette disposition a même été dénoncée par le Défenseur des droits.

La commission des Affaires économiques du Sénat s’en est tout de même émue et a relevé le seuil à 30%.

Cela me semblait toujours insuffisant.

J’ai donc proposé, avec le groupe CRCE, un amendement pour rétablir 100% de logement accessible. Ainsi que des amendements de compromis à 75 % et 50 %.

Après un long débat, ces amendements n’ont malheureusement pas été acceptés et nous en sommes restés à 30 %.

Une attaque en règle contre le logement social et la mixité sociale

Le projet de loi du Gouvernement prévoit la possibilité pour les bailleurs de sociaux de vendre des logements sociaux pour rééquilibrer leur budget.

Cette volonté de brader le patrimoine public est aberrante.

Elle l’est d’autant plus que ces logements pourront demeurer pendant plusieurs années dans le quota de logements sociaux de la loi SRU qui fixe un seuil minimum de logements sociaux à 25 % par commune. Pire encore, si les communes n’ont plus de réserves foncières suffisantes pour construire des logements sociaux après ventes, elles pourront déroger au quota.

Seule avancée du Sénat, un droit de veto des maires sur ces opérations a été instauré.

La droite sénatoriale a profité de l’occasion pour tailler en pièce la loi SRU. Elle a ainsi repoussé de 2025 à 2030 le délai pour atteindre le quota de 25 %. Elle a surtout décidé de mutualiser ce quota à l’échelle intercommunale créant des inégalités territoriales entre les  communes de riches et des communes de pauvres d’une même intercommunalité.

De notre côté, nous avons opposé une vision radicalement opposée de la mixité sociale défendant une politique de logement social ambitieuse. Nous avons par exemple proposé de rehausser la part des logements sociaux les plus accessibles (PLAI) face aux autres logements sociaux (PLS) :

Dans la même logique, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi ELAN la possibilité de transformer des bureaux en logement pour pallier au manque de logement dont souffrent certaines de nos agglomérations.

Si cette mesure est louable, avec le groupe CRCE, j’ai déposé un amendement pour rétablir un objectif de mixité sociale quant à la transformation de ces bureaux, afin que tous les logements ainsi créés profitent à tous.

Malgré le bon sens de cet amendement, il n’a pas été accepté.

Lutter contre les marchands de sommeil

La crise du logement que connaît notre pays, doublé d’un accroissement de la pauvreté, entraîne une multiplication des marchands de sommeils.

Ces bailleurs illégaux qui louent, à des gens dans la détresse, des logements insalubres à des prix indignes. Le projet de loi n’envisage malheureusement que beaucoup trop peu cet aspect, nous avons tenté d’y remédier, sans succès, avec cet amendement :

Protéger la loi MOP pour l’équité dans les marchés publics

Le Gouvernement a proposé une simplification de la loi de Maîtrise d’ouvrage publique (MOP).

J’ai déposé avec le groupe CRCE un amendement contre ces simplifications.

En effet, la loi MOP, saluée par tous les acteurs du secteur de la construction, encadre l’ensemble des marchés publiques divisant les travaux sous forme de lots, permettant aux TPE et PME de nos territoires de pouvoir remporter les appels d’offres face aux grands groupes du BTP.

Malheureusement notre amendement a été rejeté :

Défendre les architectes des bâtiments de France

Autre mesure controversée de cette loi : la diminution des prérogatives des Architectes des Bâtiments de  France (ABF), chargés de la préservation de notre patrimoine immobilier.

Le Gouvernement entend supprimer leur droit de veto (avis conforme) et le remplacer par un avis simple pour toutes les opérations d’urbanisme relatives à l’implantation d’antennes relais ou la destruction de bâtiments insalubres.

Cette mesure problématique en elle-même ouvre une brèche qui menacera rapidement le rôle des ABF dans toutes les opérations d’urbanisme et qui menacera donc nos centres-villes historiques qui font la richesse de notre pays.

Nous ne pouvons pas permettre de sacrifier notre patrimoine pour des considérations uniquement économiques.

Avec plusieurs groupes, nous avons déposé des amendements pour préserver l’avis conforme de l’Architecte des bâtiments de France.

Après un long et riche débat, l’amendement a malheureusement été rejeté à quelques voix près.

Le volet écologique, grand oublié

Poursuivant la logique de déréglementation,  le Gouvernement ne s’est pas embarrassé des normes écologiques,  en contradiction avec les objectifs affichés par ailleurs par Nicolas Hulot.

Si après une frayeur à l’Assemblée, la loi Littoral a plutôt été préservée (une seule exception concernant le comblement des « dents creuses » ) ce texte est une série d’occasions manquées :

La lutte contre l’artificialisation des sols attendra…

Le plan biodiversité, présenté au début du mois de juillet par Nicolas Hulot affiche un objectif de zéro artificialisation nette des sols.

Malheureusement, il ne précise ni l’échéance, ni le véhicule législatif. Avec les mesures proposées pour lutter contre l’étalement urbain ce projet de loi nous semblait  répondre aux objectifs de préservation de la biodiversité .

J’ai donc déposé deux amendements : l’un pour lutter interdire l’artificialisation des sols d’ici 2025 et un deuxième plus immédiat pour interdire le bétonnage des surfaces agricoles utiles.

Cette disposition est portée par tous les syndicats agricoles. Elle est indispensable pour réussir la transition agricole.

…tout comme la rénovation énergétique du bâti et la lutte contre la précarité énergétique

Promesse reprise par tous depuis le Grenelle de l’environnement, la rénovation thermique de nos bâtiments se fait toujours attendre.

C’est pourtant une mesure écologique et sociale indispensable. Le logement est de loin le premier poste de consommation d’énergie du pays. Une énorme quantité de cette énergie pourrait être économisée pour réduire notre impact écologique et tenir nos objectifs de l’accord de Paris. En effet au moins 7 millions de logements sont mal isolés dans notre pays entraînant un gaspillage considérable. Depuis 2008 on en rénove en moyenne 50 000 par an. A ce rythme là, il nous faudrait un siècle et demi pour rénover tout le parcs. La marge de progression est considérable !

Ce Gouvernement, comme les précédents, a affiché des objectifs ambitieux sans se donner les moyens de les tenir.

Nous avons tenté d’y contribuer en défendant plusieurs amendements, sans succès :

Encourager l’expérimentation territoriale pour lutter contre la Précarité énergétique

C’est une mesure sociale également, car les passoires thermiques font exploser la facture énergétique des ménages l’hiver.

Double peine, ce sont les ménages les plus modestes qui habitent « les passoires thermiques » et sont victime de précarité énergétique.

A cet égard, le texte manque également d’ambition. Nous avons tenté d’y remédier en tentant de rétablir certains dispositifs intéressants introduits à l’Assemblée comme un appel à projet territorial sur le modèle des territoires à énergie positive.

Sans succès malgré le soutien du Gouvernement :

Seule satisfaction : la préservation des parcs naturels régionaux

Dans sa volonté de simplification des normes d’urbanismes, le Gouvernement voulait supprimer l’opposabilité des chartes des Parcs naturel régionaux aux autres documents d’urbanisme (PLU, SCOT).

Avec plusieurs collègues de tous les bords, nous avons déposé des amendements pour défendre l’opposabilité des chartes des parcs naturels régionaux aux documents d’urbanisme (SCOT, PLU, etc.) .

C’est à dire qu’aucune décision ne peut aller à l’encontre des règles d’urbanisme définies par les parcs naturels en concertation avec tous les acteurs locaux.

C’est une mesure importante pour la défense de nos paysages et de notre biodiversité.

J’ai le plaisir, avec d’autres collègues, d’avoir fait adopter cet amendement :

Retrouvez l’essentiel de mes interventions :